Chapitre II : Le Gambit De La Reine

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- Je vais devoir partir avant toi. J'ai une réunion avec l'équipe comm' à 7h, avant l'arrivée des journalistes.

La voix de Stéphane résonna dans la cuisine, tirant Gabriel de ses pensées.

- J'étais en train de préparer le petit-déjeuner... protesta ce dernier sans conviction, détournant un instant les yeux des fraises qu'il était en train de couper. Il savait que cette protestation était symbolique, une manière de faire barage à cette tyrannie du travail qui envahissait leur vie.

- Je sais, chéri, mais c'est tendu en ce moment. À 9h, j'enchaîne sur l'entretien avec Macron après les interviews. Ensuite, je dois passer au ministère pour préparer le discours de cet après-midi. Ah, et n'oublie pas que j'ai l'interview avec Le Figaro à midi trente, donc je ne serai pas là pour le déjeuner. Mais je t'attends à 14h pour la séance à l'Assemblée pour discuter du budget...

La voix de Stéphane devint lointaine, et Gabriel hochait la tête sans vraiment prêter attention aux détails du programme. Leur vie personnelle s'entremêlait constamment avec leur vie professionnelle, un mélange où les gestes d'affection devenaient des formalités expéditives.

Gabriel pensait à la longue journée qui l'attendait. Depuis l'annonce de la dissolution, c'était l'enfer.

- Franchement, Stéphane, c'est pénible de devoir jongler avec toutes ces apparitions publiques de Macron. Il semble incapable de rester en retrait. Il complique encore plus notre tâche.

Stéphane ajusta sa cravate avec un air préoccupé, évitant le regard de Gabriel.

- Oui, je comprends que ça puisse être difficile. Mais tu sais, Emmanuel est... imprévisible... il est compliqué de le faire changer de comportement, même si je sais que ce n'est pas facile pour toi.

Gabriel ressentit un pincement au cœur. Il se sentait accablé par la solitude face à ses frustrations, comme si ses préoccupations étaient minimisées par Stéphane.

- Donc, en gros, on doit juste accepter la situation et faire avec ? Génial. J'aurais aimé un peu plus de soutien, mais je suppose que ce n'est que mon problème.

- Bon, je dois filer. Profite de ton petit-déjeuner pour une fois. Tu ne commences qu'à 8h, non ?

- Oui.

Stéphane était déjà en train d'ajuster sa cravate, prêt à affronter une nouvelle journée. Il s'approcha et déposa un baiser rapide sur les lèvres de Gabriel, qui ferma les yeux brièvement, le cœur lourd et l'esprit confus.

« Tout faire voler en éclats. »

Parler ou se taire ? Ce n'était pas le bon moment, pas assez de temps, et il y avait tellement à dire, mais aucun mot ne semblait convenir. Il n'y avait que l'angoisse. Elle seule se pendait à son cou.

- On se voit à 14h.

- Bon courage.

Stéphane quitta la pièce, et Gabriel entendit la porte de l'appartement se refermer doucement derrière lui. La solitude tomba sur lui comme une chape de plomb, chaque seconde de silence amplifiant le bruit de ses propres pensées. L'air semblait devenu plus dense, difficile à respirer. Son cœur s'emballait, comme s'il pressentait une menace invisible, un danger imminent. Ce pressentiment l'empêchait de dormir correctement depuis près d'un mois, mais il s'était intensifié cette dernière semaine.

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