Chapitre X : ÉCHEC

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La sonnerie retentit. Une, deux fois. Puis une voix rauque et familière se fit entendre.

— Monsieur Attal, ce n'est pas une heure pour appeler les gens, vous savez. C'est ma main autour de votre gorge qui vous manque, ou le baiser que vous venez réclamer ?

— Pourquoi tu fais ça... Pourquoi... tu me fais ça ? murmura Gabriel, sa voix brisée par l'alcool.

— Qu'est-ce que je te fais, exactement ? répondit Jordan, calmement, presque amusé.

— Tu me fous en l'air... Qu'est-ce que tu y gagnes ?

Jordan marqua une pause, laissant la question flotter dans l'air, avant de répondre d'une voix aussi tranchante que douce :

— J'y gagne toi. Tu ne comprends pas que tu es tout pour moi, Gabriel ? Moi, je n'ai pas peur de ma vérité. À toi de porter le poids de la tienne.

Le bourdonnement de la ligne occupa seul le silence quelques secondes, puis se tut. Gabriel avait raccroché.

***


Il était près de huit heures lorsque Gabriel s'éveilla. Une lumière crue envahissait la pièce, violente, forçant ses paupières à se refermer aussitôt qu'il les avait entrouvertes.

Une pulsation sourde martelait son crâne. Par réflexe, il tourna la tête, cherchant à l'enfouir dans un oreiller qu'il ne trouva pas. Son visage buta contre une chaleur étouffante, une sorte de poussière imprégnée dans le tissu. Ses cervicales protestèrent, raidies par une nuit passée dans une position trop rigide. Peu à peu, dans le brouillard de son esprit, une vérité s'infiltra : il avait dormi dans un endroit qui n'était pas le sien.

Sans bouger davantage, il rouvrit prudemment les yeux, luttant contre l'agression lumineuse.

Devant lui, une grande fenêtre aux lourdes tentures entrouvertes laissait entrer à flots le soleil.

Son regard erra, glissant du mur à la fenêtre, du tapis au plafond, sans parvenir à saisir la moindre familiarité dans cet espace résolument étranger.

Peu à peu, la réalité reprit ses droits. Il était affalé sur un récamier de velours bleu, la nuque brisée contre l'appuie-tête, les jambes ballantes hors du siège. Sa chemise gisait en boule sur le sol, et la ceinture de son pantalon, entortillée autour de sa taille, lui mordait douloureusement les chairs.

Sa gorge était sèche, brûlante de sécheresse. Et il était oppressé par une chaleur qui semblait irradier de sous sa peau.

Avec peine, il fit basculer son corps, se retrouvant assis au bord du récamier, l'esprit fiévreux et le corps accablé. Il aperçut sur la table basse une bouteille de vin blanc vidée, qui commença à lui raconter l'histoire de sa dérive nocturne.

Il comprit alors qu'il s'était réfugié dans l'une des dépendances de Matignon.

Un parfum de langueur flottait dans l'air, imprégnant les tissus lourds et le bois humide. Les particules de poussière dansaient mollement dans la flaque de lumière à ses pieds.

Une émotion diffuse l'assiégea sans prévenir, un chagrin sans nom qui pesait sur son être si lourd qu'il se plia en deux, cachant son visage entre ses doigts écartés.

Cette peine lui étreignit la gorge, s'entortilla autour de lui avec l'insistance d'une courtisane qui, refusant d'être éconduite, s'accroche à sa proie, implorante et impossible à ignorer.

Il ne se souvenait pas de sa nuit, mais en ressentait comme... la tragédie de se réveiller encore vivant.

Face à cette sensation envahissante, il vacillait entre le rire et les larmes, incapable de choisir. Un mélange d'absurdité douce dans sa violence invisible, et de malheur authentique. Une invitation appétissante à se laisser mourir doucement, ou à faire l'amour. Enfin, à trouver un moyen de se dissoudre, de disparaître de soi.

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⏰ Dernière mise à jour : 2 days ago ⏰

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