Koss

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Cette histoire est inspirée de faits réels et peut aborder des thèmes liés à la violence, au deuil, à la mort etc.

Toute ressemblance avec des personnes existantes en revanche est tout à fait fortuite.

J'écris en improvisation, comme ça me vient, j'espère que ça prendra quand même sens et que cela vous plaira. Merci à vous.

[...]

Encore un jour de pluie. Encore un jour de deuil. Je m'étais éloigné du troupeau près de sa tombe, pour m'allumer une énième cigarette.

Je repensais à la scène.

Je crois qu'à part moi, personne ne sait vraiment ce qu'il s'est passé. Un accident ça arrive si vite. Surtout ici à Delmar, ça arrange nos forces de l'ordre locales. "On est désolé pour ta famille et toi Koss, l'alcool ça fait des ravages... On en ramasse presque 3 par semaine tu sais, c'est comme ça ici."

Ma sœur et mon frère n'étaient pas tristes. Disons qu'ils semblaient... soulagés. Faut dire que nos relations avec le paternel c'était pas un conte de fée. Quand on était plus jeune, il nous "apprenait le respect" en nous tabassant, et, quand on avait plus l'énergie d'écouter, il s'en prenait à Babeth, notre maman. C'est rigolo les pères alcooliques et violents, ils semblent oublier qu'un jour pas si loin, on grandit, on fait leur poids, leur taille. Et que parfois, quand on vient leur rendre visite à l'improviste, et qu'on les aperçoit, le poing levé sur celle qui nous a tout donné, et bien on trouve la force de répondre. J'avais pourtant pas tapé bien fort. Mais bon, il tenait déjà pas beaucoup, quand je l'ai vu basculer en arrière, je pouvais pas savoir que cet idiot trouverai le moyen de s'éclater le crâne contre la table basse du salon. Ma mère était horrifiée. Moi j'étais soulagé. Et la première phrase qui m'est venue en tête, je m'en rappelle encore :
"Tu m'auras pourri la vie, et voilà que ta mort va m'amener autant de problèmes."

Alors oui, je repense à la scène.

Évidemment, maman m'a protégé. Et ça nous fera au moins un secret à tous les deux. Même pour Jess et Soly, papa est tombé parce qu'il avait trop picolé. C'est pas vraiment un mensonge quand on y pense...

C'était plus dur pour Soly que pour Jess. Mon petit frère était le seul à avoir encore un peu de contact avec notre daron. Je dis bien "un peu", parce que, globalement, on essayait tous de venir quand maman était seule. Jess avait coupé les ponts depuis bien longtemps avec le paternel. Elle était plus âgée, plus intelligente, Dieu merci d'ailleurs.

J'écrasais ma cigarette contre une poubelle, en me tournant vers les autres, qui se lamentaient autour du futur lieu de vie de mon père. J'avais rien écouté à l'église. Du blabla pour encenser une ordure, je vois même pas ce que le Ciel pourrait faire de lui. Mais bon, c'est l'occasion de s'habiller correctement, revoir la famille éloignée, bonne ambiance quoi, quand on a l'habitude. Dans l'année on a déjà perdu Mamie Gato, et le cousin Brondy, une balle dans la tête après une vilaine bagarre dans le quartier Est. Quelle idée d'aller traîner chez les Grango, rois de l'Est de la ville. Du coup j'en ai profité pour regarder à nouveau l'église. Les vitraux nous racontent tellement de choses, et c'est le seul endroit où je peux apercevoir autant de couleurs. Dans ma vie c'est plutôt gris.

Les 12 coups de midi sonnaient quand Soly m'a rejoint près de ma voiture.

- On va pouvoir souffler un peu maintenant. On va se boire un verre à côté ? M'interpelle t-il.

- Aha, souffler jusqu'au prochain oui. Je te suis frangin.

Le "Glemington" est le bar principal de notre quartier Nord. Forcément ils connaissent bien notre père la bas. Mais ils nous ont connus tout petits, alors on est toujours invités quand on y va. C'est donc ça, l'héritage familial.

- C'est marrant, chaque enterrement qu'on a fait, il pleuvait. A croire que pleurer ça hydrate pas assez. Me dit Soly en sirotant sa bière.

- Tu vas pas me la faire, t'as pas versé une larme frangin, je suis pas fou. Mais t'as raison, c'est vraiment un temps à cacher son crâne.

Il gratte son crâne rasé de près, et me regarde en soupirant.

- Évidemment, c'est surtout pour maman que je m'inquiète, me répond t-il, tout le monde va venir l'emmerder pour savoir comment elle s'en sort et tout le bordel. Alors qu'on les a pas vu de l'année. Le culot. T'as vu le monde ? Comment on peut être si con et autant respecté ?

- Il suffit que ce soit tous des gros cons.

On a levé la tête en même temps, c'était Jess, qui avait encore trouvé le timing parfait pour nous rejoindre.
Elle nous a embrassé de nouveau tous les deux, avant de s'asseoir avec nous, son verre d'eau à la main.

- J'ai comme l'impression d'être libérée d'un poids pas vous ? Comme si j'allais enfin pouvoir être tranquille. C'est fou comme les gens que tu vois pas, que tu n'entends pas, peuvent parfois te prendre autant d'énergie. Dit-elle d'un ton soulagé.

- C'est bien vrai, t'auras plus à le croiser dans le quartier au moins. Lui répond mon jeune frère.

J'ai juste souris. Ils avaient raison. Sa mort nous libérait toutes et tous d'un poids immense. Mais eux, ils ne savaient pas qu'elle m'en avait quand même ajouté un énorme sur les épaules. Mais je devais m'en contenter.

J'ai terminé le verre d'eau de ma sœur à sa place, et je suis parti faire un tour tout seul. Dans le quartier Nord, on a une petite butte aménagée qui surplombe la ville. On y voit l'Est des Grango, l'Ouest des Tahud, et la beauté de mon quartier. Je me suis assis sur un banc, sous la pluie fine, une autre clope à la main.

Puis j'ai repensé à la scène.

Soudain, mon téléphone a sonné dans ma veste de costume. Le Lieutenant Stuart... Bizarre. J'ai soupiré, craché la fumée, avant de décrocher.

À suivre...

Sombre exutoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant