37. Amies

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Seïri ne se souvenait pas d'avoir jamais possédé autant de propriétés sur ce navire avant de ne devoir les ranger.
Cependant elle ne pouvait plus se voiler la face désormais, assise en tailleur sur le sol de sa cabine partagée de l'infirmerie, un doux vent d'après-midi se perdant dans ses cheveux, l'intimant au calme. Elle avait survécu à pire que le rangement de ses affaires dans un sac à dos quand même !

Mais elle était quand même là, poussant un long soupir d'épuisement alors que la salle sensation d'être débordée lui courait sur le bout des doigts.
Et pour une fois, ce n'était pas qu'un mirage. Un coup d'œil à gauche et un autre à droite lui suffisait pour comprendre qu'elle était tout simplement dans la merde.

La brune n'aurait jamais dû sous-estimer ce que deux ans de paye sur le Mobydick lui avait permis d'acheter au fil des mois et des envies. Elle grimaça, haussant un sourcil interrogatif devant une chemise qu'elle ne se souvenait même pas d'avoir un jour acquise.
La faute aux défis idiots de Banshee et d'Ace qui appréciaient mettre à l'épreuve son sens du style qu'elle considérait comme plus bas que terre si l'on excluait les tenues traditionnelles de l'équation. Parce qu'elle n'était pas ce que l'on appelait une acheteuse compulsive.

Son père avait toujours eu les moyens, ces paies et primes conséquentes découlant simplement de l'importance de sa position et des dangers qu'il encourait sur les mers depuis plus de trente ans, si ce n'est quarante.
Mais il était un homme de tradition qui, à l'image des kimonos et des loisirs calmes qu'il prônait, n'encourageait absolument pas ce qu'il nommait "les dépenses non nécessaires".

La fille de l'amiral sentit une migraine poindre alors que faisant suite à cette réflexion et comme pour la moquer, elle se retrouvait face à la peluche d'elle ne savait plus quel animal local d'une énième île du territoire de l'Empereur, perdue dans l'un des sacs que Marco lui avait apporté.
C'était exactement ce que son père n'appréciait pas pensa elle, perdant ses prunelles claires dans les deux pierres noires constituant les yeux de la petite bête à la couleur brune et aux formes étranges. Elle ne se souvenait même pas du nom de cet animal, une honte lorsque l'on traversait les mers à la recherche de la science.

M'enfin bon cette information devait être perdue dans son carnet de notes, écrite lorsqu'elle était de toute évidence tombée amoureuse de cette adorable peluche et lorsque n'ayant pas résisté aux intonations de ces criminels de camarade, avait mis la main à la poche.
Ils n'avaient pas eu la meilleure des influences sur elle, ça c'était sûr. Or ils suivaient au moins leur mantra, celui de vivre sans regrets. Même quand on parlait des possessions physiques.

"Non mais Seï, il faut bien supporter le travail des marchands locaux voyons !"

Une phrase toute Ace, celle-là ; une lui arrachant presque un sourire de nostalgie et de tristesse mêlée.
Combien de fois l'avait il prononcée, pour peu que sa flotte se trouve sur le navire mère en même temps qu'une escale sur une île du territoire ?... elle ne les avait simplement pas comptés.

Et c'est peut-être à ce moment là, ses doigts se perdant dans la fourrure de la peluche que la jeune femme réalisa pleinement la quantité de souvenirs qu'elle avait crée sur ce navire. Alors même qu'elle n'en possédait aucun à l'origine.
Elle avait fait sa vie sur ce plancher de bois et maintenant elle allait tenter de rejoindre l'initiale, celle qu'elle avait oublié fut un temps. En y repensant, elle avait du mal à croire qu'elle avait réellement pu oublier toute son existence, se rappelant seulement de son nom.

Mais sa situation n'était pas sortie du dessous d'un chapeau, elle était issue d'une suite d'événements qui lui donnaient la migraine rien que par la pensée. Et elle se surprit à sourire, s'imaginant devant expliquer à son père le pourquoi du comment.
Elle voyait déjà son expression se peindre sur ces traits, celle de l'homme doutant sérieusement de la parole de son interlocuteur mais finissant finalement par y croire. Parce qu'il n'avait pas le choix après tout, il s'agissait de la simple et pure réalité ; la sienne.

La fille du magmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant