Rough Love (Version française)

Chapitre 20 : Cette putain de décision

Lundi. Le silence dans la pièce est devenu très lourd. Je le sens peser sur mes épaules, sur ma poitrine, depuis hier tout est devenu silence. Marlena est assise en face de moi, mais c'est comme si elle était à des kilomètres.

-T'es tout le temps en soirée. T'est chiante a la fin.

Je crache comme du venin, ma voix un peu plus haute que je ne l’aurais voulu.

Elle ne dit rien, au début, puis ses yeux glissent sur moi, impassibles. Puis elle hausse les épaules, presque désinvolte.

-Tu n'as qu'à venir à la prochaine

Cette légèreté pour me répondre qui m'agace autant qu'elle me fascine. Elle aurais pu se taper une crise pour une remarque comme celle là. Je me demande si elle se rend compte à quel point je suis inquiet, et fatigué de l'attendre juste pour qu'elle se drague ce putain de César, ou si elle s'en fiche vraiment. Mais ce n’est pas juste des soirées… c’est quelque chose de plus profond, de plus sombre, et je n'arrive pas à mettre des mots dessus. Elle fait exprès de m’inviter.

Elle se lève, prête à partir et me fuir encore comme la peste. Je vois dans ses yeux cette lueur qui me dit qu'elle a déjà un plan en tête, un mauvais. Elle va se venger d'une manière ou d'une autre, et quelle meilleure façonque m’inviter. Ses soirées avec les autres quatre meilleurs, c’est pas juste de la fête. Il y a toujours une cible ou deux, des pauvres âmes invitées pour qu’ils s’amusent. Et Marlena... Marlena fait les choix. Elle fait toujours les choix. Je le sais, les líders en font toujours les honneurs.

La journée s’étire après ce moment un peu relou de la journée. On regarde un film ensemble, comme si de rien n'était. Mais je sens qu’elle n'est pas bien, elle arrêtepas de bouger. Quelque chose en elle la déstabilise, même si elle essaie de le cacher. Pour une raison quelconque, je ne dis rien. Je sais que, quoi qu'il arrive, elle ne reviendra pas sur sa décision. Elle a déjà choisi. Elle a même appelé Sarla. Je sais que pour la Mort, il n’y a pas de retour en arrière une fois choisi sa victime.

Résumé de ce magnifique mardi : on s'ignore. Pas un mot, pas un regard, ni un miserable geste. C'est ridicule. Je voudrais juste briser cette distance entre nous, lui dire que je suis désolé, que je m'en veux. Lui crier que je l’aime. Mais la peur d'être vulnérable, de me laisser trahir, me retient. Elle aussi, je le sais. Elle a peur. Peut-être même plus que moi.

Chaque minute qui passe est un coup de poignard. On pourrait tout arranger si on se parlait, mais on reste figés, incapables de faire le premier pas. Alors..., les choses sont foutues. Parce que la détester ne marche pas pour moi et l'aimer me tue. Génial.

Ce mercredi je finis par craquer. Je vais proposer à Marlena d'annuler. D’annuler cette soirée, cette maudite idée de jouer avec des vies.

-Marlena... et si on annulait?

Elle me regarde, prête à accepter, et pendant une seconde, je crois qu’on est sauvés tous les deux. Mais son téléphone sonne. Sarla sûrement. Je n’entends pas ce qu'elle dit, mais je vois l’expression de Marlena changer, se durcir. Elle raccroche, le visage fermé.

-Je dois amener des verres pour le bière pong, dit-elle d'une voix plate, sans sentiments.

Je fronce les sourcils.

-T’es sérieuse ?

-Oui. Et tu viens. C’est un ordre. Je n’y peux... rien.

-T'as qu'à desinviter la cible, tu peux faire ça, non ? T'es la leader !

Elle secoue la tête, déjà exaspérée.

-C’est Sarla qui décide, Jake. Moi, je ne peux rien faire.