Le Royaume de Sky

PARTIE 1 - AU COMMENCEMENT Chapitre 4 : Le croisement des destins

Mercredi, quatorze heure trente, Skylar

    Je regarde Star s'éloigner en direction de son poste et me mords la lèvre. Une bien fâcheuse manie que j'avais développée dans mes jeunes années et que je reproduisais chaque fois que quelque chose me préoccupait. Je n'avais pas osé parler de mon pressentiment à Star et pourtant, c'était mon meilleur ami. C'était comme si le fait de le garder pour moi l'en rendait moins réel, moins menaçant. Je soupire et me dirige moi aussi vers les tâches qui m'attendent. Direction: la Fabrique.

Ce n'est pas très loin et il me suffit d'une bonne vingtaine de minute à pied pour y arriver. La fabrique, mon univers. Tu parles d'un univers... En tout cas, on ne peut pas la manquer. On la voit dominer le paysage de loin, cette immense et laide bâtisse rouge flamboyant. Enfin, flamboyant plus tant que ça. Vu son âge, ce bâtiment a déjà vu défile rplusieurs générations parmi mes ancêtres. On le croirait même sur le point de s'écrouler...

        J'entre et montre mon Pass pour accéder au bâtiment. Ici, tout fonctionne ainsi. Chacun a sa place, sa fonction et donc son Pass pour l'identifier dans la société. Finalement c'est plutôt bien réglementé -et au vu de notre situation, bien heureusement, sinon il y a bien longtemps que l'anarchie régnerait. Sauf que bien sûr aujourd'hui, rien ne veut fonctionner comme il faut et j'ai beau travailler ici depuis deux longues années déjà, la femme de l'entrée -la même bonne femme depuis deux ans- ne me reconnaît pas -ou fait mine de ne pas me reconnaître tout en m'indiquant que mon Pass n'a pas été renouvelé comme il le fallait. Je la regarde fixement sans bien comprendre :

- Mais... la date d'expiration c'est demain !

- La date qu'il y a sur ton Pass, c'est aujourd'hui.

- Oui, mais le Pass est valable aujourd'hui aussi, j'en suis certaine, j'ai lu les petites écritures en bas de page quand j'ai eu mon Pass.

La vieille se renfrogne mais finit par me laisser passer.

Bon. Cette journée continue décidément sur une lancée divine.

Mercredi, quatorze heure trente, Katya

        Une fois mon frère parti, je m'assure une dernière fois de l'état de ma mère, puis je range ce qui est resté en désordre dans la cuisine. Pour une fois, je me sens plutôt calme. C'est qu'elle ne va pas tarder... Lorsque deux coups discrets frappent à la porte, je vais m'assurer une dernière fois que ma mère dort à poing fermé afin qu'elle ne nous surprenne pas, puis je vais ouvrir. Sonia entre rapidement dans la pièce tandis que je referme la porte tout aussi vite derrière elle. Je vais pour m'approcher d'elle lorsqu'elle me rappelle à l'ordre :

- Attends, les rideaux !

Un peu plus et j'en aurais oublié l'unique fenêtre de la pièce centrale, côté rue. Je me dépêche de l'atteindre et de tirer les lourds rideaux noirs devant avant d'enfin pouvoir embrasser celle qui fait battre mon cœur en riant. Elle me rend mon baiser, plutôt deux fois qu'une et nous savons toutes les deux que ce moment torride volé nous accompagnera toute la journée. Sonia ne reste jamais longtemps et nous trouvons toujours des prétextes pour excuser ces visites, car personne ne sait que j'aime les femmes. Elle, elle est comme un rayon de soleil sur mes tourments et sur les questions qui se bousculent sans cesse dans ma tête. Elle est mon inspiration. Ici, tout le monde sait que Sonia aime les femmes. Ce n'est pas interdit -c'est  «seulement» mal vu. Mais elle s'en fiche, elle dit qu'elle vit comme elle le veut et que rien ni personne ne l'empêchera d'aimer qui que ce soit. Un véritable rayon de soleil...