PARTIE 1 - AU COMMENCEMENT Chapitre 8 : Souvenirs

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Skylar

        Depuis des jours, je ne bouge plus de chez moi. C'est l'avantage au fait de vivre seule : personne ne peut vous imposer sa présence si vous ne la souhaitez pas. Et en ce moment, le moins que l'on puisse dire, c'est que je ne veux voir personne. J'ai toujours aimé avoir le contrôle, d'une manière générale:  j'aime avoir un plan, savoir ce qui m'attend, pouvoir m'adapter aux différentes situations en les anticipant. Peut-être est-ce là le vestige hérité d'un ancien temps, un temps où je subissais ma vie sans pouvoir véritablement rien y changer. Toujours est-il que je possède un besoin maladif de contrôler ce qui m'arrive. Les derniers jours mettent donc mes nerfs à rude épreuve... Je ne comprends toujours pas ce qui m'est arrivé -s'il y a vraiment quelque chose à y comprendre, mais il y a en tout cas un je-ne-sais-quoi qui ne tourne pas rond chez moi... Je lève les yeux au ciel -si seulement c'était la première fois que je pensais cela...

Skylar, 7 ans.

Je crois que je suis... perdue? Je ne sais pas où mère se trouve. Mère n'est pas ma maman, comme Père n'est pas mon papa. Je ne suis pas de leur sang. Ils m'ont adopté à quelques mois -parait-il. J'étais un bébé a-do-rable -paraît-il. Sans pleurs, sans larmes, toujours à sourire pour un rien, toujours à donner un sourire à tout le monde pour les rendre heureux. Et ils semblaient effectivement très heureux quand ils parlaient de ça. De moi, bébé. Mais cette réalité là n'a pas durée. Aujourd'hui, je suis toujours aussi discrète, mais même ma discrétion semble encore prendre trop de place... Comme si, finalement, ils regrettaient leur choix d'avoir un enfant. C'est pour ça que quand ils m'ont dit aujourd'hui que nous faisions une sortie en famille, j'en avais presque sauté de joie. Du moins intérieurement -juste pour moi. Pour eux, j'avais simplement souri poliment. Nous sommes partis à pied en ville et puis... le trou noir. Je ne sais plus bien ce que nous avons fait, mais ça avait forcément dû être quelque chose de passionnant. Seulement maintenant, je me retrouve seule dans une ruelle sombre sans savoir où aller. Sans doute que Mère m'a demandé d'attendre là qu'elle revienne... Sans aucun doute. Il faut toujours obéir à ses parents, après tout ils savent toujours exactement ce qui est bon pour nous.

Alors j'attends. J'attends. J'attends...

        Je sors de ma torpeur emplie d'amertume. Bah bien sûr, les parents savent toujours ce qui est bon pour toi! C'est pour cela que j'avais attendue aussi longtemps, seule dans cette ruelle, assise sur je ne sais plus quoi, pendant je ne sais plus combien de temps, tandis que l'obscurité emplissait lentement la rue et envahissait tout autour de moi... C'est pour cela que j'avais dû finir par me dire que, finalement, tout ne devait pas tourner rond chez moi, puisque par deux fois déjà, ceux qui se désignaient mes «parents» étaient partis sans moi... Je suppose que c'est à ce moment que j'avais décidé que je n'avais pas la moindre valeur. J'essuie mes yeux d'un air rageur : ah non, ça ne va pas recommencer, oh! Il y a un moment où il faut se relever et se battre contre sa propre fatalité. Je suis le capitaine de mon âme, le maître de mon destin! Je me lève et passe de l'eau fraîche sur mon visage. Ces derniers jours me poussent à bout. Je ne comprends pas ce qui m'arrive mais je sens bien que tout est lié. Ma chef qui me prend de haut et me fait sortir de mes gonds, ces émotions qui viennent de bien trop loin et qui remontent en vrac, ce trou noir inexplicable et étrangement bien trop semblable à celui lié à mon abandon il y a une éternité de cela... Je soupire et me dirige de nouveau vers mon lit -c'est bien l'endroit où je passe le plus clair de mon temps en ce moment. Ce genre de choses, les « émotions », m'épuisent et me vident, littéralement. Je m'allonge et ferme les yeux pour me reposer un court instant.

       Je suis... dans un tunnel. Non, une longue galerie sombre plutôt, tant l'espace pour s'y mouvoir est grand. Je me relève de ma position accroupie, car je m'aperçois que je peux tenir entièrement debout. Quel étrange endroit... On dirait sous terre, mais la grandeur magnifique de ce passage laisse à penser qu'il a été créé pour quelques buts plus grands que ceux d'un simple passage secret. Je voudrais avancer mais je suis indécise sur la direction à emprunter. Soudain une intense luminosité apparaît à l'autre bout de la galerie, juste en face de moi. Cette clarté apaisante semble vouloir me guider et je fais un pas dans sa direction, mais mon regard est attiré par une forme sombre sur lesol dans un coin moins illuminé. Je tends le bras pour m'emparer de la forme sombre et...

        Je me réveille en sueur à la nuit tombée. J'ai du mal à me sortir de ce rêve étrange aux échos bien trop familiers. Quelque chose dans les méandres vagues de mes souvenirs semble vouloir me revenir, mais me rappeler et en tirer un souvenir précis est aussi efficace que vouloir tenter de capturer le vent. Je jette un œil rapide dehors: la nuit s'éveille et le jour est déjà parti se coucher. Un sentiment diffus s'empare de moi tandis que je sens comme une force me tirer en avant: une sensation physique comme une crampe massive s'étendant au niveau du ventre me fait sentir un danger imminent, émanant de toute la ville. Il faut que j'aille chez Star. Tout de suite. Je ne sais certes pas pourquoi, mais je sais que ça urge.

Le Royaume de SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant