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Je passe complètement au travers du trou qui vient juste de se former. J'atterris brusquement dans une ruelle étroite et m'effondre lamentablement au sol. Devant mes yeux étonnés s'étale une ruelle goudronnée ! Un sol qui n'est pas fait de terre, un sol solide et lisse, sans trous, sans salissures, sans inégalités, un sol qui ne ressemble à rien de ce que je connais. Je me relève précipitamment et scrute les alentours d'un regard. Le peu que je vois me laisse perplexe. D'une certaine façon, on pourrait presque se croire dans certaines des ruelles de chez moi, tout en se trouvant dans un endroit bien différent, plus... lisse. Plus propre aussi. Étrange... Où avais-je donc atterri? Comment pouvais-je me retrouver à la surface alors que j'errais depuis un long moment sous terre ? Je sais pertinemment que je ne suis pas chez moi... La logique voudrait que je me trouve... toujours sous terre ? En dessous de chez moi ? Je secoue la tête, encore plus perplexe. J'ai de sacrés idées et une sacrée imagination, moi, quand je cherche à expliquer l'inexplicable ! Je fais quelques pas en direction de la sortie de la ruelle avant que mon regard ne soit attiré par un scintillement. Je me retourne juste à temps pour m'apercevoir que le barreau restant et le trou dont je suis tombé de la galerie disparaissent pour ne plus laisser que le mur de brique intact qui longe la ruelle. Mais que...? Je fronce les sourcils. J'avance, puis recule de quelques pas et recommence ce manège plusieurs fois d'affilée. Plus de trou. Plus d'entrée de galerie. Du moins, pas à l'œil nu. Je ferme les yeux et laisse mon instinct me guider. Je passe ma main sur le mur puis... celle-ci disparaît, comme aspirée par un gouffre invisible ! J'y introduis précautionneusement la tête. Aucun problème, je pourrais de nouveau retourner sur mes pas. Je soupire, soulagé. J'avais commencé à paniquer ! Puis un fou rire me prend, quand j'imagine la vue que je dois offrir de l'extérieur : un corps coincé dans un mur dont la tête disparaît dans les briques. Une autruche apeurée ! Je retire ma tête du « mur » en éclatant de rire. Il me faudra faire part de cette pensée à Skylar, que j'entends d'ici se moquer de moi. En pensant à ma meilleure amie, je me rappelle où je suis et ne peux m'empêcher d'imaginer sa réaction si nos places se trouvaient échangées. Que ferait-elle ? Je n'ai pas à réfléchir bien longtemps. Son pragmatisme légendaire prendrait aussitôt le dessus et elle se mettrait en quête de bribes d'informations pour expliquer ce qui n'avait pas encore de sens. Suivant son exemple et poussé par ma curiosité naturelle, je m'avance de nouveau vers la sortie de la ruelle. Je n'irai pas trop loin pour éviter de me perdre et ne plus retrouver mon chemin, mais il me faut savoir où m'a mené cette étrange galerie. J'hésite un court instant devant l'absurdité de cette journée, mais n'ayant aucune explication, j'opte pour le pragmatisme de Skylar et laisse la recherche de réponses me pousser en avant. Je hausse les épaules et décide de ne pas trop réfléchir pour l'instant. Je quitte la ruelle, notant en passant la propreté impeccable qui m'étonne et contraste fortement avec tout ce que je connais depuis mon enfance.
Ce n'est pourtant rien comparé à ce qui m'attend lorsque je sors de cette ruelle. Devant moi s'étale une route lisse et sombre, sans la moindre imperfection. Pas de rue pavée, pas de trou, pas d'usure, uniquement une couleur sombre. Serait-ce du goudron? Je croyais que nous ne pouvions plus en fabriquer! De part et d'autre de cette route apparemment centrale au vu de sa taille se trouvent des habitations. Mais attention ! Pas n'importe quelles habitations. J'écarquille les yeux, éberlué, n'osant croire ce que je vois. Il s'agit de maisons toutes plus ou moins identiques et faites de briques rouge propres et brillantes qui luisent sous les scintillements du soleil et s'alignent de manière ordonnée le long de la route principale, d'où semblent parfois prendre naissance d'autres routes et ruelles plus petites. Ce sont de véritables maisons, solides et bien plantées dans le sol, aux dimensions imposantes et au confort indiscutable -elles ne laissent pas passer le vent comme nos chaumières celles-là ! Elles se dressent droites et magnifiques, fières sur leurs fondations et semblent sorties tout droit d'un autre temps : un temps d'avant, avant la fin de la terre, avant le début de notre misère... Et toutes ces routes qui s'étalent nombreuses devant mes yeux éberlués, ce sont... de vraies routes goudronnées, exactement comme ça se faisait avant sur terre !
Je secoue la tête, abasourdi par ce que je viens de découvrir. Mon cerveau n'arrive pas à relier les informations que me donnent mes yeux avec celles qui me bercent depuis mon enfance. Tout cela n'a aucun sens. Les matières premières nous manquent depuis plusieurs décennies déjà et nos ancêtres ont renoncés à tout ce qui, jadis, constituait le quotidien de la race humaine sur terre. Enfin, le quotidien de certains, car il paraît que tous n'avaient pas accès à ce luxe que nous avons d'ailleurs dû désapprendre.
Pour ma part, j'ai été élevé par une mère qui nous a transmis, à moi et à Katya, la valeur des choses simples, tout en nous instruisant de la même manière que les générations précédentes avaient du se réapproprier : en nous racontant les us, coutumes et légendes d'avant et du temps encore avant. En nous expliquant comment le monde était, quelques centaines d'années auparavant, en nous apprenant ce qu'on avait nommé la « modernité », comment les Hommes vivaient et comment ils avaient détruit la terre avant de finalement réussir à sauver certains d'entre eux, dont nous étions les descendants.
J'hésite mais je ne réussis pas à m'enhardir assez pour traverser la route et aller explorer ce qui se cache de l'autre côté, à l'intérieur des maisons. Quelque chose me maintient sur place. Je ne sais pas pourquoi mais une peur panique s'empare brusquement de moi. Sans le vouloir, j'ai l'impression d'avoir découvert quelque chose de dangereux et mon instinct m'ordonne fermement de faire demi tour et de tout oublier, de faire comme si je n'avais jamais rien vu. Je me précipite de nouveau vers l'entrée de la galerie dont je ne me suis finalement que peu éloigné et, tout en restant sur mes gardes et en observant les alentours, méfiant, je m'empresse de m'engouffrer dans le trou bien dissimulé. J'ai la ferme impression d'avoir fait quelque chose de dangereux et d'interdit et que le peu que je viens d'entrapercevoir fait partie d'un secret bien trop grand pour moi... Au moment où je vais reprendre la galerie secrète dans le sens inverse de celui parcouru une dizaine de minutes plus tôt, un sixième sens me fait tourner la tête et jeter un dernier regard par dessus mon épaule. Des cheveux bouclés et des yeux marrons brillants sont collés au mur derrière lequel je me trouve, invisible. J'étouffe un cri et disparaît précipitamment dans les profondeurs de la galerie, priant pour que mon aventure souterraine ne soit bientôt plus qu'un lointain souvenir sans conséquences...
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Le Royaume de Sky
PertualanganNouveau chapitre tous les lundi à 19h! Au Royaume de Sky, les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être. Les êtres humains vivent du peu de ressources qui reste et la population est en crise. Bientôt, les rations devront être encore diminuées, c...