PARTIE 1 - AU COMMENCEMENT Chapitre 2: Star et Katya

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Lorsque j'arrive chez nous, ma sœur m'attend déjà, tandis que ma mère semble dormir dansl'une des deux chambres plutôt rustres que nous nous partageons.

- Te voilà enfin !

- Euh Katya ?

- Oui ?

- Tu te rends bien compte que je viens de commettre un larcin et que ça ne se fait pas sans êtrepoursuivi, devoir semer ses poursuivants, faire en sorte qu'ils ne t'aient pas identifiés et lessemer ?

- Oui. Et alors ? J'ai les crocs moi !

Je soupire et souris. Katya mesdames et messieurs, comme elle respire ! Ma « fausse » jumelle estexaspérante, mais aussi très attachante et possède un si gros cœur -bien caché- qu'on finit pars'habituer à ses manières un peu rudes. La preuve en est : lorsqu'elle partage la miche de pain, ellelaisse la plus grosse part pour ma mère, qu'elle place sur un plateau à côté du plus gros des trois bolsde soupe, avant de les apporter dans la pièce voisine et de laisser le tout sur la petite table de chevetde ma mère. J'attends qu'elle soit revenue et ait bien enclenché la porte avant de demander :

- Comment va-t-elle ?

- Fatiguée...

- Tu ne veux pas la réveiller pour au moins manger avec nous ?

- Je crois qu'il ne vaudrait mieux pas. Elle a vraiment besoin de reprendre des forces...

Je soupire une nouvelle fois. Cela faisait déjà plus d'un mois que notre mère traînait un sale virusqui ne semblait pas la vouloir laisser reprendre des forces. On aurait dit une grippe malsaine quirefusait d'abandonner le terrain. Du coup, Katya et moi nous occupions de la maison et des tachesdont nous pouvions nous charger pour que notre mère ne soit pas trop surchargée et n'ait que lenécessaire à gérer.

- Tu as raison. On mange ensemble ?

Katya acquiesce silencieusement, perdues dans ses pensées et ses propres tourments. Je posenos deux bols de soupe sur la table, accompagnés de nos deux quignons de pain et de deux cuillère,puis m'assieds en détaillant la pièce. Notre maison est petite et un peu rustre, mais confortable. Lebois massif des poutres apparentes sous le toit de chaume comme le bois des meubles, tels les deuxbancs qui se font face et la table où nous mangeons, semblent dégager une chaleur intérieure qui meréchauffe le cœur malgré la rude journée -malgré la rude semaine. Il n'est que treize heure, pourtantje me sens déjà vidé de toute énergie. Ce monde n'est pas ce que j'avais espéré et cette vie n'est pascelle que j'avais souhaité. J'avale un peu de soupe et grimace -aujourd'hui, c'est Katya qui estchargée de cuisiner : nous alternons les différentes tâches à tour de rôle. Je me force tout de même àmanger silencieusement, malgré le trop plein de sel évident qui m'irrite le palais. Nous faisionsactuellement tout ce que nous pouvions comme nous le pouvions, avec les limites que celaimpliquait. Je mords voracement dans mon morceau de pain pour étouffer le goût du sel et reprendsle cours de mes pensées. Parfois, les circonstances nous emportent avec une telle force quesoumission reste la seule option possible -pour un temps du moins. Parfois, il faut laisser passer latempête et serrer les dents, avant de pouvoir soi-même un jour choisir sa prochaine bataille.J'espérais juste que nous verrions l'accalmie arriver sous peu, avant d'user toutes nos forces et denous laisser, vidés, avant le début du prochain combat...


- Star ?

- Hmmm ?

- Je te parle depuis tout à l'heure, tu ne m'écoutes pas ? Sympa.

- Pardon, pardon. J'étais...

- Dans tes pensées comme d'hab. Je sais bien, complète-t-elle en levant les yeux au ciel,exaspérée. Plus rêveur que toi, tu meurs sérieux. Donc je disais : tu ne trouves pas que lesContrôleurs ont l'air plus agités que d'habitude ?

Je fronce les sourcils et réfléchis quelques secondes.

- Maintenant que tu le dis... J'ai assisté à plusieurs petites scènes étranges toute la matinée.Rien de bien particulier, mais un peu comme s'ils étaient tous sur les nerfs ?

- Ouais bah sur les nerfs, ça c'est rien de le dire ! Moi ils m'ont carrément dit de foutre lecamp avant de s'apercevoir que j'étais celle qui leur livrait la bouffe qu'ils allaient distribuer,c'est dire ! Si ça c'est pas être con franchement, je sais pas ce que c'est. Il m'a fallu une demiheure complète avant de faire passer le message dans les crânes de moineau de ces abrutis.Je n'ai jamais vu ça. Je sais bien qu'ils sont tous choisis pour faire régner l'ordre et il est bienconnu qu'on privilège les muscles à la cervelle à ce poste, mais celle là, ils ne me l'avaientencore jamais faite!

- Bizarre... Mais oui, maintenant qu'on en parle tous les deux, j'ai vu beaucoup plus deContrôleurs énervés que d'habitude aujourd'hui. Comme si la moindre minuscule bévue de lapopulation les mettait hors d'eux...

- Peut-être que leurs chefs leur mettent la pression ? En tout cas, avec ton action d'« équilibrons la justesse de la situation », tu vas leur avoir pourri leur humeur encore plus, ricane Katya, contente de voir que j'avais eu ces mêmes Contrôleurs qui lui avaient faitperdre du temps dans son boulot.

Une pression venant de responsables plus hauts placés... Possible. Mais pourquoi ?

Nous finissons de manger tranquillement en discutant de nos journées respectives. Toutcomme moi, Katya a sa propre tâche à accomplir, qui consiste à transporter les cargaisons deressources du dépôt central dans les différents quartiers de la ville, où les rations sont ensuitedistribuées à la populace par les Contrôleurs. Il y avait un unique distributeur, qui était toujours lemême, d'où l'incompréhension de Katya face à la bévue de ce matin. Enfin... peut-être étions noustous tout simplement trop préoccupés par la situation actuelle pour penser et agir correctement.Lorsque nous avons fini, nous lavons nos bols puis la table et nous préparons à retourner à nostâches respectives. Je sursaute lorsque trois coups distincts sont frappés à la porte, que Katya ouvreavec empressement.

- Skylar !

- Salut ma grande ! Comment tu vas ?

Katya grimace.

- On fait aller.

- Votre mère ? Ajoute notre invitée consternée.

Je réponds avant Katya :

- Oui, ça ne semble pas vouloir s'améliorer on dirait.

- Le médecin est passé ?

- Il lui conseille du repos et toujours du repos, ce qu'elle fait. Mais...

- Le repos est un luxe que n'ont pas ceux qui tournent et retournent les moindres ressources enleur possession, constate Skylar d'un air sombre.

J'acquiesce vivement. C'est exactement cela

Le Royaume de SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant