VIII

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Marly sentit qu'on la secouait par les épaules. Les images de son cauchemar se dissipèrent lentement, laissant place à la réalité. Elle porta une main égarée sur sa joue humide. Une crise de panique l'avait saisie, ses pleurs s'intensifiant à mesure qu'elle reprenait conscience. Sans prévenir, elle sentit son corps être attiré en avant, les bras réconfortants de Max entourant sa taille. Elle se laissa aller à ses larmes, mais cette fois-ci, elle était consciente de ce qui se passait.

Après un moment, Marly se redressa et fit face au jeune homme.

"Je suis désolée," murmura-t-elle.

"Ce n'est rien," la rassura-t-il. "Comment te sens-tu maintenant ?"

"Mieux, merci," répondit-elle avec reconnaissance.

"Est-ce que ça t'arrive souvent ?" demanda-t-il, soucieux.

"Non, pas depuis le lycée," admit-elle.

"Qu'est-ce qui t'a effrayée ?"

"J'ai peur de rentrer, de quitter Flamme, de te quitter ! J'ai peur de revivre mon pire cauchemar," avoua-t-elle sincèrement.

"Ce cauchemar, tu l'as déjà raconté à quelqu'un ?"

Elle secoua la tête négativement.

"Dis-moi, pourquoi as-tu appelé le mustang Flamme ?" demanda Max pour changer de sujet.

Les yeux de Marly se perdirent au loin, espérant apercevoir son ami.

"Quand je l'ai vu pour la première fois, il a surgi de nulle part et m'a protégée des loups. Il représentait la force et la bravoure que je n'avais pas. Son regard brillait comme un feu ardent. Je l'ai suivi, presque oubliant pourquoi j'étais là. Puis je l'ai retrouvé près de cette source. Il était comme un fantôme, se fondant avec le paysage. En le connaissant, il m'a montré ce qu'était la liberté, la vie, le chemin que je voulais suivre. Il incarnait la flamme de ma détermination, mais aussi la solitude," expliqua-t-elle.

Elle se retourna vers le jeune homme, les yeux emplis d'émotion.

Max esquissa un sourire compatissant.

"Je comprends," répondit-il doucement.

Un moment de silence passa entre eux, le vent soufflant doucement à travers les arbres. Marly s'efforça de reprendre son calme.

"Enfin, j'ai l'impression de me voir en lui," avoua-t-elle, les yeux toujours fixés sur l'horizon.

Max hocha la tête, comprenant le lien profond qu'elle avait développé avec le mustang.

"Parfois, les animaux nous montrent des aspects de nous-mêmes que nous ignorions," répondit-il, réfléchi. "Allez, ressaisis-toi !" l'encouragea-t-il ensuite, "Tu as un long chemin à faire demain !"

La jeune fille acquiesça en saisissant sa main tendue.

***

La voiture filait en silence à travers les collines, à une allure régulière. Marly se tenait appuyée contre le dossier arrière, contemplant le paysage qui défilait. C'était bien différent de la route principale. Elle repensait à ses séjours dans la Vallée Interdite, et une pointe de tristesse l'envahit.

Elle aurait tellement voulu y rester. C'était comme un rêve. Mais pour le moment, la seule façon de préserver ces terres était de partir. Elle jeta un coup d'œil vers le commissaire Callahan au volant. Des gens comme lui n'étaient pas rares. Beaucoup viendraient encore exploiter ces terres. Il fallait trouver une solution durable. Épuisée par ses réflexions, elle finit par s'endormir.

Lorsqu'elle se réveilla, ils étaient déjà à l'entrée du village. Un sentiment de chaleur l'envahit malgré le malaise des regards curieux des passants. Elle ne pouvait le nier, elle avait manqué cet endroit : les habitations familières, l'odeur du four du boulanger, les cris des enfants, les bruits du forgeron. Elle avait pensé ne jamais s'y attacher, mais au fond, cet endroit faisait partie d'elle.

La voiture s'arrêta enfin devant le portail de la bassecour. Les villageois s'étaient déjà rassemblés pour voir la nouvelle venue. À peine descendue, Marly vit sa tante courir vers eux.

"Marly, mais où étais-tu ? Si tu savais la peur que j'ai eue ! Qu'est-ce qui t'a pris ?" gronda-t-elle, les mains sur les hanches.

"Excusez-moi, Tante Cathline," s'excusa Marly en baissant les yeux.

Sa tante l'enveloppa dans ses bras en pleurant.

"Ne recommence plus jamais ça, tu as compris !" la réprimanda-t-elle entre deux sanglots.

"Promis."

Elles restèrent ainsi un moment avant que sa tante ne s'essuie les larmes et remercie Ryan Callahan.

Marly observa les "adultes" discuter. Elle espérait sincèrement que cette histoire s'arrêterait là. Mais son espoir s'effaça quand elle les vit se diriger vers elle.

"Mr Callahan passera l'été avec nous !" annonça sa tante.

Marly sentit le sol se dérober sous ses pieds. Elle se retint de répliquer, leur offrit un sourire forcé et les suivit jusqu'à la maison.

"Fais un café pour ce jeune homme, veux-tu ?" lui intima sa tante.

Marly se dirigea vers la cuisine sous le regard de sa tante et du commissaire, l'estomac noué. Elle n'appréciait guère cette soudaine familiarité entre eux. En préparant le breuvage, elle jetait des coups d'œil occasionnels vers le salon.

Une fois le café prêt, elle le leur apporta et s'excusa de sa fatigue. Cette journée l'avait épuisée, mais elle devait encore découvrir les intentions réelles de Ryan Callahan.

***

Marly se réveilla en sursaut. Une sueur froide coulait dans son dos, la faisant frissonner. Les images de l'accident lui revenaient en mémoire. Cela faisait des années qu'elle n'en avait pas fait de cauchemar. Elle quitta son lit et alla se rafraîchir le visage. Quand elle regarda l'horloge, il n'était que deux heures et demie du matin. La jeune fille soupira. Une odeur de tabac perturbait ses narines. Perplexe, elle chercha la source de l'odeur. Elle fut surprise de voir le commissaire encore debout à une heure si tardive.

"Tu ne dors pas ?" l'entendit-elle.

Il l'avait entendue.

"J'allais me coucher," répondit-elle platement, fixant son dos.

Elle s'apprêtait à partir quand une question la retint.

"Et vous, alors ?" demanda-t-elle.

L'homme se retourna lentement. Son regard dérangeant depuis leur première rencontre la mettait mal à l'aise.

"Je médite," répondit-il simplement, écrasant son mégot contre la rambarde de la véranda. Un silence s'ensuivit.

Marly pensa qu'il valait mieux le laisser tranquille. Elle s'apprêtait à partir quand elle sentit une main agripper son bras, et un corps se coller au sien par-derrière. Prise de panique, elle allait crier, mais une main lui couvrit la bouche.

"N'aie pas peur," susurra une voix près de son oreille, "tu ne devrais pas t'aventurer seule dans la chambre d'un homme, surtout la nuit."

Paniquée, elle ne bougea pas. Les mains qui la retenaient se relâchèrent.

"Tu ferais mieux de partir," ajouta-t-il.

Elle n'en demanda pas davantage, s'éloignant précipitamment.

"Cet homme est un monstre," ne put-elle s'empêcher de penser.

Vivre Parmi Eux - The Death Valley Où les histoires vivent. Découvrez maintenant