II

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Suivre la trace de ce cheval n'était pas une tâche facile. Il avait emprunté des chemins ardus. Sans qu'elle ne s'en rende compte, Marly finit par se retrouver dans la vallée interdite. Le paysage avait radicalement changé, loin de la terre rouge et poussiéreuse qu'elle avait rencontrée jusque-là. Une vaste prairie s'étendait à des kilomètres, bercée par la tendre étreinte de la vallée sculptant la terre elle-même en un tableau époustouflant.

Caressée par les sommets de majestueuses montagnes, elle était recouverte d'herbes ondulant légèrement au gré du vent, agrémentée de délicates fleurs. Plus loin, des sapins couvraient le sol de leurs corps massifs. À l'Est serpentait gracieusement un ravissant ruisseau dont les murmures cristallins accompagnaient son cours sinueux, tandis que ses eaux claires reflétaient la danse délicate du soleil et des feuillages verdoyants qui l'encadraient.

Le paysage était tout simplement resplendissant. L'espace d'un instant, la jeune fille eut le souffle coupé. C'était plus qu'un rêve.

"Quelle beauté !" admira-t-elle. Après ce moment d'ébahissement, elle poursuivit son chemin, c'est-à-dire, suivre les traces de son sauveur.

Ces pas la ramenèrent à une sentinelle. Une fois encore, elle se sentit dépourvue face au spectacle qui s'offrait à elle. L'herbe avait été remplacée par le sable chaud et devant elle se trouvait la mer. Cette étendue bleutée qui embrassait l'infini.

"Comment ?" s'étonna-t-elle. "Je dois rêver ! Comment peut-il y avoir une plage dans cette partie de la région ?"

Toutefois, un hennissement lui prouvait bien le contraire. En se retournant lentement, elle vit le cheval noir brouter tranquillement les rares herbes qui y restaient. Elle s'approcha lentement de l'animal par peur de l'effrayer. Sentant sa présence, ce dernier releva la tête, l'arrêtant dans son élan.

Leurs regards se croisèrent. Le temps semblait s'arrêter. Il était si beau et si fier, qu'elle en fut impressionnée. Lorsque Arly fut certaine qu'il ne bougerait pas, elle avança à la même allure jusqu'à se trouver à quelques pas de lui.

"Merci de m'avoir sauvé !" dit-elle alors.

Le cheval se contentait de la fixer, indifférent. Puis elle eut une idée. Elle tendit sa main pour le caresser, mais il recula instantanément.

"Ce n'est pas grave, tu n'es sûrement pas habitué aux humains. Je prendrai le temps pour que nous devenions amis," murmura-t-elle avec un petit sourire, laissant sa main tomber dans le vide.

La jeune fille fit ensuite face à la mer et sentit le vent caresser ses cheveux. Un sentiment de bien-être l'enveloppait comme jamais auparavant.

"Alors, c'est ça la liberté ?" s'enquit-elle en tendant les bras dans l'air.

Devant son euphorie, le cheval se mit à lui mâchouiller les cheveux, ce qui la surprit et la ravit à la fois. Elle en profita pour lui caresser la crinière, ce qu'il ne refusa pas. À cet instant, elle sut qu'elle était tombée sous son charme. Plus encore, une sensation de déjà-vu l'animait, comme si elle avait toujours appartenu à ces terres, et surtout, que cet animal lui rappelait un sentiment de familiarité.

Deux jours s'étaient écoulés depuis qu'elle avait quitté le village. Deux jours qu'elle explorait les merveilles de la Vallée Interdite aux côtés du cheval noir qu'elle avait nommé, entre-temps, Flamme. Marly admirait son nouvel ami. Son allure fière et imposante, son courage et sa détermination en faisaient un être paradoxal.

Malgré son caractère rebelle et têtu, il pouvait aussi être docile et obéissant quand il le voulait. En tout, il était libre. Ce qui l'attirait particulièrement, c'était son regard. Ses pupilles, aussi noires que l'abysse, renfermaient une puissante flamme de détermination.

Il ne reculait devant rien, et cette flamme l'enveloppait quand elle était avec lui. La nuit comme le jour, elle ne s'était jamais sentie aussi en sécurité qu'en sa présence. Il était sa force, sa lumière.

Assise près de la chaleur du feu, la jeune fille observa les étoiles. Elles étaient magnifiques. Comme la première nuit, elles scintillaient de mille feux. C'était magique !

Soudain, un bruissement se fit entendre. Elle abandonna sa contemplation pour se retourner vers la source du bruit, mais Flamme ne semblait même pas y faire attention. L'attitude du cheval calma immédiatement son appréhension. Après tout, rien n'était mieux placé que lui pour connaître les environs. Après un moment, elle finit par s'assoupir au pied d'un arbre.

Le matin suivant, elle fut réveillée par la rosée du petit matin. À son insu, Flamme avait disparu. Elle avait beau l'appeler, il n'était pas là. Elle décida donc de poursuivre sa route seule. Sa course la mena vers un endroit plus désert, bordé par la mer.

"Toi au moins, tu es toujours là !" ricana-t-elle légèrement en s'adressant à l'étendue d'eau.

Une envie de se baigner la submergea. Après tout, cela faisait très longtemps qu'elle n'avait pas nagé. Elle se faufila derrière les rochers et se déshabilla, puis plongea dans l'eau salée. Elle était plutôt bonne. Jadis, elle faisait partie d'une équipe de natation et atteindre le rocher qui se trouvait à quelques mètres de là ne lui causait aucun problème. Du rocher, elle aperçut la vallée de loin.

Elle paraissait si petite vue de là où elle était. Décidée à profiter de la vue, elle resta un moment. Sans s'en rendre compte, elle s'endormit.
À son réveil, elle fut stupéfaite de voir que le rocher de tout à l'heure s'était rétréci. La marée avait monté. Mais, elle ne pouvait rester là. Elle prit une profonde inspiration avant de se jeter à l'eau. C'était plus loin qu'elle ne le pensait.

Bientôt, sa joie fut grande lorsqu'elle aperçut le rivage. Néanmoins, elle sentit quelque chose lui agripper la cheville. Elle se débattit, espérant se libérer, en vain. Chacun de ses mouvements l'attirait encore plus vers les profondeurs de l'eau. Les algues montaient jusqu'à sa jambe, lui faisant avaler une gorgée d'eau salée.
Elle suffoqua.

Marly lutta désespérément contre les plantes qui la retenaient prisonnière et la vague qui commençait à devenir violente. Elle essayait de résister et d'appeler à l'aide. Effort vain. Qui pourrait bien l'entendre dans un pays aussi désert ?

Petit à petit, ses cris s'affaiblirent et elle disparut un instant sous l'eau. Une foule de souvenirs la traversa à cet instant-là. L'accident, la mort de ses parents, le village, Tante Cathline, puis Flamme. Et elle perdit conscience.

Vivre Parmi Eux - The Death Valley Où les histoires vivent. Découvrez maintenant