Chapitre 1 : Entre deux mondes

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La sonnerie résonnait encore dans les couloirs du lycée alors que Léa rassemblait lentement ses affaires sur la table. Autour d'elle, ses camarades discutaient, riant et échangeant des anecdotes sur leur weekend à venir, mais elle ne prêtait aucune attention à leurs conversations. Son esprit, comme souvent, était ailleurs. Assise au fond de la classe, elle laissait ses pensées dériver, fuyant l'ennui de la routine quotidienne.

À dix-sept ans, Léa se sentait constamment en décalage avec ceux de son âge. Alors que beaucoup se concentraient sur leurs études, leurs résultats scolaires et leurs projets d'avenir, Léa n'avait jamais eu la même motivation. Les cours lui semblaient monotones, comme une série de tâches qu'elle accomplissait sans réel intérêt. Ses notes étaient correctes, sans plus, et cela suffisait pour éviter les reproches, bien qu'elle sente constamment la pression de ses parents.

Ce n'était pas qu'elle manquait d'intelligence ou de capacités, mais plutôt qu'elle n'arrivait pas à s'investir dans ce que les autres considéraient comme important. Elle n'avait aucune envie de devenir médecin, avocate ou ingénieure comme sa mère le souhaitait. Tout ce qu'elle désirait, c'était écrire.

Son carnet d'écriture était toujours avec elle, une sorte de compagnon silencieux qu'elle ouvrait dès qu'elle trouvait un moment. L'écriture représentait son échappatoire, son monde à elle, loin des attentes des autres et des réalités oppressantes de la vie quotidienne. Ses histoires étaient une forme de liberté, des aventures où elle pouvait réinventer les règles, explorer des émotions et des vies qui ne lui appartenaient pas mais qu'elle comprenait pourtant profondément.

« Léa, tu viens ? » Élodie, son amie, la tira de ses pensées. Léa la regarda avec un sourire d'excuse. Elle avait encore perdu la notion du temps, comme si l'écriture avait une emprise sur elle qui la coupait du monde réel.

« Oui, j'arrive. » répondit-elle en se levant.

Les deux jeunes filles traversèrent ensemble le lycée, Élodie parlant joyeusement des derniers rumeurs qui couraient dans les couloirs du lycée. Léa hochait la tête distraitement. Bien qu'elles soient proches, Léa savait qu'Élodie ne comprenait pas totalement cette part d'elle-même qui aspirait à quelque chose de différent, quelque chose de plus grand. Elle ne lui en voulait pas car elles ne se connaissaient que depuis quelques mois . En effet, la famille d'Elodie a emménagé au cours de l'année et Élodie en arrivant avait beaucoup de mal à s'intégrer. Mais avec Léa, elles se sont bien trouvées. Leur amitié reposait surtout sur leur complémentarité : là où Élodie était vive, sociable et parfaitement à l'aise dans le cadre scolaire, Léa était plus réservée, préférant ses moments de solitude à une fête bruyante.

Arrivée chez elle, Léa monta directement dans sa chambre, échappant aux regards inquiets de sa mère. Cette dernière n'avait pas besoin de dire quoi que ce soit ; Léa savait déjà ce qu'elle pensait. Une fois de plus, elle n'avait pas mentionné le lycée, ses résultats, ou son avenir. Pourtant, la déception planait dans l'air, silencieuse mais palpable.

Dans sa chambre, Léa s'assit à son bureau et ouvrit son carnet. Elle se sentait enfin dans son élément. Elle pouvait se perdre dans des histoires de mondes imaginaires, de personnages qu'elle créait avec soin. C'était là qu'elle se sentait réellement elle-même. Les mots coulaient de son stylo comme s'ils avaient toujours attendu de prendre forme.

Les heures passèrent rapidement. Léa écrivait à la lumière tamisée de sa lampe de chevet, tandis que la nuit tombait dehors. Elle oubliait tout le reste : les tensions familiales, les attentes scolaires, la pression sociale. L'écriture était son refuge.

Alors qu'elle terminait un paragraphe, son téléphone vibra. Elle le prit et vit un message d'Élodie.

« Hey ! Ça te dit de venir chez moi ce weekend ? On peut réviser pour le contrôle de français  »

Léa soupira. Elle n'avait aucune envie de passer son samedi à réviser, mais elle appréciait Élodie et ne voulait pas la décevoir.

« Je ne suis pas sûre... J'ai déjà des plans... »

C'était en partie vrai. Ce samedi, elle avait décidé d'assister à un atelier d'écriture à la bibliothèque municipale. C'était la première fois qu'elle participait à quelque chose de ce genre, et elle était nerveuse à l'idée de partager ses textes avec d'autres. Mais plus encore, elle était excitée. C'était une opportunité pour elle de rencontrer d'autres personnes qui partageaient sa passion. Une chance de se sentir moins seule dans ce monde où elle se sentait souvent incomprise.

Sa mère toqua doucement à la porte avant d'entrer. « Léa, tu as fait tes devoirs ? » demanda-t-elle d'un ton neutre, mais Léa savait qu'elle attendait une réponse positive.

« Pas encore », répondit-elle évasivement. En réalité, elle n'avait même pas ouvert ses manuels. Sa mère resta silencieuse quelques secondes avant de soupirer.

« Tu devrais te concentrer davantage sur tes études, Léa. L'écriture, c'est bien, mais ça ne te mènera pas loin. Tu le sais, n'est-ce pas ? »

Léa hocha la tête, mais intérieurement, elle sentait la colère monter. Pourquoi personne ne comprenait que l'écriture était tout pour elle ? Elle voulait leur prouver qu'elle pouvait réussir autrement, mais elle-même doutait parfois. Leurs paroles finissaient par l'atteindre.

Une fois sa mère partie, elle soupira de frustration et se replongea dans son carnet. Elle ne voulait pas que cette passion lui soit enlevée.

Demain, à l'atelier d'écriture, elle espérait trouver quelque chose, ou quelqu'un, qui pourrait la rassurer. Peut-être même trouverait-elle enfin une direction claire pour son avenir. Mais pour l'instant, elle se contentait de s'abandonner à ses mots, espérant que, quelque part, ils lui montreraient le chemin.

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