Le soir, au repas final des festivités, Orage mangea peu. Il se contentait de fixer son poulet et ses légumes, l'esprit ailleurs, occupé par cette possibilité d'une nouvelle forme de Magie, et surtout par Rosée. D'ailleurs, il ne l'avait pas du tout aperçue au banquet de la fête de fin d'année.
« Orage, ça va ? » s'inquiéta Shimo, qui était assis à côté de lui.
Orage sursauta, renversant un bol de bouillon posé à côté de lui. Honteux, il saisit une serviette et épongea la nappe sous les regards inquisiteurs de nombreux autres Demi-Chats de son âge. « Hein ? Oui, très bien », dit-il en étant soudain absorbé par sa tâche d'essuyage. « Dis, Shimo, j'ai un truc à te demander. Tu vois je me posais la question de savoir est-ce que le serment que tous les Mages doivent prêter, au début de leur apprentissage, c'est vraiment utile.
— Tu veux dire le serment de ne jamais prendre de compagnon pour se consacrer entièrement aux études ? Hum... On pourrait dire que j'ai un avis partagé. Des fois, je me dis que c'est quand même dommage, qu'on passe à côté de quelque chose et que du coup les Mages sont un peu isolés dans leur cas. Mais d'un autre côté, cela nous permet de ne pas avoir l'esprit ailleurs quand on pratique la Magie, et ça, c'est vrai que ça fonctionne bien. Quand tu ne penses à rien d'autre qu'à la Magie que tu veux convoquer, elle vient beaucoup plus facilement. Et puis, on peut toujours vivre avec, et avoir juste des amis.
— Il faut juste ne pas tomber amoureux, maugréa Orage.
— De qui parles-tu donc ? s'enquit Shimo avec un petit sourire narquois. Le sérieux Orage Staïko aurait-il rencontré quelqu'un ! »
Le Demi-Chat gris eut l'impression que son coeur allait sortir de sa poitrine. Ses mains se mirent à trembler et il laissa tomber à nouveau son bol, heureusement vide. « Non, personne. Je réfléchissais, c'est tout. »
Flamme le sauva littéralement en arrivant avec une mine boudeuse, un simple verre d'eau et un morceau de pain. Elle prit place de l'autre côté d'Orage, saluant vaguement Shimo. « Maman m'a autorisée à prendre part au banquet, à condition que je ne mange rien à part ça. » Elle désigna son quignon de pain. « Qu'est-ce qu'il y a, Orage ? Tu as ta mine des mauvais jours. »
Son frère s'efforça d'avoir l'air naturel et prit une bouchée de rôti. « Je suis juste préoccupé, c'est tout. Et toi, ça va ?
— Non, répondit Flamme, d'une voix morne. Neige m'a inscrite à l'Académie des Guerriers contre mon gré. Et maintenant, je ne peux plus changer. Mais bon ! Il faut que je me contente de ce que j'aie ! Ce n'est pas parce que ce n'est pas la bonne Académie que ça va m'empêcher de faire les quatre-cent coups ! Et puis, il faut s'adapter, dans la vie ! En plus, si je passe ma vie à bouder, qui va illuminer la trop sérieuse vie de mon jumeau, hein ? »
Orage enviait sa sœur. Elle s'acclimatait toujours vite, se contentait de ce qu'elle avait et était toujours joyeuse. Malgré le fait qu'elle soit immature, c'était un vrai soleil. Orage se demandait comment il allait faire lorsqu'ils seraient séparés.
« Eh, Orage ! Tu es reparti dans tes pensées ! l'interpella la Demi-Chatte rousse. Tu n'as pas à t'inquiéter pour ta rentrée à l'Académie, toi, au moins. Tu es sûr de réussir, tu as tous les talents. Je le sais, moi. Et même si des personnes le nient, tu auras toujours mon soutien. Retiens le bien, ça. »
Ce qu'elle disait déprima Orage encore plus. Il venait seulement de se rendre compte de la réalité de la chose. Il n'aurait plus jamais sa vie tranquille d'avant. Maintenant, il aurait des responsabilités, un emploi du temps chargé et des révisions à faire pour passer son diplôme. En plus, il devait prêter un serment qu'il n'allait sûrement pas pouvoir tenir si Rosée se pointait à nouveau dans les parages ! Et les recherches avec Shimo, il n'y avait pas encore pensé ! Il se demanda s' il avait bien fait de lancer sa théorie. Si ça se trouvait, il allait se surmener ! Orage eut soudain très peur du futur. Toutes ces suppositions et projets l'inquiétaient au plus haut point.
« Je sens ta peur », dit simplement Flamme.
Parfois, les jumeaux étaient comme connectés. Chacun ressentait les émotions de l'autre, et par pur réflexe, cherchait à rassurer l'autre. Depuis tout petits, ils se soutenaient mutuellement moralement. L'un sans l'autre, ils étaient perdus.
D'ailleurs, Orage se tuerait plutôt que de l'avouer, mais il tenait beaucoup à sa soeur, malgré son comportement parfois agaçant.
« Il n'y a aucune raison que je m'inquiète, se justifia Orage. Mais je suis quand même anxieux à propos de la rentrée. Je m'inquiète pour toi : comment tu vas faire sans moi pour te couvrir et essayer d'alléger les punitions qui te sont infligées ?
— Tu me couvrais ? fit Flamme, interloquée.
— Evidemment, stupide boule de poils rousse ! répliqua son frère, moqueur. Comment crois-tu que tu t'en sortais si bien à chaque fois que tu faisais une bêtise ? A chaque fois, je repassais après toi, et je tentais de calmer Maman pour qu'elle ne te tue pas sur le champ.
— Si c'est vrai... commença la Demi-Chatte rousse.
— Bien sûr que c'est vrai ! la coupa Orage.
— Alors merci de tout coeur ! »
Flamme sembla réfléchir deux minutes. Soudain, elle dit :
« Vraiment, si à chaque fois tu convainquais Maman d'alléger ma peine, je ne sais pas ce que je vais faire sans toi !
— Tu vas t'en sortir, je te le promets, murmura Orage. Foi de Staïko ! Tu vas t'en sortir. J'ai confiance en toi, soeurette. Et toi aussi, aie confiance en toi, Flamme. Tu peux le faire.
— Je peux le faire ! répéta Flamme. Merci, Orage. »
A la rentrée, les jumeaux seraient séparés pour la première fois. Comment allaient-ils faire, tout seuls, sans l'autre sur qui ils ont toujours compté ?
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Légendes d'Osko - Le Cycle des Jumeaux
FantasíaLe monde fantastique d'Osko n'a jamais été aussi proche de la guerre qu'aujourd'hui. Alors que les tensions entre les différents peuples ne cessent d'augmenter, deux jeunes Demi-Chats entrent dans l'adolescence et devront faire face à cet univers de...