Chapitre 32 : Mots

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Depuis plusieurs heures, le groupe de cinq avançait dans une plaine aux collines inégales. Clave ne sentait plus ses jambes. Elle était épuisée. À chaque pas de plus qu'il faisait, elle avait l'impression que la gravité essayait par tous les moyens possibles de la faire chuter contre le sol. Au loin, elle pouvait entendre les cloches des vaches en liberté autour d'elle et, à côté d'elle, les pas de ses amis. À sa gauche, légèrement derrière, Noah surveillait chacun de ses mouvements, semblant veiller à ce que la jeune fille ne trébuche pas.

Clave ne savait pas du tout à quoi s'attendre en arrivant à la capitale, et quand elle aperçut les tours du château droit devant, se détachant sur le ciel gris ; elle les trouvait magnifiques. Les toits en forme de pic, peints en doré, attiraient toute la lumière alentour malgré les nuages de pluie couvrant le soleil.

"J'ai réellement vécu là-bas ?" se demanda-t-elle.

Soudain, son corps tout entier lui cria de courir tout là-bas, sans s'arrêter, sans attendre les autres. Elle voulait voir, savoir, trouver des indices sur qui elle était derrière le masque de la princesse sans Couronne.

Cependant, elle se retint de le faire avec difficulté car, elle ne voulait pas y entrer toute seule.

– Dans combien de temps arrivons-nous ? demanda-t-elle à Noah, impatiente et fébrile.

– À cette allure-là, je dirais une heure, répondit son ami. Je sais que tu as hâte, mais tu vas devoir attendre encore un peu...

– J'ai plus peur que hâte, à vrai dire, avoua la jeune fille.

– Pourquoi ?

– J'ai peur de ne pas me rappeler... D'oublier complètement qui j'étais, se confia-t-elle.

– Tu sais Clave, ce qui compte, c'est qui tu es maintenant. Et qui tu veux être.

– Mais je ne sais pas qui je veux être ! Je suis perdue !

– Tu n'as pas besoin de le savoir précisément. Tu n'as pas besoin de te coller des étiquettes. Les gens le font pour se rassurer, pour se convaincre eux-mêmes qu'ils sont normaux. Mais le truc, c'est que personne n'est normal. Tout le monde est différent, c'est ce qui fait la beauté de notre monde. Tu peux ne pas avoir besoin de savoir dans quelle case tu rentres ni à quoi tu corresponds, comme tu peux avoir besoin de le faire. Je voudrais juste que tu n'oublies pas que peu importe tes choix, tu resteras toujours toi-même.

Clave sourit.

– Tu n'es pas si poétique, d'habitude. Mais ça fait du bien. Merci, dit-elle sûrement.

– Je peux l'être quand tu veux, princesse.

Les joues de la blonde rosirent et elle détourna le regard.

"J'espère qu'il est conscient de son charme..."

Bien sûr qu'il en était conscient. C'était ça qui l'amusait tant lorsqu'il surnommait la jeune fille princesse.

Béatrice s'approcha d'eux tandis que Corentin et Naos restaient en retrait.

– Alors chef, comment allons-nous entrer dans le château ? questionna-t-elle. Plus personne n'y vit depuis qu'il a été attaqué. Et ça date de presque un siècle.

Clave se figea pendant une seconde en entendant les paroles de Béatrice, mais elle se remit rapidement en marche.

"Voilà pourquoi on m'a endormie. Le château était en danger, et la famille royale avait sans doute besoin que quelqu'un survive... Donc ils m'ont choisie."

Heureusement, ses compagnons n'avaient pas remarqué son changement d'expression.

– Il ne doit pas être très difficile d'accès, répondit Noah en haussant lourdement les épaules.

– Tu n'en sais rien, c'est ça ? répliqua la sœur de Naos.

– C'est ça.

Clave resta silencieuse. Elle redoutait comme elle attendait le moment où elle allait revenir dans l'endroit où elle avait vécu toute sa vie.

Ils traversèrent toute la capitale, qui était complètement abandonnée. Comme toutes ces rues et ces maisons, Clave se sentait vide, seule, même avec ses compagnons à ses côtés.

Puis Noah s'approcha d'elle et doucement, il lui prit la main. Clave sentit le rouge lui monter aux joues et son visage chauffer. Lorsqu'elle leva timidement les yeux vers son ami, il lui sourit chaleureusement. Alors Clave, son cœur dansant dans sa poitrine, entremêla ses doigts avec ceux du jeune homme, et ce fut au tour de celui-ci d'être rouge.

Ils marchèrent donc main dans la main jusqu'au palais. Arrivés devant la grille dorée de l'entrée, leurs doigts se séparèrent. Très rapidement, Clave regretta la chaleur de la peau de Noah. Le vent frais vint remplacer le vide que sa paume avait laissé, et la jeune fille ne trouva pas cela agréable.

– Allez, dit son ami. Il est temps d'entrer.

Puis il se tourna vers la blonde et murmura.

– N'oublie pas que je serai là si jamais tu as besoin d'aide.

La jeune fille lui sourit doucement, rassurée et reconnaissant qu'il soit là avec elle.

Mystic - FR versionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant