C'est la moue à la plage

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Max

— Voilà, petit gars, crème solaire mise, chuchote Gabriel. Tu peux y aller !

— Merci, papa !

Le visage blanc, Arthur se précipite vers la mer, pressé de rejoindre les vagues et son frère. Ce dernier rit aux éclats avec Liam, dont l'imitation du requin s'avère assez convaincante.

Oui, le papa slash tonton gâteau des trois, c'est l'Irlandais. Quoi que, si on y réfléchit bien, Fabien pourrait prétendre au titre. À le voir boire les paroles de sa gamine en lui tressant consciencieusement ses longs cheveux noirs avant le coucher, je pense qu'il talonne son acolyte. Pourtant, je parle d'un type dont le rituel de coucher se déroule sur plus d'une heure, incluant massages, histoires et comptines accompagnées de quelques notes de Ukulélé.

Je vous jure. Hier soir, j'ai cru que ça n'en finirait jamais. Entre « pomme de reinette et pomme d'api » version tahitienne et les documentaires sur les amphibiens récités au mot près, je me suis demandé si j'allais m'en sortir vivant.

— Arthur, attend ! lancé-je.

Le bonhomme, les pieds tout juste dans l'eau, se retourne vers moi, le visage crispé par la frustration.

Aujourd'hui, Loïs et moi avons conduit la tribu, à l'exception de Camille, Fabien et Jasmine, à la page « cala di sole ». Officiellement, l'écrivain et l'éditrice terminent le travail éditorial du prochain best-seller de L.A Cole. Officieusement, je les soupçonne de s'adonner à des activités plus... récréatives. Quant à Camille, elle a souhaité se reposer, arguant d'un aliment mal digéré. Là aussi, j'ai du mal à y croire, mais je n'ai pas moufté. Qu'elle veuille se débarrasser de mari et enfants quelques heures ne me surprend guère.

Bref, qui dit « plage », crie « soleil », ce qui nécessite quelques précautions.

— Tu as oublié ton bob, expliqué-je en secouant ledit bout de tissu au-dessus de ma tête.

— Sérieux ? Ça fait trois fois que ce gosse revient parce que tonton Max lui casse les pieds avec un truc !

Gab, dont le ton grognon s'accorde parfaitement à ses propos agressifs, me fixe avec agacement. Il me reproche encore ce qu'il nomme « mon excès de zèle ». Peut-être, n'empêche que sans moi, trois de ses gosses finissaient en chipolata trop cuites avant dix-huit heures.

— Mec, ce sont tes marmots. TU devrais penser à la crème solaire, pas moi. TU devrais lui enfiler ses brassards, pas moi. TU devrais lui filer son bob, pas...

— Stop, j'ai pigé. Tu me les brises, Max.

Un sourire aux lèvres, Arthur attrape le chapeau puis le visse sur sa tête avant de foncer à nouveau vers la mer. Cette fois, je ne trouve rien à redire et le regarde rire aux éclats au moment où Liam l'attrape et le jette dans une vague.

Un soupçon de mélancolie m'étreint le cœur. Je ne regrette pas la vie que je mène en compagnie de ma sublime épouse, seulement, dès que je vois mes neveux et nièces, je dois bien avouer un petit pincement dans la poitrine.

Léger, tout léger.

— Monsieur contrôle freak ne râle plus ? Mon gamin ressemble suffisamment à un bonhomme Michelin pour toi ?

Je plisse des yeux. J'avoue, entre les flotteurs, le tee-shirt anti-UV et le bob, y a de l'idée.

Peut-être qu'on devrait rajouter...

— Non, Max. Pas de lunettes de soleil.

J'arque un sourcil. Il lit dans les pensées, maintenant, celui-ci ?

On s'était dit rendez-vous dans quinze ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant