On s'était dit rendez-vous dans quinze ans

Qu'on fait les meilleures soupes

Camille

Comme pour annoncer notre débarquement, Gaston lâche un léger miaulement pile au moment où je pose le pied sur le quai.

Nous y sommes. Bastia.

— Bon sang de bagages à la con !

Gabriel, moins solennel et visiblement irascible, me dépasse sans s'arrêter.

Juliette a visé juste, plus tôt. L'abstinence ne lui réussit pas.

— Je les vois ! s'exclame Arthur.

Dans un cri de joie, il se précipite vers tonton Max et tata Loïs, Cora et Arthur sur les talons.

Cette dernière décennie, la sœur de Gab et son mari se sont lancés dans le cinéma, avec un certain succès. Ils ont même débuté une série télévisée, basée sur les romans de Fabien nous concernant, qui sortira l'année prochaine. Entre nous, j'ignore si ce projet me révulse ou me réjouit. Bon, après, je suppose qu'il y a pire situation dans la vie que de se retrouver sur le petit écran, interprétée par Mélanie Laurent.

— Prêts à parcourir notre magnifique île ? questionne Max.

Deux ans plus tôt, à l'occasion de vacances, ils ont découvert Ajaccio et n'en sont plus jamais revenus. Ce déménagement, assez soudain et précipité, a beaucoup perturbé Gabriel, même s'il ne l'avouera jamais. Je connais mon homme. S'enfermer dans un studio de danse constitue toujours sa manière privilégiée d'encaisser les coups durs.

— Impatients, tu veux dire !

Je crois n'avoir encore jamais vu un ciel si bleu.

— Vous avez fait bon voyage ? questionne Loïs, pétillante dans sa robe jaune poussin.

La jeune femme, fidèle au nom Hensen, conserve une beauté insensible au temps qui passe. À trente-sept ans, elle en paraît encore vingt-cinq, ce qui, je l'admets, m'exaspère un tantinet.

Mes seins ne tombent pas, bordel de cul, j'ai vérifié !

— Eh bien, circuler avec quatre enfants dans des couloirs atrocement étroits relève de l'impossible, soufflé-je. En revanche, à ma grande surprise, le bruit des moteurs nous a bercés au lieu de nous empêcher de dormir. Même Gaston est resté sage.

Bon, il y a bien une ou deux crottes dans sa cage, mais à part ça...

— On est tellement ravis de vous recevoir chez nous ! s'exclame Max, qui a déjà placé Arthur sur ses épaules.

Les deux amoureux sont restés campés sur leur décision. Aucune tête blonde ou brune n'est venue agrandir leur foyer, ce qui ne les empêche pas d'aimer profondément tous les enfants qui gravitent autour d'eux. Entre nos quatre monstres, la fille de Fabien et Jasmine et celle de Liam et Alyzée, Max a largement de quoi assouvir son envie de pouponner.

— Les autres sont arrivés ?

— Liam, Alyzée et Rina ont atterri hier. Jasmine, Fabien et Aloïs, la veille.

Un gloussement satisfait s'échappe de mes lèvres, tant il me tarde de retrouver nos compères. Si Liam et Alyzée n'ont pas quitté Tours, Fabien et Jasmine passent beaucoup de temps à Paris depuis que la maison d'édition de cette dernière explose.

Malgré nos liens solides, notre petite bande s'est quelque peu perdue de vue, ces derniers temps. Voilà pourquoi nous avons tous saisi l'opportunité de nous retrouver ici en cette fin août, à l'occasion du concours de salsa amateur auquel Gab et moi sommes inscrits.

— Bon, où est la voiture ? On crève de chaud, chez vous !

J'avise la mine contrite de mon mari, qui, planté comme un piquet avec les sacs, semble effectivement souffrir des quarante-deux degrés affichés par le thermomètre extérieur.