Les mots que je n'ai pas dits

CHAPITRE 7

Raya:

Je me surprends à ajuster une mèche de cheveux tout en fixant l'entrée de la maison. Mes doigts tremblent légèrement, une appréhension sourde que je tente de dissimuler derrière un sourire que je sais fragile. Je sais que je devrais me réjouir de cette sortie – après tout, il n'a rien fait de mal pour l'instant, rien qui justifierait cette tension constante que je ressens autour de lui. Pourtant, une petite voix au fond de moi ne cesse de chuchoter, comme une alarme sourde que je ne parviens pas à ignorer.

Djallal me tient la porte ouverte, son visage calme et avenant.Nous sortons ensemble dans la fraîcheur du début de soirée. L'air extérieur m'offre un répit, une bouffée de liberté, le silence qui s'installe entre nous est apaisant, et pourtant, je ne peux m'empêcher de scruter chaque instant, comme si un imprévu pouvait surgir à tout moment. Mon cœur bat un peu plus vite que d'habitude, et j'espère que Djallal n'en remarque rien.

"on va ou?" lui dis-je

Djallal tourne la tête vers moi, un sourire discret aux lèvres. "C'est une surprise," répond-il simplement, son regard plein de mystère.

Une surprise. J'aurais dû m'y attendre, mais cette réponse ne fait qu'amplifier ma nervosité. Les surprises me mettent mal à l'aise, surtout quand je ne contrôle pas la situation. Pourtant, je me contente de hocher la tête, ne voulant pas briser cet instant de complicité naissante.

Nous arrivons devant un restaurant qui, à première vue, ne semble pas très sophistiqué. Pas de grandes enseignes lumineuses ni de décoration extravagante. Pourtant, quelque chose dans l'endroit dégage une chaleur familière. Les lumières douces qui filtrent à travers les fenêtres et les rires discrets provenant de l'intérieur créent une atmosphère accueillante, presque intime.

Je ne suis jamais venue ici, mais je ressens une étrange sensation de déjà-vu, comme si l'endroit avait toujours fait partie de moi, ou du moins de quelque chose que j'aurais pu connaître dans une autre vie, un autre contexte. L'odeur du pain frais et des épices flotte dans l'air, éveillant mes sens, et je sens une partie de mes appréhensions se dissiper légèrement.

Djallal s'arrête à côté de moi, observant ma réaction avec un sourire en coin. Il semble satisfait de m'avoir amenée ici, de m'offrir cette petite surprise. "Tu aimes ?" demande-t-il doucement, comme s'il craignait de briser le moment.

Je prends une seconde pour laisser l'atmosphère m'envahir avant de répondre. "C'est... chaleureux. Oui, j'aime bien," dis-je sincèrement, mes épaules se détendant un peu.

Le lieu respire la simplicité, mais c'est justement ce qui le rend rassurant. Peut-être que ce dîner sera plus facile que je ne l'avais imaginé.

Dès que nous franchissons la porte, une vieille femme, petite et énergique, se précipite vers Djallal avec une vitesse surprenante pour son âge. Son visage s'illumine en le voyant, et sans hésiter une seconde, elle le serre dans ses bras avec une tendresse qui me surprend. Le contraste entre la froideur que j'ai souvent perçue chez Djallal et cette étreinte chaleureuse me déstabilise.

"Mon garçon !" s'exclame-t-elle, sa voix trahissant une affection sincère. Djallal se penche légèrement pour répondre à son étreinte, un sourire plus grand que celui que je lui ai jamais vu apparaissant sur son visage. Il a l'air presque... apaisé. Comme si cette femme représentait quelque chose de profondément réconfortant pour lui.

Je reste en retrait, observant cette scène qui semble appartenir à une autre réalité, une version de Djallal que je ne connaissais pas. La vieille femme se détache enfin de lui, les yeux brillants de bonheur, avant de tourner son attention vers moi.

"Et qui est cette jolie jeune femme ?" demande-t-elle avec une curiosité bienveillante, son regard pétillant de malice.

Je suis prise au dépourvu, ne sachant pas vraiment quoi répondre. Il y a quelque chose dans cette rencontre qui me trouble, comme si ce simple geste d'affection venait bousculer la barrière invisible que j'avais érigée entre Djallal et moi.