III - MELODIAS

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J'humidifie mon doigt avant de tourner la page de mon livre. Je dois avouer que ça m'avait manqué de lire des mangas. Outre le fait que je sois dans un pays dont la culture est notamment connue pour ce genre littéraire, j'ai toujours aimé les livres imagés, notamment ceux-là.

Lorsque j'étais mannequin à temps plein, je n'ai plus eu l'opportunité de lire, parce que mes journées se résumaient à me lever, faire du sport, shooter pour des magazines, manger, et puis passer le reste de la journée à défiler ou encore faire du sport.

Mon matelas s'affaisse lorsque je décide de me redresser, je rapproche subtilement mes jambes de sorte à les placer en tailleur avant de poser mon livre et croiser les bras sur ma poitrine.

J'ai beau essayer de me distraire, ou encore de rester dans le déni, je sais qu'il est trop tard. Alors il vaudrait mieux que je cesse de me voiler la face, sinon la chute sera transcendante.

Il m'a vu, c'est un fait, mais son regard, il n'était pas le même. J'appréhende, s'en ai oppressant.

J'attrape mon téléphone dans la poche de ma veste et me contente de rester fixé sur le nom "Henri" qu'affiche l'écran. Je reste là, à scruter mes mains, un courant d'air glacial se fait sentir tel qu'à son contact mon corps se crispe, je ne connais que trop bien cette sensation.

Je m'interromps finalement lorsqu'une sonnerie me sort de ma transe. Je ne sais pas si c'est un coup de chance ou si c'est le destin, mais je réponds finalement lorsque la voix d'Henri se fait entendre au bout du fil.

— Melodias ?

— Henri ? rétorquais-je ironiquement.

— Comment vas-tu ? demande-t-il.

Henri n'a pas pour habitude de demander comment les gens vont, je sais que je ne suis pas n'importe qui pour lui, tout comme il n'est pas n'importe qui pour moi, mais c'est inhabituel.

— Que veux-tu ? Tu sais pertinemment que je n'aime pas que l'on tourne autour du pot.

— On ne peut rien te cacher, mais après tout, ça me fait plaisir, dit-il finalement.

— De ? marmonnais-je en essayant de comprendre le sous-entendu.

— Tu sais bien, depuis toujours, tu as un certain répondant accompagné de ton caractère audacieux... Enfin, tu vois, du Melodias tout craché. J'avais peur que tu perdes tout ça, tout ce que tu détestes.

Je comprends mieux, il ne voulait que je change pour devenir la douce et obéissante jeune femme que j'ai toujours reniée de mon comportement. Malgré tout, ce n'est pas ce qui m'empêche de leur vouer un respect inconditionnel pour de telles femmes, et même, pour toutes les femmes en général, seulement, je ne supporterais juste pas d'être comme ça. L'incohérence dans tout cela, c'est que depuis mon arrivée à Tokyo, je n'ai pas eu l'occasion d'être moi, je me doutais que ça allait se passer comme ça, c'était le dilemme. Enfin, dès que j'en aurais l'occasion, je lâcherais toute ma frustration sur autrui qui sera présent.

— Bref. Il est vrai que je souhaitais te dire quelque chose, mais je voulais savoir si toi, par pur hasard, t'avais aussi quelque chose à me dire ? C'est ennuyant depuis que tu n'es plus là, avoue-t-il.

Je réfléchis quelques instants, je suppose que je devrais lui dire par rapport à l'autre énergumène, dont je ne connais pas le nom par ailleurs.

— Je pense que j'ai été repéré. Je sens son souffle se couper, il devait s'attendre à ce que ça arrive, mais pas si rapidement.

— Merde ! Ça ne m'arrange pas, je t'avoue. Mais envoie-moi quand même ce que tu sais de lui, ordonne-t-il.

— C'est bien là le problème, je ne sais rien de lui.

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