VI - KYO

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Je vais le tuer.

Tu ne vas rien faire, mec.

À la base, je cherchais juste à parler avec Melodias sans qu'il n'y ait personne pour nous entendre ou bien nous voir. Résultat ? Je l'ai découverte avec Goro. En principe, ça ne m'aurait pas dérangé, elle fréquente qui elle veut, mais j'ai bien vu la peur sur son visage, elle tremblait, elle pleurait, et puis la main de Goro sous ses vêtements... Je ne pouvais pas le laisser la détruire.

— Personne ne devrait abuser d'autrui, ce n'est pas que voler son corps. Tu destines la victime à un traumatisme, à des années de souffrances, une peur constante, un dégoût de soi. Et tout ça pour quoi ? Pour te faire plaisir ?

Les mots sont sortis tout seuls, mais ça fait du bien. Il ricane, ne prenant vraisemblablement pas mes paroles en compte. Ma prise sur son col s'intensifie, resserrant sa chemise autour de son cou. Il essaie néanmoins de retirer ma main à l'aide de la sienne, en vain.

J'essaie de jeter un regard en direction de Melodias, pour vérifier qu'elle se porte bien. Mais Goro en décide autrement, m'arrachant un petit gémissement de frustration en collant son point contre ma mâchoire. Par réflexe, je porte ma main sur mon visage, lâchant le col de son vêtement.

— Restez entre vous, je m'en tape, annonce Goro. Il tourne la tête vers Melodias. Je n'en ai pas fini avec toi. Son affirmation résonne dans mon esprit. Il compte bien s'exécuter, à un moment ou un autre.

Ses pas retentissent dans la rangée, il est déjà parti. Je me dirige vers Melodias, elle est debout, fixant le vide. Je ne l'avais jamais vu aussi vulnérable. En même temps, lorsqu'elle est avec moi, elle est constamment sur la défensive, et avec ses amies, elle n'est pas non plus très expressive. Je veille à ne pas faire de mouvements trop brusques, pour ne pas l'effrayer. Ce n'est que quand je me retrouve face à elle, que son regard se plonge dans le mien, ses yeux sont d'un bleu profond, j'aimerais les contempler toute la journée, rien que pour m'assurer qu'elle va bien, pour être sûr qu'il ne lui arrive plus rien.

— Bouge, je dois passer.

Ouais, je retire ce que j'ai dit.

Son épaule heurte la mienne. Pourquoi est-elle si détachée ?! J'attrape son poignet, ma main exerce une force assez conséquente pour la retenir.

— Alors ça va être comme ça entre nous ? Je t'aide, à nouveau, et je n'ai même pas un merci ?! Je veux dire, je me doute bien que nous ne serons jamais amis, mais quand même, être méprisante ne changera rien à la situation !

Plusieurs secondes passent, j'ai l'impression que cela dure une éternité. Elle me fusille du regard, et je suis certain que si elle en avait la possibilité, elle me fusillerait réellement, en ajoutant une petite phrase sarcastique, parce que sinon ce n'est pas vraiment Melodias. Je sens une pression s'exercer entre mes doigts, signe qu'elle essaie de se défaire de ma prise, mais je ne compte pas céder à ses caprices. Merde, moi aussi cette situation m'handicape, et pourtant, je suis ici, à essayer d'entretenir une relation citoyenne avec elle, pour que ça n'empiète pas sur notre quotidien, mais madame décide d'en faire qu'à sa tête, excluant les relations extérieures à nos cours particuliers.

— Oui. Oui, ça va être comme ça entre nous, parce que TU en est le responsable. Toi seul m'obliges à être si désagréable avec toi. Parce que ça ne te suffisait pas de me condamner à ta présence, tout ça pour te permettre un avenir, quitte à ce que le mien soit contraint à l'échec. Alors si c'est ce que tu veux, merci. Merci de m'avoir aidé. Mais je te déteste quand même. J'étais venue à Tokyo pour me reconstruire, ou me construire, moi-même, je ne sais pas. Je n'ai jamais pu être maîtresse de ma vie, et toi, tu m'imposes ta présence, ce qui fait que jamais je ne pourrais juste essayer de vivre, au lieu de survivre dans une réalité qui ne me correspond pas !

AMNESIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant