Liens Interdits : entre cœur et raison [Tome 2]

14.

Jeudi 2 janvier 2025 – Tampa – Floride

Posé sur mon canapé, mes mains fourragent mes cheveux. Cette conversation avec Ezra m'a remué plus que je ne l'aurais cru. Pour la première fois, depuis longtemps, j'ai mis à nu tout ce que je ressentais. L'emprise de notre amitié, bien que je les considérais comme mes frères, me pèse depuis tant de temps, que j'ai l'impression de m'être délesté d'un énorme poids. Avec du recul, je reconnais que mon attitude, cette habitude, de m'écraser face à eux pourrait donner l'image d'un homme faible. Et dans un sens, sûrement que je l'étais, mais ils m'ont offert tellement plus que leur amitié...

***

Vendredi 20 juin 2003 - Tampa - Floride

Je suis prostré dans le coin de ma chambre, mes genoux ramenés contre moi. Je me balance d'avant en arrière tandis que les cris de mon beau-père résonnent dans la bicoque qui nous sert de maison.

Mes mains sur mes oreilles, je fais tout mon possible pour bloquer les insultes qui se répercutent contre les murs. J'entends aussi maman pleurer, les menaces de mon grand frère, et moi, je reste pétrifié sans pouvoir rien faire.

Je sais, de toute façon, que si j'ose sortir un orteil de la pièce, mon beau-père se fera un plaisir de me donner une correction dont je me souviendrai pendant des jours. Le bleu qui commence à disparaître de mes côtes en est témoin.

La gorge nouée et le corps crispé, je reste donc collé contre le mur qui s'écaille jusqu'à ce que mon frère rentre dans la chambre.

— Tyke*, ça va, mon pote ? il demande en fermant la porte.

Son corps tangue alors qu'il s'approche de moi, et une fois de plus, je constate les dégâts. Du sang goutte de sa lèvre, résultat de la dispute de ce soir. Lake a toujours été comme ça, mais je n'ai jamais compris pourquoi il se mêlait des bagarres entre nos parents. Surtout, sachant que notre mère n'hésite pas à nous livrer à nos bourreaux quand elle a besoin de sa dose ou simplement pour que l'on prenne les coups à sa place.

— Tyke ? répète mon frère en s'approchant de moi.

— Oui, Lake, ça va, je dis la voix tremblante. Assieds toi sur le lit, j'arrive, je lui ordonne et malgré mon 1m30, il obtempère.

Je disparais un instant sous le lit et en ressort la petite trousse de soin que je cache, qui nous permet d'au moins désinfecter ses plaies. J'en sors un coton et de l'alcool.

— Ça va piquer, je l'informe.

Comme à chaque fois, il se contente de hocher la tête. J'applique le coton sur sa lèvre et le soigne en silence en me mordant la lèvre. Lake ne dit rien tandis qu'il regarde par la fenêtre.

— Je vais partir, Tyke, il déclare sans me regarder alors que je termine.

Ma main se crispe sans que je ne le contrôle. Ce n'est pas la première fois qu'il me dit ça, mais cette fois, c'est pas comme d'habitude. Et j'ai peur.