CHAPITRE 4

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Les premiers rayons de soleil peinent à  travers mes rideaux. Je me réveille, comme chaque jour, avec cette sensation de lourdeur. Mon corps est épuisé, et pourtant la journée ne fait que commencer. L'insuffisance rénale chronique, c'est comme porter un poids invisible qui m'écrase lentement, chaque jour un peu plus.

Je traîne mes pieds jusqu'à la salle de bain, me regardant dans le miroir. Mes cernes sont marquées, mon teint est encore plus pâle que d'habitude. Un soupir m'échappe. Aujourd'hui ne sera pas différent des autres jours : je devrai affronter les regards, les moqueries, les jugements. Même si j'essaie de rester forte, ça finit toujours par m'atteindre.

Après avoir enfilé mon uniforme, je descends prendre un petit-déjeuner. Mes parents sont déjà partis au travail. Ils essaient de ne pas montrer leur inquiétude, mais je les entends parfois chuchoter à propos de ma santé, à propos de l'avenir. Ça fait mal de les voir si anxieux, mais je préfère qu'ils ne le sachent pas. Je fais tout pour qu'ils croient que tout va bien.

Je quitte la maison, mon sac en bandoulière sur l'épaule, et commence mon trajet vers le lycée. Le trajet est long, mais il me laisse le temps de me préparer mentalement à ce qui m'attend. Le lycée... c'est là où tout devient plus difficile. Je peux gérer la maladie, la douleur, la fatigue, mais ce sont les autres qui rendent ma vie insupportable.

Dès que j'arrive à l'entrée du lycée, je sens les regards. Des chuchotements commencent, à peine perceptibles, mais je sais qu'ils parlent de moi. Je passe devant un groupe de filles qui éclatent de rire dès que je suis à portée d'oreille.

—Regardez-la, on dirait qu'elle va s'évanouir à tout moment, murmure l'une d'elles en ricanant.

Je serre les dents, refusant de leur donner la satisfaction d'une réaction. Mais à l'intérieur, chaque commentaire est une lame qui se plante un peu plus profondément. Je continue d'avancer, les épaules tendues, espérant atteindre ma classe sans trop d'encombres.

Quand j'entre en classe, la situation ne s'améliore pas. Je m'assois à ma place habituelle, au fond, essayant de me faire aussi petite que possible. Mais comme d'habitude, il suffit que je sois là pour attirer l'attention.

—Hey, Miyo ! T'as encore fait une crise hier ? Ou c'est juste ton visage normal ? lance un garçon assis à quelques rangées devant moi.

Des rires éclatent autour de lui. Mon cœur se serre, mais je ne réponds pas. Je baisse la tête, fixant mes cahiers avec intensité, comme si cela allait les empêcher de continuer.

Un autre garçon, Takumi, se retourne vers moi avec un sourire moqueur. "Si tu veux, on peut te trouver une place à l'infirmerie, histoire que tu ne tombes pas dans les pommes en plein cours."

Les rires continuent, puis une voix perçante s'élève depuis le fond de la classe.

—Regardez, c'est Byōki-hime qui fait son entrée !

Ce surnom,"Byōki-hime", qui signifie "la princesse malade", est devenu leur arme favorite contre moi. Chaque fois que je l'entends, une nouvelle blessure invisible s'ajoute à toutes celles que je porte déjà. Ils rient, comme s'ils avaient inventé une blague hilarante, tandis que moi, je reste silencieuse. Répondre ne ferait qu'aggraver les choses.

Le professeur entre à ce moment-là, interrompant les rires, et je pousse un soupir de soulagement. Mais je sais que ce n'est qu'une pause temporaire. Le harcèlement ne s'arrête jamais vraiment. Il est juste suspendu pendant les heures de cours, prêt à reprendre dès que l'occasion se présente. Les heures passent lentement. J'ai du mal à me concentrer, non seulement à cause de la fatigue qui pèse sur mes épaules, mais aussi à cause des murmures constants derrière mon dos. Parfois, ils ne se donnent même plus la peine d'être discrets.

Pendant la pause déjeuner, je m'installe seule sous un arbre dans la cour, comme d'habitude. Je n'ai pas vraiment d'amis ici. La plupart des gens m'évitent, soit parce qu'ils ont peur d'être associés à la "fille malade", soit parce qu'ils ne savent pas comment me parler. Je me suis habituée à la solitude, mais cela ne la rend pas moins pesante. Alors que je commence à manger, un groupe de filles s'approche. Akane est la première à parler, comme toujours. Elle adore être le centre de l'attention, et malheureusement, je suis souvent sa cible préférée.

—Alors, Byōki-hime, comment ça se passe avec ta petite maladie ? Tu dois adorer toute cette attention des médecins, non , en plus ils doivent être charmant ? dit-elle avec un sourire sarcastique.

Je ne dis rien. J'ai appris que répondre ne fait qu'aggraver les choses.

—Je me demande combien de temps elle tiendra avant de finir complètement à l'hôpital, ajoute l'une de ses amies en ricanant.

—Peut-être qu'elle est déjà un peu un robot, avec tout ce qu'on doit lui injecter, continue Akane, mimant une machine avec ses mains. Les autres rient à gorge déployée.

Je ferme les yeux un instant, essayant de me rappeler que ces filles ne savent rien de moi, qu'elles ne valent pas la peine. Mais même avec tous mes efforts pour me convaincre, leurs paroles font mal. Elles restent là quelques minutes à me lancer des piques avant de finalement partir, satisfaites de leur petite scène.

La journée continue, chaque instant semblable au précédent, une répétition des mêmes insultes, des mêmes regards en biais. Quand la cloche finale sonne, je ressens un mélange de soulagement et d'épuisement. Je range mes affaires en vitesse, prête à quitter ce lieu qui est devenu une prison pour moi.

En sortant du lycée, je marche rapidement, les écouteurs dans les oreilles, essayant de noyer mes pensées dans la musique. Mais même la mélodie douce ne suffit pas à effacer la journée que je viens de vivre. Mes pieds me guident à travers les rues de Tokyo, mon esprit ailleurs.

Sans vraiment m'en rendre compte, je finis dans une partie de la ville que je ne connais pas bien. Les ruelles deviennent plus étroites, les lumières moins éclatantes. Je ralentis mes pas, observant les environs, une légère angoisse montant en moi. C'est alors que je tombe sur eux.

Un groupe de garçons, en uniforme, traînent dans une ruelle sombre. Ils sont bruyants, se bousculent et échangent des coups de poing pour s'amuser. Ils n'ont pas l'air d'être des élèves ordinaires. Quelque chose en eux dégage une sorte de danger palpable. Pourtant, c'est le garçon blond au centre qui capte toute mon attention. Il est plus petit que les autres, mais il émane de lui une aura de puissance que je ne comprends pas.

Avant que je ne puisse faire demi-tour, un des garçons m'aperçoit.

—Hé, qu'est-ce qu'elle fout ici, elle ? lance-t-il, attirant l'attention du groupe vers moi.

Mon cœur s'emballe. J'aurais dû partir plus tôt.


A TRAVÉS DE DIFERENCIAS / Mikey x oc /Où les histoires vivent. Découvrez maintenant