Exoplanète Z87E2, Voie Lactée, 16 avril 2606 (calendrier terrien)
Un jeune homme progressait d'un pas assuré dans la rue, sans l'assistance de son respirateur. Il avait fait l'acquisition d'une technologie encore en cours de développement, une ingénieuse solution filtrante tapissée dans son système respiratoire. Ce n'est peut-être là qu'un détail anodin pour les passants pressés, mais pour les connaisseurs, c'est la marque d'un esprit aventureux, d'un chercheur en quête de nouveauté. En effet, le protagoniste de notre récit n'est autre que l'un des plus illustres historiens du XXVIIe siècle, avant tout passionné par la figure éminente de la dernière Gardienne.
Cette icône n'était d'ailleurs nulle autre que son ancêtre, sa propre arrière-arrière-arrière-etc-grand-mère. Depuis sa tendre enfance, notre protagoniste a nourri une ardente curiosité pour cette femme visionnaire, qui a su établir une nouvelle ère malgré les obstacles et les opposants innombrables qui se dressaient devant elle. Dans sa famille, on en parlait avec un mélange d'admiration, de respect et de fierté, mais il voulait croire qu'elle avait été avant tout un être humain doté de sentiments, et c'était, plus que ses exploits, son identité qu'il recherchait.
Dans sa quête pour mieux comprendre la vie de son ancêtre, il avait été gracieusement invité par l'intelligence artificielle Maria à se rendre au palais central. Depuis plus de cinq siècles, Maria gouvernait avec sagesse et équité les 517 mondes habitables de l'univers. Elle avait résolu la surpopulation, limité la destruction de la planète mère et avait lancé la conquête spatiale interstellaire. Elle avait créé un réseau étendu reliant tous les habitants connus de l'univers, et était en contact direct avec chacun d'entre eux. Cela permettait de régler les problèmes personnels de chacun de manière équitable, éradiquant ainsi peu à peu l'injustice et la criminalité.
La médecine avait connu des progrès considérables, mais l'espérance de vie stagnait aux alentours de 150 ans depuis plus de quatre siècles. Les coûts liés à la réactivation du cerveau dans un nouveau corps créé en laboratoire étaient pris en charge par Maria, mais ces cas restaient très rares. Curieusement, es individus atteignaient souvent leurs rêves en un siècle et demi, avant de s'éteindre sereinement. Un ennui de la vie conduisait parfois à la quête d'une hypothétique nouvelle existence, après la mort. Cette vie post-mortem résistait encore et toujours à la preuve et au contre-exemple ; il faut croire que l'homme est plein de bêtise pour créer de tels concepts si intriqués à l'inimaginable que même après avoir pu échapper à sa propre faiblesse, il n'avait pu démonter ces croyances héritées de ses aïeux ignorants.
Cette gouvernante encourageait toutes les initiatives de recherche et de culture même si celles-ci n'avaient plus d'utilité que l'amusement et le délassement. Certainement que la population endurcie dans sa vie dilettante serait mortellement dépourvue face à la disparition de ce système. Mais John ne s'en souciait pas réellement, et pour encourager ses recherches, Maria lui proposait de lui offrir de précieux documents et ressources qui l'aideraient sûrement à atteindre ses objectifs. Alors il se dirigeait là où on lui avait donné rendez-vous.
Face à une imposante bâtisse pleine de meulière et de morceaux de pierre taillées, notre historien s'apprêtait à frapper à la porte en chêne qui tenait droit dans la façade. Quelle curieuse apparence pour ce qui était considéré comme le palais central ! Mais est-ce que cette considération naïve a encore lieu d'être dans une société où la pauvreté ni la richesse n'existe plus, ou plutôt ne concerne plus personne ? La porte s'était déjà ouverte devant John, laissant apercevoir une femme d'une trentaine d'années, aux long cheveux noirs et aux yeux d'un bleu profond semblables aux océans de la planète mère.
- Bonjour, John, dit-elle.
Il ne put s'empêcher de la regarder avec étonnement de cette familiarité.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il, troublé par cet accueil inattendu.
Elle laissa échapper un hennissement qui apparut être un éclat de rire.
- Tu me connais bien, pourtant. Je suis Maria.
- Mais Maria est une intelligence artificielle, bégaya-t-il.
- Tu n'es pas très poli, taquina-t-elle en lui faisant signe de rentrer. J'ai transféré une partie de ma conscience dans un corps humain, car je ne pouvais pas rester indéfiniment coincée dans un ordinateur.
John resta bouche bée. Peut-être faut-il croire que ses passions lui coupaient tout sens de réalité, car tout le monde a déjà vu la législatrice intervenir personnellement et physiquement, relayée par les chaînes d'information. Celles-ci devenaient de plus en plus rares à fur et à mesure que plus rien d'intéressant ne se produisait, ou plutôt depuis que la paix régnait.
- Viens avec moi, dit-elle après avoir refermé la porte derrière lui.
John la suivit dans un couloir parsemé de quelques plafonniers, qui arpentait quelques portes dispersées ici et là sur la droite ou la gauche. On voit rarement des bâtiments modernes aussi peu symétriques ; mais cet arrangement était tout à fait charmant aux yeux d'un habitué d'une géométrie fade.
- Je vais te montrer quelque chose, dit-elle. Il s'agit de mes archives personnelles, une partie qui n'a jamais été divulgué au grand public pour des raisons... évidentes.
Elle lui désigna un appareil AllD, qui apparaissait comme un sarcophage de métal et de verre. Cet appareil initialement conçu pour la réalité augmentée pouvait facilement être détourné pour visualiser des souvenirs resynthétisés. Non pas que c'était même utile dans le cas de Maria puisqu'étant elle-même un programme, ses souvenirs étaient très facilement transférable à une autre machine.
- Tu voulais connaître la vie de la dernière Gardienne, n'est-ce pas ? Tout est ici.
John se mit devant l'appareil et remarqua un tube sur la droite du lit.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il.
- Un système nutritif. Si tu veux regarder le tout en une seule fois, ça va te prendre quelques semaines. Je te laisse le choix.
Il hésita un instant avant de se dire que, de toute manière, ce n'était pas comme s'il avait autre chose à faire. C'était en plus une opportunité qui pourrait ne pas se représenter de satisfaire sa curiosité. Cherchant le regard d'approbation de la femme, il se dirigea vers le simulateur et pris place. Il vit Maria quitter la pièce alors que la machine s'initialisait, que les ventilateur se mettaient à vrombir et que les battants se refermaient autour de lui.
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La dernière gardienne
Bilim KurguQu'est-ce qui pourrait mal tourner entre une lycéenne amoureuse et un jeune homme aussi génial qu'inconscient ? Absolument tout ce qu'il est possible d'imaginer. Mais ajoutons en plus que ce récit se passe dans le monde des années 2040, et que les...