Chapitre 2 : Les épreuves du pouvoir

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Nina Martins
Il est huit heures. Mon réveil sonne, le soleil éclaire la pièce d'un éclat doré à travers les rideaux. Aujourd'hui marque le début de ma nouvelle vie en tant que dirigeante du clan. Je me dirige vers la douche, me laissant envelopper par l'eau chaude, essayant de chasser les doutes qui tourbillonnent dans mon esprit. En sortant, je choisis une robe noire et des talons aiguilles, comme pour me draper dans une armure de fer contre les regards sceptiques et les jugements.
Je dois me montrer forte, imposante, même si, avec mon mètre cinquante-cinq, je doute de l'impression que je vais faire. À huit heures trente, j'ai convoqué les hommes pour leur donner mes premières directives. Je dois dissimuler ma nervosité derrière un masque de détermination. ​Mon père croyait en moi, et maintenant c'est à moi de le prouver.
Alors que je m'apprête à me coiffer, la porte s'ouvre brusquement. Mon cœur rate un battement en reconnaissant la silhouette familière de Marco Torres. Bon sang ! Il a une clé de la maison. Depuis quand un membre du clan a-t-il une clé ?
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Et comment as-tu eu les clés ? Lançai-je, un mélange d'irritation et de surprise dans la voix.
Il me regarde, son regard est aussi perçant qu'autrefois, et je sens une vague de chaleur envahir mon être. Je fais de mon mieux pour refouler ce sentiment. Marco avait été le bras droit de mon père, et maintenant il est ici, dans un espace qui devrait être totalement mien.
- J'étais le bras droit de ton père, je te rappelle. J'ai une clé pour les urgences.
Sa voix, teintée d'une assurance glaciale, fait écho à des souvenirs douloureux. Elle est à la fois une source de désir et de frustration pour moi.
- Et là, où est l'urgence ? Part d'ici ! Et dorénavant, ne rentre plus ici sans frapper, compris ?
Je fais un effort pour maintenir ma voix ferme, malgré l'intensité de ce qu'il éveille en moi. ​La tension entre nous est palpable, et chaque mot échangé semble intensifier le feu sous la surface.
- Donc, si je frappe, j'ai le droit d'entrer ? C'est noté. La prochaine fois, je toquerai.
Il s'approche un peu plus, nos visages à peine séparés par un souffle. Le parfum de sa peau me rappelle des moments où il aurait pu être tout pour moi. Pourtant, maintenant, je dois le haïr. ​Je le déteste et le désire en même temps, une contradiction brûlante que je ne peux pas ignorer.
- Non ! Ce n'est pas ce que... Enfin bref, ne joue pas les idiots, tu sais parfaitement ce que je voulais dire. Ne rentre plus ici sans y être invité !
- Tu m'inviteras, tôt ou tard, ma douce. Tu me supplieras même, j'en suis sûr. Mais ne te fais pas d'illusions, tu ne m'intéresse pas le moins du monde, avec ton petit air de madame parfaite.
- Toi, ne te fais pas d'illusions, Marco. Tu crois que tu m'intéresse ? Laisse-moi rire. Il y a bien longtemps que je ne m'intéresse plus aux petits cons dans ton genre.
​Il s'approche de moi dangereusement, chaque pas résonnant comme un avertissement. Je m'oblige à ne pas reculer, ma détermination se heurtant à la puissance de son allure. Bordel, ce qu'il est beau. Ses traits sont taillés avec une précision presque parfaite, une mâchoire qui se contracte, trahissant une tension intérieure. On dirait qu'il lutte pour cacher ses émotions, mais dans ses yeux, une lueur brûlante me défie. Mon cœur s'emballe, oscillant entre la peur et une attraction irrésistible.
- Ah oui, ma douce, qu'est-ce que tu crois savoir de moi, au juste ?
- Je sais que tu es un petit toutou de mon cher père. Alors, à présent, ravale ton air sarcastique à la con. Et va t'acheter une personnalité, ça changera.
Chaque mot est un effort pour repousser cette attraction interdite. Je suis l'héritière du clan, et je dois garder un jugement objectif sur chacun de mes hommes. Mais comment ignorer la chaleur croissante dans mon cœur quand je suis en présence de Marco ? Mon devoir est de diriger, pas de succomber à des sentiments impossibles.
Je ne le laisse pas répliquer et je sors de la pièce, il me suit. Nous nous dirigeons ensemble vers l'ancien bureau de mon père – mon bureau désormais. Il est huit heures quarante-cinq, et personne n'est encore arrivé. Ma colère gronde. Je suis déterminée à faire respecter ma place dans ce monde brut. Ces hommes doivent comprendre que je suis ici pour gouverner, pas pour être une cible facile.
- Pourquoi tes acolytes ne sont-ils pas encore là ? Ils ne savent pas lire l'heure ? dis-je à Marco, mon agacement palpable.
Marco, les bras croisés, me lance un regard empreint d'une froideur calculée. Il ne me répond pas immédiatement, ses yeux scrutant les contours de ma robe noire comme s'ils cherchaient à percer le mystère de ma décision.
- C'est toi qui as voulu prendre cette place. Tu savais à quoi t'attendre. Personne ne voulait de toi ici, personne. Personne ne te respectera jamais.
Je sens une bouffée de colère monter en moi à ses paroles acerbes, mais une hésitation persiste.
- Et toi non plus ? lui réponds-je, la voix légèrement tremblante malgré moi.
S'il n'est pas de mon côté, malgré toute la rancœur que j'ai en lui, je ne sais pas comment je m'en sortirais. Marco est la seule personne du clan avec qui j'ai été vraiment proche. Je ne connais les autres que vaguement, je n'ai jamais voulu m'intéresser à ce monde de brute dictée par la violence et le sang.
Il s'approche, et la proximité de ses lèvres à quelques centimètres des miennes me fait battre le cœur plus fort. Il me fait reculer jusqu'à ce que je heurte le mur derrière moi. Il met ses deux mains de part et d'autre de ma tête, m'empêchant de bouger. Je déteste ce que je ressens, ce désir interdit. Chaque seconde à ses côtés est une torture, un mélange déstabilisant d'attirance et de colère.
- Pour moi, tu n'es qu'une petite fille, en quête du prince charmant sur son beau cheval blanc. Tu n'as pas les épaules pour diriger un clan aussi puissant que celui de ton père.
Il se rapproche d'avantage, ses mots sont comme une caresse glaciale. Je ressens un tiraillement intérieur, une lutte entre la nécessité de rester ferme et l'envie de céder à ce sentiment déstabilisant qu'il provoque en moi.
- C'est mon clan, à présent ! Et ce n'est pas ce que ton corps semble penser, que je suis une petite fille sans défense... Regarde toi, ta mâchoire est serrée, et tu souffle de plus en plus fort. Tu meurs d'envie de briser l'interdit, Marco. Tu meurs d'envie de te laisser porter par tes émotions, la veine sur ton front commence à se voir. Mais tu sais aussi bien que moi qu'une fois l'interdit brisé, rien ne sera plus jamais pareil. Le tueur à gage le plus redouté du pays semble avoir une faiblesse, visiblement.
Je me rapproche encore plus de lui, mon souffle me trahi. Nos corps sont collés l'un à l'autre, mon regard est plongé dans ses yeux noir remplis de colère et de frustration. Chaque seconde près de lui me rapproche un peu plus de l'instant où je ne pourrais plus résister, où chaque particule de mon corps me criera de céder.
- C'est le clan de ton père. Et ça le restera après sa mort. Tu salis son héritage. Et si tu crois que j'ai ce comportement parce que tu m'intéresse, tu te fourre le doigts ou je pense. Je pense juste que tu n'as pas ta place ici, ma douce. Je suis là pour protéger ce qui compte vraiment, et ce n'est sûrement pas toi.
Le mépris dans sa voix me frappe comme un coup de poignard. Avant que je puisse répliquer, les autres membres du clan font leur entrée. Il s'éloigne alors de moi, avec un petit sourire en coin. Il est neuf heures, et je les observe avec un mélange de nervosité et de frustration.
Je connais leurs visages, mais à peine leurs histoires : Enzo, grand blond aux yeux clairs, apparemment aussi dangereux qu'un prédateur. Giovanni, le colosse aux cheveux noirs, dont la simple présence impose le respect. Vincenzo, au regard sombre et au revolver tatoué, et enfin Gabriel, le dernier arrivé, qui a encore le regard de l'outsider.
- Vos mères ne vous ont jamais appris à lire l'heure ?
Je tente de paraître calme, mais l'humour amer dans ma voix ne parvient pas à masquer mon agacement. Je veux montrer que je suis forte, malgré le fait que je me sens complètement perdue.
- C'est donc toi, la petite princesse qui va nous diriger ?
Giovanni éclate de rire, et sa moquerie me brûle.
- J'avais espéré que ton père changerait d'avis, mais te voilà, devant nous, c'est ridicule.
Vincenzo prend le relais, un sourire cruel sur les lèvres.
- Nina ? C'est bien ça ? Bienvenue dans ta descente aux enfers.
Gabriel se joint à la plaisanterie, et Marco les dévisage d'un regard que je ne peux déchiffrer. Il semble qu'il soit le seul à croire qu'il a un droit de regard exclusif sur moi, mais en même temps, il est aussi agacé que moi par ces commentaires.
- Bonjour, Nina, dit Enzo d'une voix basse et grave.
Je prends une profonde inspiration, tentant de garder mon calme.
- Je ne suis pas là pour rigoler. Nous avons des ennemis à combattre et des guerres à gagner. Vous me devez le respect. C'est moi votre patronne à présent.
- Tu n'as pas peur de te casser un ongle ? soupire Gabriel avec un sarcasme désinvolte.
Je me sens désemparée, perdue dans cette situation que je n'ai pas choisie. La colère et la frustration se mélangent en moi, et l'idée que je pourrais échouer me terrifie.
Enzo, faisant face aux autres membres du gang, reprend la parole.
- Écoutez-la, bande de connard. C'est bizarre de voir une femme dans le clan, on ne peut pas le nier. Cependant, vous lui devez le respect, justement parce que s'en est une.
Marco, enfin, rompt son silence, et ses mots sont comme un coup de poing.
- Pourquoi tu la défends ? Tu ne la connais même pas. C'est une nouvelle technique de drague ? Tu les respectes, les femmes que tu te tape tous les soirs ?
Enzo se tourne vers lui, son ton mordant.
- Parce que tu n'es pas foutu de le faire toi-même, malgré ton passé avec elle. Je ne savais pas qu'elle t'appartenait toujours. Je ne savais pas qu'elle avait encore ce pouvoir sur toi.
La mention de notre passé commun, de l'attirance que nous n'avons jamais avouée, me frappe comme un coup de poignard. Je suis envahie par une rage folle, un mélange de frustration et d'émotion qui fait éclipser toute logique. Mon cœur bat à tout rompre, et je ne sais pas si c'est à cause de Marco ou des insultes qui fusent.
- N'ouvre plus jamais ta putain de gueule pour parler de ma relation avec elle. Ce n'est pas parce qu'on est ami que je t'autorise à parler de Nina, rétorque Marco, la voix lourde de menace.
- C'est de la jalousie qu'on entend dans ta voix ? Riposte Enzo, un sourire moqueur sur les lèvres.
- Absolument pas. Je me fiche d'elle. Prends-la si tu veux, elle est toute à toi. Elle n'a jamais compté pour moi, et elle ne comptera jamais. Ce que tu en fais ne m'intéresse pas le moins du monde.
Les mots de Marco résonnent comme un coup de poignard. Mon cœur fait des montagnes russes entre passion et haine. « Je me fiche d'elle » : est-ce vraiment le cas ? L'angoisse et le doute s'emparent de moi alors que je lutte pour garder le contrôle de la situation.
Je ravale mes larmes, serrant les poings pour maintenir ma dignité.
- Ça suffit. La prochaine fois qu'un de vous tous me manque de respect, j'en informerai mon père immédiatement, et il va vous botter le cul. Il est peut-être sur son lit de mort, mais il peut vous détruire en un claquement de doigts. Et vous le savez. Alors maintenant, écoutez-moi.
Le silence s'abat dans la pièce, lourd et presque oppressant. C'est un soulagement de ne plus entendre ces voix moqueuses. Je poursuis avec une fermeté retrouvée, malgré l'angoisse qui serre ma poitrine.
- La salle d'armes est ravitaillée tous les dimanches, vous avez tous la clé. Assurez-vous d'avoir assez de munitions. Nous sommes en alerte maximale.
- Vous savez que notre clan ennemi, les Draks, gagne du terrain sur nous. Ils veulent ma mort. Ils veulent prendre le contrôle de ce clan, de vous. Ils deviendraient le clan le plus fort du pays, selon les informations récentes que m'a donné mon père. Même si vous ne m'aimez pas, je suis sûre que vous n'avez pas envie d'être dirigés par un clan qui traîne dans le trafic d'êtres humains. Je vous ordonne de rester sur vos gardes vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Je déglutis difficilement, mon calme apparent cachant la peur intense que je ressens. Ils ne me protégeront peut-être pas, et ce constat me terrifie.
- Et, Nina, s'ils arrivent à te tuer, nous ne les laisserons pas prendre la tête du clan. Mais qui te remplacera ? demande Vincenzo, son ton empreint de méfiance.
Une boule de désespoir se forme dans ma gorge. Tout me paraît si brutalement réel maintenant. De simple étudiante, je suis devenue une proie facile, mise en danger par la décision de mon père.
- La ferme ! Nina ne mourra pas. Personne ne lui fera de mal. Elle est sous notre protection. Nous passerions pour un clan de faibles si nous laissions les Draks nous l'arracher, intervient Marco d'un ton presque protecteur.
Ça phrase sonne comme une protection cachée. Il y a tant de choses que je voudrais lui dire, mais je me retiens. Je me contente de me concentrer sur ma mission, même si cela me déchire intérieurement.
Tout le monde acquiesce. La réunion touche à sa fin. Je suis épuisée, et malgré mon désir de continuer, je dois me reposer et aller rendre visite à mon père à l'hôpital, qui se trouve à quinze minutes de chez moi.
- On se voit demain à la même heure. Ne soyez pas en retard cette fois. Nous parlerons de la stratégie à adopter contre nos ennemis.
Les garçons sortent du bureau, l'air dépitée. Je n'y prête pas attention, encore trop secouée par les événements.
- Nina ? s'exclame Marco d'une voix tendre, un ton qu'il n'avait pas utilisé avec moi depuis nos retrouvailles.
- Qu'est-ce que tu veux, encore ? Tu veux me dire que j'ai ton autorisation pour me faire sauter par Enzo, où par n'importe qui d'autre ? Je n'ai jamais attendu ton autorisation. Réponds-je, les nerfs s'emparant de chaque partie de mon mètre cinquante-cinq.
Son sourire moqueur se crispe à l'entente de mes mots crus. Il s'avança dangereusement vers moi, en serrant son poing et en l'appuyant violemment sur le bureau juste devant nous.
- Enzo ? Laisse-moi rire, il ne comblerait même pas le quart de tes désirs. Tu mérites bien plus que ce qu'il peut offrir. Et ne parle plus jamais de toi comme ça. Tu mérites bien plus qu'une partie de sauterie qui ne mène à rien. Tu ne mérites pas qu'on te prenne pour un objet, servant à assouvir un simple désir.
- Ah oui, Marco. Et qu'est-ce que ça peut te foutre, hein ? Mon bonheur te préoccupe tant que ça ? Ce n'est pas ce que tu ne fais que montrer, pourtant. Pouffais-je.
- Le bonheur, Nina ? Tu peux y renoncer à présent. Ce monde est dépourvu d'amour et de bonheur. Si tu croyais pouvoir avoir un jour une vie heureuse, avec un homme qui t'aime, et avoir un jour des enfants, vivre dans une maison paisible au bord d'un lac, renonce à ses idées. ​Je suis désolée que tu te retrouves dans ce merdier. Bonne chance, ma douce. Tu vas vite tomber de ton trône.
Les mots de Marco, bien que teintés de mépris, portent un sous-entendu de nostalgie et de regret que je peine à déchiffrer. La douceur dans sa voix se mélange à son sarcasme, me laissant une sensation douloureuse et confuse. Les sentiments que je tente de réprimer se bousculent, et je me retrouve en proie à un tourbillon émotionnel.
Je ne répondis rien. Les mots de Marco me parvinrent comme des flèches empoisonnées, aiguisées par le poids des années et des ressentiments. Il ne cesse de jouer avec moi, jonglant entre la cruauté et la tendresse, et c'est cela qui me torture le plus. Pourtant, il y a longtemps, nous avions décidé de mettre un terme à ce jeu de séduction impossible. À l'époque, nous étions enfermés dans un monde où les sentiments n'avaient pas leur place : moi, la fille du boss, mise à l'écart des activités du clan, et lui, le bras droit, un tueur à gages sans faille. Rien ne devait déstabiliser ce prédateur aguerri, et surtout pas l'amour.
Mon père n'accordait aucune importance aux sentiments. Il disait que dans notre monde, il n'y avait que le sang qui comptait. Les sentiments, les relations humaines, tout cela était secondaire face à la loyauté envers le clan. L'amour était un luxe dont nous ne pouvions nous permettre de nous enticher. Il ne laissait aucune place aux hésitations émotionnelles, imposant une vision impitoyable où la survie et la puissance prédominaient.
Le silence s'installa entre nous, lourd de non-dits et de souvenirs douloureux. Les souvenirs de ces moments volés à la vie normale, où nos regards se croisaient et où l'illusion d'un autre avenir se dessinait, semblaient maintenant si lointains. À présent, nous sommes condamnés à jouer des rôles opposés sur cette scène sombre et violente.
Je le regarde, tentant de saisir ce qu'il reste de l'homme que j'ai connu. Les yeux de Marco, durs comme de l'acier, cachent une complexité que je peine à comprendre. Ce regard chargé de secrets et de regrets me ramène à une époque où le danger et les désirs se mêlaient de façon tumultueuse.
Il est devenu une énigme, un adversaire dont les véritables intentions sont aussi obscures que l'ombre dans laquelle il évolue. Et moi, je suis coincée dans ce monde implacable, tiraillée entre l'amour que je lui porte, et le désir inexplicable de comprendre ce qu'il est devenu.
***
J'arrive enfin à l'hôpital. L'odeur piquante de la pipe flotte dans l'air, se mêlant à celle des désinfectants. La chambre est glaciale, et l'atmosphère pesante, marquée par la présence de machines bourdonnantes. Mon père est allongé dans son lit, pâle et affaibli, mais son regard reste aussi perçant que jamais. Il me fixe avec une curiosité distante, comme s'il cherchait à lire à travers moi.
- Papa, lui dis-je d'une voix résignée.
Il se tourne vers moi, un sourire faible mais satisfait sur les lèvres.
- Nina, comment s'est passée ta première journée en tant que chef d'un des plus puissants clans d'Italie ?
Je prends une grande inspiration, essayant de cacher ma nervosité derrière un masque de détermination.
- C'était... Compliqué. Ils ne me respecteront jamais comme ils te respectent. Ils me méprisent, papa.
Je vois une lueur d'approbation dans ses yeux. Il se redresse légèrement, comme s'il se préparait à donner une leçon cruciale.
- Ma fille, pour être respectée, il faut être crainte. Ne te lie pas d'amitié avec eux. Dans ce monde, il n'y a pas de place pour les sentiments superflus. La loyauté se gagne par la force et le pouvoir, pas par la tendresse. Tu es leur patronne, et eux, tes employés. Trouve un moyen de faire entendre ta voix et de t'imposer.
Je fronce les sourcils, sentant le poids de ses paroles. Le froid dans la chambre semble se faire plus oppressant.
- Plus facile à dire qu'à faire, répliquai-je. Ils ne me voient que comme une intruse, une jeune femme qu'ils estiment incapable de diriger. Je suis en terrain hostile, et je me demande si je n'aurai jamais le contrôle qu'ils respectent.
Mon père me fixe intensément, comme s'il cherchait à sonder ma détermination.
- Ce n'est pas une question d'avoir le contrôle, Nina, mais de le faire sentir. Les hommes respectent la force, la détermination, et la capacité à faire régner l'ordre. Ils doivent voir en toi une figure imposante, pas une simple héritière. Les sentiments n'ont pas leur place ici. Si tu veux que ton autorité soit reconnue, tu dois t'imposer. Montrer que tu es prête à tout pour défendre ton pouvoir et ta position.
Je hoche la tête, sachant qu'il a raison, mais les mots semblent insuffisants pour calmer l'angoisse qui me serre le cœur.
- Et si je ne réussis pas ? Si leur mépris s'avère trop puissant pour que je le surmonte ?
Il esquisse un sourire amer, presque amusé par ma question.
- Alors, tu perdras. Ce monde est impitoyable, et seuls les forts survivent. Mais je crois en toi, Nina. Ne laisse pas la faiblesse t'envahir. Montre-leur que tu es à la hauteur, même si cela signifie devoir marcher seule.
Je me tourne vers la fenêtre, cherchant un réconfort dans le paysage gris et morne à l'extérieur. Mon père a raison. Il n'y a pas de place pour les hésitations. La route sera semée d'embûches, mais je dois avancer, peu importe la douleur ou le doute.
- Très bien, papa. Je ferai ce qu'il faut. Je me battrai pour prouver ma valeur.
Il me regarde, un regard mêlé de fierté et de scepticisme.
- Fais-le, Nina. Montre-leur ce que signifie vraiment être la fille du boss.
Je quitte la chambre, les paroles de mon père résonnant dans mon esprit. Le poids de sa confiance et de ses attentes repose lourdement sur mes épaules. Je dois être plus que ce qu'ils attendent de moi. Je dois être implacable, sans faille, pour gagner le respect que je mérite.
***
Marco
​Je la veux. Je veux Nina. Chaque fibre de mon être est enflammée par ce désir ardent. Elle est celle que je ne peux avoir, celle que je ne devrais pas désirer. Mais ce besoin, cette envie de la posséder, est une obsession que je ne peux éteindre. Chaque fois que je la vois, quelque chose de primitif et impérieux en moi réclame sa présence, réclame qu'elle soit mienne. Elle doit m'appartenir, c'est une nécessité viscérale.
Je dois me contenir, jouer la comédie, lui montrer une façade froide et distante. La vérité est que je préfère qu'elle me déteste pour le moment. Que son ressentiment envers moi soit aussi fort que possible. Cela fait partie de mon plan, de ma stratégie pour garder le contrôle. Si elle savait pourquoi elle est ici, si elle connaissait la vérité sur le rôle que je joue dans sa vie, cela la détruirait. Sa douleur, son choc, ce serait un chaos incommensurable.
Le pouvoir est plus fort que l'amour, et je le sais trop bien. Dans ce monde impitoyable, les sentiments sont des faiblesses, des distractions qui nous empêchent de remplir notre mission. ​L'amour n'a pas sa place ici. C'est une illusion, un luxe que nous ne pouvons-nous permettre. La réalité est que nous devons mettre de côté tout ce qui est émotionnel pour ne pas faillir dans nos devoirs et nos objectifs. Les sentiments ne sont que des obstacles, des chaînes qui nous retiennent et nous rendent vulnérables.
Si Nina découvrait que toute sa vie a été orchestrée depuis le début, qu'elle n'a pas eu un seul instant de liberté mais que chaque événement a été minutieusement planifié, elle serait anéantie. Le choc de cette révélation provoquerait un désordre total. Elle serait incapable de faire face à la vérité que chaque aspect de son existence a été manipulé pour servir des intérêts plus grands que les siens.
Le chaos régnerait alors. Sa destruction émotionnelle mettrait en péril tout ce que nous avons construit, tout ce que nous avons planifié. Le pouvoir, le contrôle, tout serait compromis si elle se laissait submerger par cette vérité. Je dois la protéger de cette connaissance, même si cela signifie que je dois continuer à jouer le rôle du méchant, celui qui l'éloigne d'elle-même et de la vérité.
Je dois rester vigilant, calculateur, et garder mes propres émotions enchaînées. C'est ainsi que je peux réussir, que je peux atteindre mes objectifs. Nina ne doit jamais découvrir la vérité, pas maintenant mais, pas jamais. Et moi, je dois apprendre à vivre avec ce désir dévorant tout en restant fidèle à mon rôle, en continuant à jouer le jeu. C'est la seule façon pour moi de garder le contrôle sur tout ce qui m'entoure, et surtout sur elle.

Fragment de Pouvoir {DARK ROMANCE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant