Chapitre 9 : Sous l'œil du maître

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Nina

Je me réveille, la tête pleine de questions. Je suis fatiguée de tous ces mensonges. J'en ai marre de devoir sans cesse chercher des réponses, que je n'aurais peut-être jamais. Je suis épuisée. 
Je n'ai plus le temps de m'apitoyer sur mon sort. Le jeu a changé, et je dois en prendre les rênes.

Mes pensées se tournent vers Marco. Comment ai-je pu être si aveugle ? Comment a-t-il pu jouer avec moi si habilement, me faisant croire que j'avais le contrôle ? Il est devenu une pièce centrale dans cette partie d'échecs où les règles sont floues. Mais je ne suis pas une simple pionne.

Il est temps de reprendre le contrôle. Mon père a forgé ces alliances dans l'ombre, mais moi, je dois décider de ce que je vais en faire. Je ne suis plus une victime de ce monde, je suis prête à jouer mon propre jeu. Un jeu de pouvoir.

Yann. L'ami de mon père avec qui j'avais dîné tant de fois dans mon enfance, celui qui me racontait toujours des histoires sur leurs aventures communes. Comment ai-je pu oublier qu'il est aussi notre médecin de famille aujourd'hui ? Pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt ? Peut-être parce que depuis l'accident, tout est confus, et que je peine à assembler les morceaux de ce puzzle complexe. Mais maintenant, il me semble évident qu'il détient une partie des réponses que je cherche.

Sans perdre une seconde, je me lève et sors de la maison, le vent frais du matin frappant mon visage comme pour me réveiller pleinement. La rue est étrangement calme, presque déserte, alors que j'avance d'un pas rapide vers la maison de Yann, qui se trouve tout au bout de cette rue familière. Chaque pas me rapproche de la vérité, du moins je l'espère.

Une fois devant sa porte, je ressens une légère hésitation. Depuis combien de temps ne l'ai-je pas vu ? Ses rapports avec mon père sont restés flous ces dernières années. Il sait sûrement plus qu'il ne laisse paraître. Et si c'était lui, l'un des acteurs cachés dans ce jeu de pouvoir ?
Mon cœur bat plus fort à cette pensée, mais je me reprends. Yann est quelqu'un de confiance, ou du moins il l'était. Et maintenant, je dois savoir.

Je frappe trois coups à la porte, et le bruit résonne dans le silence de la rue. J'attends quelques secondes, scrutant la porte, écoutant le moindre bruit à l'intérieur. Rien. Je frappe à nouveau, un peu plus fort cette fois. Finalement, j'entends des pas lourds qui se rapprochent, puis le cliquetis de la serrure. La porte s'entrouvre doucement, révélant le visage fatigué de Yann. Il semble surpris de me voir, mais tente de le dissimuler derrière un sourire poli.

- Nina... Quelle surprise ! Je ne t'avais plus revue depuis l'accident. Tu n'as pas changé.

Je fronce les sourcils. L'accident ? Pourquoi parle-t-il de cela maintenant ? Il doit faire référence à ce qui est arrivé à mon père. Depuis qu'il est tombé malade, tout a changé, et je sens qu'il y a des choses que je ne sais pas, que Yann pourrait m'expliquer.

- La maladie de mon père m'importe peu maintenant, Yann. Je ne suis pas venue ici pour parler de lui. Je veux des réponses sur tout ce que vous me cachez.

- Entre, Nina.

J'entre dans cette demeure, qui, à première vue, semble banale, presque trop normale. Les murs sont gris, uniformes, comme pour effacer toute trace de personnalité. Pourtant, un grand cadre orange, éclatant et inattendu, attire immédiatement mon regard. Ce contraste me déstabilise. Pourquoi cette couleur vive dans un lieu si terne ?

Je m'avance dans le couloir, mes pas résonnant légèrement sur le parquet. L'air y est calme, mais trop calme, comme s'il étouffait les vérités que je suis venue chercher. En passant devant une porte entrouverte, mon attention est captée par une chambre d'enfant. Les murs sont peints d'un bleu profond, un bleu qui inspire la tranquillité, peut-être même une certaine innocence.
C'est étrange. Lui aussi a des enfants.

Je reste figée un instant, observant cette chambre parfaitement rangée. Des jouets soigneusement alignés sur une étagère, des dessins d'enfants accrochés au mur... Tout semble si ordinaire, si familial. Un foyer. Mais comment peut-il y avoir tant d'innocence dans un endroit où je sens que tant de secrets se cachent ?

Je ne peux m'empêcher de penser à mon père. Lui aussi menait une double vie : un père aimant en surface, mais capable de cruauté et de manipulation dans l'ombre. Est-ce donc si facile pour des hommes comme eux de maintenir deux visages ? Un pour leur famille, et un autre pour le reste du monde, celui où ils contrôlent, où ils mentent.

Mon père est-il le seul à être si cruel ? Ou est-ce que Yann cache aussi cette même noirceur derrière les murs de sa maison ?

- Tu veux boire quelque chose, Nina ? me demande-t-il d'une voix douce, presque trop calme. Ses gestes sont posés, comme s'il essayait de maintenir un semblant de normalité dans cette rencontre qui, de toute évidence, est tout sauf normale.

Je serre les poings, sentant la colère monter.

- Je ne suis pas venue ici pour boire le thé, Yann. Je veux des réponses. » Ma voix est ferme, glaciale. « L'ami de mon père, Fernando. Ou devrais-je dire Suzanno.

Je le vois se figer instantanément. Ses épaules se tendent, et pour la première fois, une expression de faiblesse passe sur son visage. Ses yeux, habituellement si vifs, deviennent soudainement vides, comme s'il essayait de cacher une vérité qu'il porte depuis trop longtemps. Un voile de tristesse semble l'envahir, alourdissant l'air entre nous.

- Nina, pourquoi veux-tu des informations sur lui ?  Sa voix est tremblante, à peine un murmure. Il est mort. Ça s'arrête là.

Je me penche légèrement en avant, le regard perçant.

- Qui l'a tué, Yann ?

Chaque mot est un coup de poignard, et je le vois vaciller sous la pression. Il sait que je ne reculerai pas.

Un silence pesant s'installe. Ses mains tremblent légèrement, mais il reprend son calme, tentant de détourner la conversation.

- Nina, pour avoir des réponses, pourquoi ne demandes-tu pas à ton père ?

Je lâche un rire amer, un rire sans joie.

- Mon père ne cesse de me mentir, Yann. Je veux de vraies réponses. Pas celles d'un manipulateur.

Ma voix se brise légèrement, trahissant un désespoir que je tente de masquer. L'idée d'être continuellement manipulée par mon propre père me dévore de l'intérieur.

Il baisse les yeux, évitant mon regard, comme si mes paroles avaient fait écho à une vérité qu'il avait toujours cherché à éviter.

- Je suis loyal à ton père, Nina. Je ne peux rien te dire. Les conséquences pourraient être désastreuses.

Il se frotte les tempes, visiblement torturé par un conflit intérieur.

- Je veux voir grandir mon fils.

Ses mots sont lourds de sens, une vérité brutale qu'il essaie de me faire comprendre. Il ne me ment pas. Je peux sentir qu'il est sincère, et cette sincérité réveille une peur profonde en moi. Si même lui est terrorisé par les conséquences, alors cela signifie que tout ce que je redoute est bien réel.

- Je suis son héritière, Yann. Ma voix est calme, mais chargée de détermination. Ce n'est plus à mon père que tu es redevable, mais à moi.

Il reste un instant sans bouger, ses yeux s'écarquillant de surprise. Ses lèvres s'entrouvrent, mais aucun son ne sort. Il ne savait pas. Je vois la confusion, le choc dans son regard.

- Toi ? Mais... cela devait être... Enfin, je...
- Cela devait être Marco. C'est ça ?
Je le coupe avant qu'il ne se reprenne.

- Je suis au courant. Je veux savoir pourquoi. Pourquoi mon père m'a forcée à prendre cet héritage ? J'aurais préféré que ce soit Marco et continuer ma vie normalement.

Yann secoue la tête, visiblement perturbé.
- Cela devait être Marco, Nina. Et tu voulais que ce soit lui.

Je baisse les yeux, un poids sur ma poitrine.

- Je le voulais, oui, intérieurement. Mais je n'ai jamais eu le temps d'exprimer cette demande à mon père... J'ai toujours été tenue à l'écart des activités du clan.
Ma voix est à peine audible maintenant, chargée de regrets et de nostalgie pour une vie que je n'ai jamais eu l'occasion de vivre.

Avant que Yann ne puisse répondre, un grincement retentit, brisant l'atmosphère tendue.
Une porte s'ouvre brusquement, et son fils entre en courant, revenant de l'école. Notre conversation est brutalement interrompue. Yann se lève rapidement, ses gestes maladroits trahissant son trouble. Le petit garçon s'arrête un instant, nous observant avec curiosité, ignorant la gravité de ce qui se jouait ici quelques instants auparavant.

Yann me murmure, avant de me demander de sortir :
- Ton père pourrait me tuer s'il le voulait, même depuis son lit d'hôpital. Il a des alliés partout, des gens qui lui sont loyaux et qui sont prêts à tout pour le protéger. Je suis certain qu'il sait que tu es ici, Nina. Il connaît chacun de tes faits et gestes, même les plus infimes. Tu es sous surveillance constante, même si tu ne le réalises pas.

Sa voix est chargée d'une inquiétude sincère, et ses yeux trahissent une peur qu'il peine à cacher. Les mots tombent lourdement, comme une alerte désespérée pour que je comprenne l'ampleur du danger qui m'entoure. Il poursuit :
- Tu as hérité de l'empire de ton père, Nina, mais n'oublie pas... tu as aussi hérité de ses ennemis et du fardeau qui pèse sur ses épaules. À présent, ce poids est le tien.
Part à présent, s'il te plaît. Mon fils ne doit pas être mêlé à nos histoires, même indirectement.

Il prononce ces mots avec une gravité qui ne laisse place à aucun doute. La porte de la pièce se ferme doucement derrière moi, et je me retrouve de nouveau dans le couloir, envahie par un tourbillon de pensées et d'interrogations.

Je me demande pourquoi Yann semble si inquiet que son fils soit impliqué, même indirectement. Et plus encore, comment connaît-il la relation que j'avais avec Marco ? Ce n'est pas quelque chose que j'ai partagé ouvertement. La question me hante alors que je quitte la maison. Chaque détail, chaque mot prononcé par Yann, semble chargé de sous-entendus et de secrets non-dits. Les pièces du puzzle s'assemblent lentement, mais le tableau complet reste encore flou et incertain.

***
Nina

J'arrive chez moi en cinq minutes à peine, mon esprit tourmenté par les révélations de Yann. Une question me hante : comment pourrais-je assumer le rôle de chef si je ne connais rien à nos activités ni aux agissements de mon père ? Le poids de la responsabilité me semble écrasant, et l'incertitude sur ce que je dois faire me paralyse.

À peine franchis-je la porte de la maison que je constate que les garçons sont déjà là, tous sans exception. Mon cœur rate un battement en réalisant que j'avais oublié que je les avais convoqués pour une réunion. Une vague de honte m'envahit en pensant à mon état de confusion, alors qu'eux se présentent, prêts et attentifs, pour discuter des affaires du clan.
Je fronce les sourcils en les voyant s'installer avec sérieux dans le salon. Leur présence ici est la preuve que, malgré mon désarroi, je suis encore en position de prendre des décisions, même si je ne suis pas encore prête à assumer pleinement ce rôle. Cela me rappelle brusquement l'enjeu : je ne peux plus me permettre de me laisser aller à l'incertitude ou au doute.

Les garçons sont là pour me rappeler que mon autorité est déjà établie, et que je dois maintenant prouver que je mérite cette position, même si je ne suis pas encore parfaitement informée des détails cruciaux. Leur présence est un rappel brutal que, malgré mes propres hésitations, le clan attend de moi que je prenne des décisions et que je mène avec assurance.

Je prends une profonde inspiration et me dirige vers eux, prête à faire face à ce défi. La convocation était un geste de pouvoir et de contrôle, une manière de m'affirmer face à eux et de commencer à endosser le rôle qui m'a été imposé. Maintenant, je dois me préparer à montrer que je suis capable de diriger, même si je dois encore apprendre les subtilités des opérations et des secrets de mon père.

En entrant dans le salon, je fais un effort pour masquer ma nervosité derrière un masque de détermination. Les garçons m'observent, leurs expressions allant de la curiosité à l'attente. Je me rappelle alors la raison de cette réunion, un geste que j'avais organisé en un moment de doute, mais qui maintenant semble crucial pour la direction que je veux donner à ce clan.

Je prends une profonde inspiration avant de commencer.

- Merci d'être venus si rapidement. J'ai convoqué cette réunion pour discuter de plusieurs points importants concernant notre avenir.

Je marque une pause, scrutant leurs visages pour évaluer leurs réactions.

- Tout d'abord, nous devons parler de la sécurité du clan. Avec les récents événements et les menaces potentielles, je veux m'assurer que nous avons des mesures adéquates en place.
J'ai besoin de votre évaluation sur les failles possibles et de recommandations pour les renforcer.

Je les vois échanger des regards significatifs.
- Ensuite, nous devons revoir les alliances et les relations que nous entretenons avec nos partenaires. Je veux m'assurer que nos alliances sont solides et que nous sommes prêts à faire face à toute trahison éventuelle. Vos rapports sur ces relations seront essentiels.

Je me tourne vers Enzo, Vincenzo et Gabriel, leur posant des questions spécifiques sur leurs domaines respectifs : la sécurité, le camouflage, et la cybersécurité.

- Enzo, quelle est la situation actuelle de notre surveillance ? Vincenzo, as-tu noté des changements dans les mouvements des rivaux ? Gabriel, où en est notre réseau de cybersécurité ?

Ils répondent, leurs réponses faisant apparaître l'étendue de leur préparation et leur engagement. Je les écoute attentivement, prenant des notes mentales sur les points à approfondir.

En fin de réunion, je fais un résumé de ce qui a été discuté et des prochaines étapes.

- Nous avons beaucoup de travail devant nous pour sécuriser notre position et nous préparer aux défis à venir. J'apprécie vos efforts et votre dévouement. Nous devons rester unis et vigilants. Je vous tiendrai informés des développements.

En les laissant partir, je me sens un peu plus en contrôle, même si je sais que le chemin reste semé d'embûches. La réunion a été un pas essentiel pour affirmer mon autorité et commencer à diriger le clan avec plus de clarté, malgré le brouillard des incertitudes qui m'entoure encore.

Gabriel reste dans la pièce, l'air préoccupé. Son regard est empreint d'inquiétude, ce qui attire mon attention immédiatement. Je sens que quelque chose de crucial est sur le point d'être révélé. Cependant, il ne remarque pas que Marco, avec qui je n'ai pas échangé un mot depuis sa déclaration bouleversante, se tient juste derrière la porte, son obsession et sa jalousie le poussant à espionner la scène.

- Nina, j'ai des infos sur Fernando. Me dis-t-il d'un air inquiet.

Avant que je ne puisse réagir, Marco entre brusquement dans la pièce, son visage déformé par la colère et la jalousie. Il hurle, sa voix tremblante de rage :

- POURQUOI ENQUÊTEZ-VOUS SUR CET ORDURE ?

La surprise me paralyse un instant. Marco, toujours en proie à une jalousie brûlante et une obsession maladive, semble incapable de contrôler ses émotions. Ses actions imprévisibles montrent à quel point il est perturbé par l'attention que je porte à Fernando, le bras droit de mon père.

- Que sais-tu, Marco ?

Je cherche à comprendre la source de sa colère. Ses mots trahissent une amertume profonde.

- Je sais que c'est une ordure. Oser quitter le cercle et abandonner ses coéquipiers, ce n'est pas digne d'un homme. C'est un lâche.

Ses paroles me font frémir. La haine et le mépris dans sa voix révèlent à quel point il est similaire à mon père, capable de voir les gens uniquement comme des pièces sur un échiquier. Cette réalisation me laisse une sensation glaciale.

- IL A EU UNE PETITE FILLE, MARCO !

Je ne peux contenir ma colère. Les mots sortent presque comme un cri désespéré.

- C'était un homme honorable. Il a voulu protéger les siens en quittant le gang. Et un monstre l'a tué. Mon père l'a tué alors qu'il voulait juste protéger sa petite fille de ce monde tordu.

Ma voix se brise sur la dernière phrase, une douleur profonde résonnant dans chaque mot.
La révélation que Fernando a agi par amour pour sa fille contraste vivement avec la cruauté implacable de mon père et la réaction de Marco. Je vois maintenant à quel point la jalousie et l'obsession peuvent déformer la vérité, aveuglant même ceux qui sont proches de nous.

Marco reste silencieux, son visage se décomposant sous le poids de la révélation.
L'obsession excessive qui le pousse à surveiller et à réagir avec une telle intensité devient encore plus évidente. Sa colère se transforme en confusion alors qu'il réalise la complexité des émotions humaines que je viens de dévoiler.

La tension dans la pièce est palpable, et je sais que les enjeux sont désormais plus clairs que jamais. Le choc des vérités et des émotions brutes crée un espace où la loyauté, la jalousie et la quête de justice se mélangent dans un tourbillon d'incertitude.

- Marco, il y a quelque chose que je dois comprendre. Pourquoi es-tu si furieux à l'idée d'enquêter sur Fernando ? Qu'est-ce que tu sais vraiment ?

- Je sais ce que je fais, Nina. Fernando était une menace pour le clan. Il a trahi le cercle et s'est échappé. Il méritait ce qui lui est arrivé.

Soudain, une vérité inconcevable frappe Nina.
- Tu as tué Fernando, n'est-ce pas ? Tu étais le bras droit de mon père, son tueur à gage personnel !

Marco, la gorge sèche, baisse les yeux, incapable de soutenir le regard accusateur de Nina.

- Oui, je l'ai fait. J'ai agi sur les ordres de ton père. Fernando était une menace que nous ne pouvions pas ignorer.

- Fernando était un père aimant, Marco ! Il a tenté de quitter ce monde tordu pour protéger sa fille, et tu l'as tué.

Les révélations déferlent comme un torrent. Je ressent une vague de trahison et de douleur alors qu'elle réalise la profondeur de la duplicité de Marco.

- Mon père t'a utilisé pour commettre ses sales besognes. Et toi, tu t'es abattu sur lui sans pitié, comme un simple exécutant.

Marco, accablé par le poids de ses actes, tente de se défendre, mais ses explications semblent vaines.

- Je n'avais pas le choix, Nina. Ton père contrôlait tout, et j'étais obligé de suivre ses ordres. Fernando devait être éliminé pour protéger l'équilibre du clan.

- Marco, pourquoi as-tu fait ce qu'il demandait ? Quel moyen de pression utilisait-il sur toi ?

Je me rapproche de lui, la mâchoire serrée, ma colère et ma frustration montantes. La révélation sur Fernando et le rôle de Marco m'ont laissée sous le choc. Je veux maintenant comprendre la source de la manipulation.

- Tu n'es pas prête à entendre cette vérité, Nina.

Son regard est lourd de culpabilité et de douleur, et je vois à quel point il lutte avec ses propres démons. Mais ma détermination à découvrir la vérité ne faiblit pas.

- ASSEZ DE MENSONGES ! Arrête de me protéger ! Je ne suis plus une putain d'enfant !

Ma voix éclate, empreinte de frustration et de détermination. Je veux connaître toute la vérité, sans détours, même si elle est douloureuse.

- Ton père t'a utilisé comme moyen de pression sur moi. Il savait que je tenais à toi, Nina.
Il m'a menacé de te faire du mal si je n'obéissais pas à ses ordres.

Les mots de Marco frappent comme des coups de poing. Je reste figée, les yeux écarquillés par la stupeur et la douleur. La révélation que mon père a manipulé Marco en me menaçant est dévastatrice.

- Mon père t'a menacé de me faire du mal pour te forcer à agir contre ta volonté ? Il a utilisé ma vie comme levier pour contrôler tes actions ?

Le chagrin et la colère se mêlent dans ma voix. Je réalise l'ampleur de la manipulation, non seulement sur Marco mais aussi sur moi. Mon père, que je pensais être un protecteur, a joué avec ma vie comme une pièce sur un échiquier.

- Oui, Nina. J'étais pris dans un cercle vicieux. Chaque fois que je doutais ou que je voulais désobéir, il me rappelait ce qu'il pourrait te faire. J'avais peur de te perdre, et cela me rendait incapable de me rebeller contre ses ordres.

Les mots de Marco sont chargés de désespoir. Je comprends enfin comment le contrôle de mon père a eu des répercussions non seulement sur lui mais aussi sur moi. C'était une manipulation calculée pour maintenir le pouvoir et briser toute résistance.

- Alors, tu étais sous le contrôle de mon père, obligé de suivre ses ordres pour me protéger, malgré tout le mal que cela t'a fait. J'étais en réalité la pièce clé dans ce jeu de pouvoir cruel ?

L'impact de cette révélation est écrasant. La réalité de ce que mon père a fait pour maintenir son pouvoir et manipuler ceux qui l'entourent est maintenant claire. Le poids de cette vérité me pousse à revoir toute ma perception des relations et des loyautés au sein de cette famille et de ce clan.

***
Cinq ans plus tôt
Miguel

- Marco, viens par là.
- Oui, chef ?
- Maintenant que Fernando n'est plus un problème, je veux que tu tues Miranda.

Les mots claquent dans l'air comme une sentence inéluctable. Marco se fige, son visage se durcit, mais une lueur d'inquiétude traverse ses yeux. L'ordre est trop froid, trop cruel, même pour lui.

- Chef, je ne suis pas sûr qu'une petite fille de seulement un an soit une menace pour nous...

Il essaie de peser ses mots, son ton mesuré, cherchant à éviter de franchir la ligne de la désobéissance tout en exprimant son malaise. Mais au fond de lui, il sait que toute forme de résistance face à cet homme est inutile.

- Tu désobéis, Marco ?

La voix du père de Nina devient glaciale, chaque syllabe résonnant comme un avertissement. Marco sent le frisson de la menace imminente, celle qui n'a pas besoin d'être dite clairement pour être comprise. Il poursuit :

- Tu sais ce que je peux lui faire. Tu sais que Nina peut souffrir, et beaucoup.

Les mains de Marco tremblent légèrement, imperceptiblement, sous le poids de ces mots. Cette menace est le levier qui le tient en laisse depuis des années. Son cœur se serre, sa respiration devient plus lourde. À chaque mission qu'il a acceptée, à chaque ordre qu'il a exécuté, c'était toujours Nina, la personne qu'il tentait de protéger. Mais à quel prix ?

***
Marco

Je refuse. Les mots résonnent dans mon esprit comme une sentence. Tuer une petite fille... c'est trop, même pour moi. Depuis des années, j'ai obéi aveuglément aux ordres, éliminant des cibles sans poser de questions. Mais là, je ne peux pas. Le visage innocent de cette enfant hante mes pensées. Elle n'a rien à voir avec ce monde pourri, rempli de sang et de vengeance.

Je serre les poings, la mâchoire crispée. Miguel veut prouver quelque chose, pas seulement à moi, mais à cette femme. La veuve de Fernando. Il veut l'anéantir, lui montrer à quel point son mari a détruit leurs vies. Mais ce n'est pas suffisant pour lui de l'avoir tué, non. Il veut effacer chaque trace de bonheur passé. En tuant la petite, il va briser ses souvenirs, piétiner ce qu'il reste de sa vie.

Je pense à Nina. Elle, aussi, a été utilisée comme un pion, une arme de chantage. Est-ce que c'est ce que je veux pour cette enfant ? Non. Je refuse d'être le monstre que Miguel m'a façonné à devenir. Mais je le sens, la peur qui serre ma gorge. Si je n'obéis pas, c'est Nina qui va payer le prix. Et je ne peux pas la perdre. Pas elle.

Qu'est-ce que je suis censé faire ? Ma loyauté envers ce clan me tue à petit feu. Mon amour pour Nina me rend faible, vulnérable, mais il me donne aussi la force de résister. Je dois trouver une solution... mais laquelle ? Tuer Miranda, c'est comme tuer une part de moi-même, une part de ce qu'il reste de mon humanité.

Je regarde mes mains. Des mains trempées dans le sang de centaines d'hommes. Mais jamais... jamais celles d'un enfant. Si je fais ça, je ne me reconnaîtrai plus. Je ne serai plus Marco, juste un autre démon au service d'un roi cruel.

Il tire les ficelles, et tant que je suis pris dans ses filets, je ne serai jamais maître de mon propre destin.

***
Nina

Les mots de Marco me transpercent comme des lames de rasoirs. M'aurait-il vraiment fait du mal, à moi, sa propre fille ? L'idée me révulse, et pourtant... je ne peux pas l'écarter. Mon père, l'homme qui m'a élevée, m'a protégée – du moins, c'est ce que je croyais – aurait-il été capable de me sacrifier pour ses ambitions ? Plus j'y pense, plus l'évidence s'impose. Il a déjà fait du mal à ma mère. Pourquoi serais-je différente ?

Mon cœur se serre à cette pensée. J'ai toujours voulu croire que, malgré tout, il restait une part de bien en lui, une part qui me verrait toujours comme sa fille. Mais maintenant... cette image s'effondre. Que représente l'amour paternel dans un monde où tout se négocie, même le sang ?

Et Marco, lui ? Voulait-il vraiment me protéger ou n'était-ce qu'un moyen de s'approcher de moi pour obtenir ce pouvoir ? Ses déclarations, ses gestes, tout semble soudain teinté d'ambiguïté. Je ne comprends plus rien. Chaque parole qu'il a prononcée, chaque moment passé ensemble, tout vacille sous le poids du doute. L'angoisse monte en moi, je me sens piégée dans un jeu que je n'ai jamais voulu jouer.

Il faut que j'aille à l'hôpital confronter mon père. C'est la seule solution. Je dois savoir la vérité, entendre de sa bouche s'il aurait vraiment utilisé sa propre fille comme monnaie d'échange. Mais je sais aussi que si j'y vais maintenant, je ne pourrai pas me contrôler. Je vais le tuer.

Je serre les poings. Ma colère gronde, prête à exploser à tout moment. Il faut que je reprenne le contrôle. Mais une chose est sûre, cette confrontation va avoir lieu. Et quand elle arrivera, il devra répondre de toutes ses trahisons.

Fragment de Pouvoir {DARK ROMANCE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant