Chapitre 17 : Les débuts d'une nouvelle ère

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Nina
Cette nuit, j'ai pris une décision impulsive, une de celles qu'on prend quand tout semble s'effondrer. J'ai réservé une chambre d'hôtel, loin de tout, loin de lui. L'idée de retourner chez ​Marco après tout ce qui s'était passé la veille m'était insupportable. L'atmosphère était encore trop lourde, trop chargée de non-dits et de blessures invisibles. J'avais besoin de m'éloigner, de respirer, de réfléchir sans être influencée par sa présence, ni par ce qu'il représentait.
La vérité, c'est que ma vie a pris une tournure que je n'aurais jamais imaginée. En l'espace de quelques heures, tout ce que je croyais savoir s'est effondré, me laissant seule face à un empire que je dois désormais gouverner. Mon père n'a plus le contrôle, il ne peut plus dicter ma destinée. C'est à moi de prendre les rênes, de décider du chemin que je veux emprunter, seule. Mais cette indépendance, si ardemment désirée autrefois, me paraît aujourd'hui étrangement froide et intimidante. Chaque décision que je prendrai sera décisive, et il n'y aura personne pour me guider. Je suis maintenant le visage de ce pouvoir, mais à quel prix ?
Je me lève de ce lit, bien trop dur pour moi, comme si le poids de la nuit passée s'était matérialisé dans chaque ressort. Le confort n'était pas la priorité, mais plutôt la distance que je mettais volontairement entre moi et le chaos qui m'attendait dehors. Il est temps d'instaurer une nouvelle ère. Je ne peux plus me permettre d'être passive, ni de me laisser manipuler par les choix des autres. Cette fois, je jouerai selon mes propres règles, celles que j'ai patiemment construites dans l'ombre.
Les masques sont tombés. Tous. Ceux des traîtres, des alliés douteux, et même celui que je portais moi-même, celui de la fille obéissante, de la marionnette du pouvoir. Mais maintenant que tout est à nu, qu'en restera-t-il ? Les masques sont une protection, et sans eux, il ne reste que la vérité crue, brutale.
Je me redresse, plus déterminée que jamais. Il est temps d'agir. Je prends mon téléphone, mes doigts glissent rapidement sur l'écran alors que j'envoie le message. Je convoque les garçons. Ils doivent venir, ici, dans ma chambre d'hôtel, dans une heure. Le temps des hésitations est révolu. Nous devons discuter de la suite, de mon plan, et de leur rôle dans ce nouvel empire que je façonne.
Cette rencontre décidera du futur. Pas seulement le mien, mais aussi celui de tous ceux qui m'entourent.
Les garçons arrivent à l'heure, comme je l'avais exigé. Leur ponctualité m'arrache presque un sourire de satisfaction. Au moins, ils savent encore suivre les ordres. Mais malgré leur présence rassurante, une part de moi reste tendue, sur le qui-vive. J'ai déjà le sang de mon père sur les mains, une vérité lourde et inévitable. Il ne manquerait plus que je doive ajouter celui de l'équipe. Cette pensée me traverse l'esprit alors que je les observe entrer un à un, leurs regards évitant soigneusement le mien.
Je me lève, le silence de la pièce devient oppressant, chaque seconde qui passe alourdit l'atmosphère. Je n'ai pas de temps à perdre avec des faux semblants. Le moment est venu de trancher dans le vif. D'un pas décidé, je me place face à eux, prenant soin de croiser leurs regards tour à tour, m'assurant qu'ils comprennent bien l'importance de ce que je vais dire.
Je commence mon discours avec une conviction froide, presque implacable :
- Bien. Mon père n'est plus. Il est mort, et c'est très bien ainsi. Ces mots résonnent dans la pièce, et je note le léger frisson qui parcourt certains d'entre eux. Peu importe, ils devaient s'y attendre. Maintenant, je veux des réponses.
Je marque une pause, les jaugeant encore une fois. C'est à ce moment précis que tout se joue.
- Qui reste à mes côtés pour la guerre qui va éclater, et qui préfère fuir ? Je ne tolérerai plus aucun mensonge. Si vous souhaitez partir, la porte est ouverte, mais à partir de cet instant, je n'accepterai plus que des gens loyaux, totalement loyaux.
Je laisse ces derniers mots en suspension dans l'air, attendant leur réaction. La vérité, c'est que cette bataille ne sera pas seulement physique, elle sera aussi psychologique. Si je ne peux compter que sur moi-même, je suis prête à le faire, mais ceux qui choisissent de rester devront prouver leur fidélité, pas seulement par leurs paroles, mais par leurs actes.
Qui reste ? Gabriel ? Vincenzo ? Giovanni ? Marco ? Enzo ? Je les scrute, un par un, cherchant dans leurs regards la moindre trace de doute, le moindre signe de trahison. Mais ils acquiescent tous, silencieux, comme s'ils savaient que ce moment allait venir. Le silence, lourd et palpable, s'installe dans la pièce, tandis que chacun réalise qu'il n'y a plus de retour en arrière.
Marco, fidèle à lui-même, est le premier à bouger. D'un pas assuré, il s'approche de moi, ses yeux ancrés dans les miens. Il n'a jamais été homme à montrer ses émotions, et pourtant, il y a dans son regard une détermination que je n'ai jamais vue auparavant.
Il s'arrête à quelques centimètres de moi, son visage si proche que je sens la chaleur de son souffle. Sa voix est grave, empreinte de cette promesse silencieuse qu'il porte depuis des années :
- Je t'ai dit que je ne te laisserais plus jamais.
Ces mots me frappent en plein cœur. Il les a déjà prononcés avant, mais cette fois, quelque chose est différent. Peut-être est-ce la douleur qui flotte encore dans l'air, ou peut-être est-ce le fait que tout, désormais, est à découvert. Mais une partie de moi, enfouie sous des couches de méfiance et de colère, veut le croire, veut saisir cette promesse.
Je me reprends, balayant ces pensées d'un geste invisible. Il n'y a pas de place pour la faiblesse, pas maintenant. La guerre qui se profile ne fera pas de cadeaux, et je dois être prête, aussi impitoyable que ceux qui m'attendent dans l'ombre.
- Bien. Dis-je, le regard ancré dans celui de Marco, mais cette réponse s'adresse à tous.
Je recule légèrement, réaffirmant ma posture de leader. Ils sont là, tous les cinq, et ils ont choisi de rester. Maintenant, c'est à moi de leur montrer que je suis digne de ce qu'ils ont accepté de suivre.
- Il est temps de vous dévoiler mon plan.
Ma voix se fait plus ferme, plus tranchante. Je leur dois la vérité, le plan complet. Pas de secrets. Plus maintenant. Leurs vies sont désormais liées à la mienne, et ce qui s'apprête à se dérouler sera bien plus qu'une simple bataille de territoires. C'est une guerre pour la survie, pour le pouvoir, et surtout, pour la vengeance.
Mon plan est le suivant. La pièce est chargée d'une tension palpable, chaque regard fixé sur moi, attendant mes instructions. Je prends une grande respiration, déterminée à exposer le chemin que nous allons emprunter.
- D'abord, Gabriel, commence-je en me tournant vers lui. Je veux voir ma mère. Les mots semblent lourds, mais je les lâche avec une fermeté qu'il est impossible d'ignorer. Je veux comprendre ce qu'elle sait réellement de ce pacte. C'est essentiel pour moi de déterrer toute vérité cachée, de démêler le réseau de mensonges et de manipulations qui entoure celui-ci. Sa perspective pourrait être la clé pour dévoiler les véritables intentions et les failles dans notre adversaire.
Je marque une pause, laissant le poids de ma déclaration s'installer. Le silence est assourdissant, mais je sais que c'est le moment de passer à l'étape suivante.
- Ensuite, nous les tuerons. Mes mots sont dépouillés de toute émotion, tranchants comme des lames. C'est aussi simple que cela. Nous devons éliminer tous les Draks, sans exception. Ils nous ont manipulés, ils ont joué avec nous comme des pions dans un jeu cruel et impitoyable. Il est temps que nous reprenions le contrôle et que nous leur rendions la monnaie de leur pièce.
Je vois les expressions se durcir autour de moi, des visages qui se ferment et des regards qui se durcissent. Le moment est crucial, et chaque mot compte.
- C'est à nous de faire de même, maintenant. Je les fixe un à un, mes yeux déterminés, mon ton empreint d'une résolution inflexible. Comment ? En leur faisant croire que le pacte sera respecté, bien sûr.
Je laisse un sourire calculateur étirer mes lèvres, un sourire qui cache des plans bien plus élaborés sous sa surface. Nous allons les tromper, les berner. En leur donnant l'impression que nous avons l'intention de respecter le pacte, nous gagnerons leur confiance, et c'est ainsi que nous pourrons frapper là où ça fait mal. Leur arrogance sera leur perte. Nous les ferons tomber de l'intérieur, en exploitant leur propre confiance contre eux.
Le regard de chaque membre de l'équipe se fait plus déterminer, une lueur d'anticipation dans les yeux. Nous avons maintenant un plan. Et ce plan, aussi audacieux qu'il soit, est notre seul chemin vers la victoire.
***
Marco
Nina est différente. Elle est plus forte maintenant, une force qui émane d'elle avec une intensité nouvelle. Mais sous cette carapace de détermination, je sais qu'il y a une fragilité qui pourrait se briser en éclats à tout moment. Son apparence résiliente masque des fissures profondes, des cicatrices invisibles qui ne demandent qu'à se dévoiler. Sa force est un masque tout aussi trompeur que les faux semblants que nous avons appris à déchiffrer.
Je savais que Miguel était manipulateur, c'était sa nature même. Son pouvoir résidait dans cette capacité insidieuse à contrôler les autres, à jouer avec leurs émotions comme un maître marionnettiste. Je savais qu'il était un monstre dans toute la mesure du terme, mais ce que j'ignorais, c'était l'ampleur de ce qui s'était réellement passé chez les Draks le jour où Nina s'était rendue chez eux pour conclure le pacte. Ce jour-là, Nina avait été trahie, et le résultat avait été bien au-delà de ce que je pouvais imaginer.
Je connaissais la fin de l'histoire, la violence qu'elle avait subie. Elle avait été brutalement tabassée, et les séquelles de cet affrontement l'avaient laissée six mois dans le coma. C'est moi qui ai été envoyée la chercher, à la demande de Miguel. Il voulait que je sois témoin du résultat de ma désobéissance, de l'effet dévastateur que j'avais eu en allant à l'encontre de ses ordres. Miguel voulait me faire ressentir le poids de mes actions, me plonger dans une culpabilité abyssale.
Il m'avait fallu affronter le spectacle déchirant de Nina, brisée mais vivante, me renvoyant une image cruelle de ce que j'avais engendré. C'était un message clair : la désobéissance n'était pas sans conséquence. Miguel voulait que je comprenne que ma rébellion avait un prix, que ce prix était élevé, et que la douleur infligée à Nina était une conséquence directe de ma décision. Ce fardeau, ce sentiment de culpabilité, ne me quitterait jamais complètement, et il était devenu une partie intégrante de ma réalité, aussi inéluctable que les conséquences de mes propres actes.
***
Six ans plus tôt
Miguel
- Ah Marco, celui que j'attendais. La voix de Miguel résonne dans la pièce avec une froideur calculée. Comment vas-tu ? Il se redresse légèrement, un sourire glacial se dessinant sur ses lèvres. J'ai appris, par certaines de mes nombreuses sources, que tu fréquentais ma fille. Ses yeux perçants se posent sur Marco, un éclat d'intention malveillante dans le regard. Tu sais ce que je m'apprête à te dire, n'est-ce pas ?
Marco, visiblement mal à l'aise sous le poids du regard de Miguel, tente de trouver les mots justes. Il sent une boule d'angoisse se former dans son estomac, chaque mot pesant comme un poids lourd sur ses épaules.
- Miguel, je... suis désolé. Ça ne se reproduira plus. Je vous l'assure. Sa voix tremble légèrement, malgré ses efforts pour maintenir une façade calme. Il est clair qu'il se débat avec la peur et la culpabilité, conscient de l'énormité de sa faute.
Je laisse échapper un rire qui résonne dans la pièce comme un coup de tonnerre. L'ironie de la situation n'échappe pas à Miguel, qui apprécie visiblement la détresse de Marco.
- J'espère bien que ça va se reproduire, Marco. Mon rire s'estompe en une voix tranchante. Sers-toi de ma fille pour obtenir le pouvoir que tu as toujours désiré. Je le regarde droit dans les yeux, mes paroles pesant lourdement dans l'air. Les Draks ne voudront jamais qu'il y ait quelqu'un d'autre qu'elle à la tête de notre clan. Je fais une pause, appréciant la confusion grandissante dans les yeux de Marco. Pourquoi ? A cause des relations professionnelles que j'entretiens avec eux. Si c'est Nina qui prend le pouvoir, tout leur garantit qu'elle restera leur alliée, en secret.
Marco semble perplexe, ses traits se durcissant à mesure qu'il assimile mes paroles. Il se redresse, tentant de dissimuler le trouble qui l'envahit.
- Chef, les Draks ne sont pas nos alliés, ce sont des ennemis. Sa voix est teintée de confusion et de défi, une lueur d'incertitude dans ses yeux.

- Marco, Marco... Mon enfant. Je le corrige doucement, presque avec une note de pitié. Les ennemis sont aussi des alliés parfois. Mon regard se fait plus sévère, mes mots lourds de sens.
- Que voulez-vous que je fasse ? Marco demande, une note de résignation perçant à travers sa voix. Il sait qu'il est pris au piège, qu'il n'a d'autre choix que de suivre mes ordres pour éviter une punition plus sévère.
- Nina doit tomber amoureuse de toi, Marco. Je le fixe intensément, mes mots choisis avec soin. Je veux la tester, voir si elle est assez forte pour rejoindre le clan qui sera le tien, plus tard. Ou si elle est trop faible, aveuglée par des sentiments. Mon regard se fait encore plus perçant. Je veux voir jusqu'où elle est prête à aller, par amour.
Les mots de Miguel résonnent dans l'esprit de Marco comme une sentence, accentuant son conflit intérieur. Il est tiraillé entre son désir sincère pour Nina et la manipulation cruelle qu'il doit orchestrer. Il sait que ses sentiments pourraient être exploités contre elle, et cela le déchire profondément. Sa détermination à ne pas échouer est mélangée à une profonde anxiété, chaque décision qu'il prend maintenant ayant le potentiel de bouleverser non seulement sa propre vie, mais aussi celle de Nina.
- Comment obtenir le pouvoir, M. Martins ?
La question de Marco est empreinte d'une anxiété palpable, un mélange de curiosité et de nervosité. Il regarde Miguel avec une impatience mêlée de respect, espérant obtenir des réponses claires à ses propres doutes et inquiétudes.
Miguel, avec une expression de satisfaction presque paternelle, se penche légèrement en avant, ses yeux scintillant d'une malice calculée. Il semble savourer le moment, le contrôle qu'il exerce sur la situation.
- C'est simple, mon garçon. Les Draks ont une vision précise du pouvoir et de la loyauté. Ils sont d'accord pour que tu prennes le pouvoir qui t'appartient à condition que Nina conclue un accord avec eux. Le ton de Miguel est à la fois ferme et intrigant, comme s'il dévoilait un secret précieux.
Il marque une pause, laissant le suspense s'installer avant de continuer.
- Nina devra s'engager à fournir un an de bon et loyaux services pour leur cause. Cette période est cruciale. Les Draks ont besoin de cette garantie pour s'assurer que leur influence restera intacte et que leurs propres intérêts seront protégés.
Miguel ajuste légèrement sa position, un sourire satisfait flottant sur ses lèvres. Il semble trouver un plaisir particulier à manipuler les fils du destin des autres, à orchestrer les événements selon ses propres désirs.
- En échange de cet engagement, ils te permettront de revendiquer le pouvoir que tu cherches. Mais rappelle-toi, Marco, tout est question d'équilibre et de confiance. Les Draks n'accordent leur loyauté qu'à ceux qui leur offrent quelque chose en retour. Si Nina accepte de les servir fidèlement, alors ils te verront comme le leader légitime, celui qui peut s'associer à eux dans un avenir partagé.
Il laisse les implications de ses paroles flotter dans l'air, conscient que Marco doit maintenant naviguer entre ses propres ambitions et les exigences de cet accord complexe.
***
Nina
Marco a demandé à me voir, et j'ai accepté sa demande, bien que je ne sois pas certaine de ce qu'il cherche à accomplir avec cette réunion. Il se tient devant moi, visiblement agité, son visage marqué par une sincérité douloureuse.
- Nina, commence-t-il d'une voix tremblante, s'il n'y avait pas eu notre rencontre, tu n'aurais jamais eu à souffrir ainsi. Je suis coupable d'avoir désobéi à Miguel. Et c'est toi qui en as payé le prix.
Ses yeux se baissent, visiblement affectés par la confession qu'il s'apprête à faire.
- Je suis profondément désolé. Mais le véritable fautif, c'est moi. J'ai suivi ses ordres au début, et j'ai eu l'audace de te suggérer qu'il fallait trouver une solution pour les Draks. J'ai été égoïste, avide de pouvoir, et tu étais prête à tout pour moi. Tu étais prête à t'offrir à cette bande de connards pour m'offrir ce dont j'ai toujours rêvé. Ton amour était plus fort que tout. Mais tu es devenue plus importante pour moi que le pouvoir, Nina Martins.
Il marque une pause, laissant ses mots s'imprégner de toute leur gravité.
- Pour me punir d'avoir failli à ma tâche, en refusant de tuer Miranda comme je devais le faire, ton père a demandé aux Draks de s'en prendre à toi lorsque tu es allée chez eux pour conclure ce pacte. Je n'avais aucune idée de ce qui s'était réellement passé sur place, mais Miguel a exigé que j'aille te chercher. Il voulait me montrer les conséquences de mon refus, maintenir son emprise sur moi.
Marco ferme les yeux un instant, comme s'il tente de chasser les images douloureuses de son esprit.
- Je t'ai vue, Nina. Tu étais presque morte. Du sang coulait de tes jambes, de ta tête. Tu étais dans un état catastrophique. C'est une vision que je ne pourrai jamais oublier. Et je n'ai pas pu te protéger, je n'ai pas pu éviter ce cauchemar.
Sa voix se brise légèrement, la douleur de ses aveux rendant chaque mot plus lourd, plus sincère. Il semble épuisé par la lourdeur de son propre fardeau, espérant peut-être que ses paroles puissent un jour atténuer un peu la souffrance qu'il a causée.
- Et jusqu'à ce moment précis, je suis sûr qu'il voulait encore me faire souffrir, Nina. ​Miguel ne m'a jamais dit que tu avais été abusée. Il savait que rien d'autre n'aurait pu me faire plus de mal que d'apprendre ce que ces salauds t'ont fait. Mais il ne m'a rien dit, Nina. ​C'était une stratégie délibérée pour que j'apprenne la vérité de ta bouche, pour que je me sente toujours indigne de toi, pour éroder encore plus notre amour.
Marco laisse échapper un soupir lourd de chagrin et de frustration. Ses yeux, généralement si résolus, trahissent une vulnérabilité profonde. Il regarde Nina avec une intensité qui semble à la fois implorer et accuser, cherchant peut-être un réconfort ou une rédemption dans ses yeux.
- Miguel savait exactement ce qu'il faisait, chaque mouvement, chaque décision était calculé pour m'enfoncer davantage. Il a joué avec mes émotions, avec ma conscience. Il a voulu que chaque mot de ta souffrance me hante, que chaque détail me détruise encore plus. Et même maintenant, malgré tout ce que nous avons traversé, il continue d'étendre son ombre sur nous. ​Même dans la mort, les pions de ton père sont toujours en jeu, prêts à briser ce qu'il reste de nous.
Marco se détourne légèrement, la colère et la douleur se mêlant sur son visage. Ses mains tremblent légèrement, une réaction physique à l'angoisse intérieure qui l'envahit. Chaque mot semble résonner comme un cri de désespoir, une confession brutale des profondeurs de sa culpabilité et de sa colère.
***
Nina
Je savais déjà tout ce que Marco était en train de me dire, ou presque. J'avais entendu les détails de cette torture psychologique de la bouche de mon père, et maintenant, entendre Marco les répéter ne faisait qu'accentuer la profondeur de la manipulation dont nous avions tous deux été victimes.
Voir Marco se déchirer ainsi, confesser sa propre douleur et sa culpabilité, me révèle à quel point il a été manipulé, tout comme moi. Je perçois dans ses yeux un reflet de ma propre souffrance, une douleur qui semble aussi inextinguible que la mienne.
Il est évident que son cœur est aussi détruit que le mien. La manière dont il parle, chaque mot chargé d'émotion, révèle un homme brisé par les mêmes forces obscures qui m'ont anéantie. Sa souffrance mentale semble interminable, une épreuve incessante qui ne cessera pas tant que la mienne ne se sera pas estompée.
Je comprends maintenant que notre douleur est intrinsèquement liée, que les chaînes de la manipulation et du chantage affectent non seulement nos actions mais aussi nos esprits. Les mots de Marco ne font que renforcer ce que j'avais déjà pressenti : nous sommes tous deux les victimes d'une machination plus grande que nous, et notre chemin vers la guérison semble aussi compliqué et tortueux que la route vers la vengeance.
Le visage de Marco se remplit soudain de larmes, une déchirure émotionnelle que je n'avais jamais vue auparavant. Ses yeux, d'ordinaire si résolus et impassibles, sont maintenant inondés de larmes qui coulent librement, dévalant ses joues comme un torrent ininterrompu. Il essaie de les essuyer d'un geste distrait, mais chaque tentative semble vaincre son propre contrôle.
Voir Marco pleurer, c'est comme découvrir une facette totalement inconnue de lui. Jusqu'à ce moment, il avait toujours maintenu une façade de force et de détermination, une carapace qui le protégeait des autres et de lui-même. Mais maintenant, cette façade se brise, révélant une vulnérabilité brutale et poignante.
Les larmes qu'il verse ne sont pas simplement des gouttes d'eau ; elles portent avec elles tout le poids de sa culpabilité, de son regret et de sa douleur. C'est un spectacle bouleversant qui me touche profondément, me faisant réaliser à quel point il est humain, malgré tout ce qu'il a essayé de cacher.
Dans ces larmes, je vois la trace de son propre chagrin, de son combat intérieur pour se pardonner, et je me rends compte que nous partageons plus que de la douleur physique ; nous partageons une détresse émotionnelle qui nous lie de manière indissociable. Le spectacle de sa vulnérabilité me touche et renforce l'intensité de notre connexion, tout en accentuant la profondeur de notre souffrance commune.
- Je suis tellement désolée, Nina. Tellement.. J'aurais dû me tirer une balle, pour t'épargner toute cette souffrance. J'aurais dû mourir à ta place, murmure-t-il, sa voix brisée par une douleur poignante.
Ses paroles sont chargées de remords et de désespoir, chaque mot résonnant avec une intensité qui semble percer le mur de froideur qu'il avait toujours su maintenir. L'aveu de Marco est lourd de regret, et je peux sentir la profondeur de sa culpabilité à chaque syllabe.
Sans réfléchir, je le prends dans mes bras, me hissant contre lui comme un refuge dans cette tempête émotionnelle. Sa réaction est immédiate et presque désespérée ; il me serre fort, tellement fort que je sens presque la douleur dans ses bras, une douleur qu'il semble vouloir me transmettre pour partager le poids de sa culpabilité.
Cette étreinte est plus qu'un simple geste de consolation ; c'est un cri du cœur, un élan de désespoir qui transcende les mots. La chaleur de son corps contre le mien contraste avec la froideur de ses larmes, et je sens sa détresse se répercuter à travers chaque fibre de mon être. Son étreinte est une tentative de se racheter, de compenser les années de souffrance qu'il estime avoir causées, mais elle est aussi une tentative de trouver un semblant de paix dans un monde chaotique.
Je ne dis rien, ne trouvant pas les mots pour apaiser sa douleur ou pour exprimer la complexité de mes propres sentiments. Nous sommes là, enlacés dans un moment suspendu où les paroles semblent superflues. Cette étreinte devient un symbole de notre désespoir commun, un refuge temporaire où nos souffrances se rencontrent et se fondent.
Dans cet instant de vulnérabilité partagée, je ressens la profondeur de son regret et la force de son désir de réparation. Nous sommes deux âmes brisées cherchant une forme de réconfort, même si nous savons que la douleur ne disparaîtra pas simplement à travers un contact physique. Pourtant, cette étreinte, aussi désespérée soit-elle, est un témoignage silencieux de notre connexion et de notre besoin mutuel de comprendre et de guérir.
- Mon amour pour toi est un fardeau lourd à porter, une douleur que je chéris car elle est le reflet de la profondeur de mes sentiments. Chaque battement de mon cœur est un rappel cruel de la souffrance que je t'ai infligée, Nina, et chaque larme que je verse est une confession silencieuse de mon regret. Aimer quelqu'un comme je t'aime est à la fois ma plus grande joie et ma plus profonde torture, un paradoxe où l'amour et la douleur se mêlent pour créer une mélancolie éternelle.
Les mots qu'il prononce sont les tristes conséquences d'une réalité que nous avions tenté d'ignorer. Chaque phrase, chaque aveu, semble creuser plus profondément le fossé entre nos espoirs et la réalité crue. Cette confession déchirante révèle la profondeur de sa douleur et le poids écrasant de la culpabilité, un poids que nous avons partagé et porté en silence. Ce moment de faiblesse et de vulnérabilité entre nous, ce fragile instant où nos âmes se rencontrent dans une tristesse commune, est soudainement interrompu par le son strident de mon téléphone.
Je le prends en main, l'écran illuminant la pièce d'une lumière froide et impersonnelle. C'est un message de Gabriel. Les mots s'affichent clairement, mais leur signification résonne comme un coup de tonnerre dans notre ambiance déjà chargée :
« Rendez-vous au parc Cinévia dans une heure. Ta mère t'attendra devant la grande fontaine. »
Le message est succinct mais porteur de tant de implications. La mention du parc Cinévia et de la grande fontaine évoque des souvenirs et des sentiments que je pensais enfouis sous les couches de douleur et de déception. C'était le parc ou nous allions quand j'étais petite. Il est relativement petit, mais il y a des jeux pour les enfants. C'est un endroit calme où il n'y a que peu de monde.
Mon cœur se serre en pensant à la rencontre imminente, à la charge émotionnelle que cet endroit pourrait réveiller.
Je me tourne vers Marco, ses yeux encore humides, cherchant une dernière trace de réconfort dans cette confrontation désespérée. Nous devons faire face à cette nouvelle réalité, et cette réunion avec ma mère pourrait être le début d'une autre épreuve. Le contraste entre notre intimité fragile et l'appel à l'action extérieur me ramène brutalement à la réalité des choix que nous devons encore affronter.

Fragment de Pouvoir {DARK ROMANCE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant