Chapitre 18 : L'emprise de l'ombre

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Nina

Ma mère m'attend comme convenu près de la grande fontaine, un endroit où l'eau scintille sous les rayons du soleil couchant, projetant des éclats de lumière dans les arbres environnants. Son visage est marqué par l'inquiétude et l'espoir, comme si elle avait attendu ce moment avec une attente mêlée de craintes non exprimées.
Lorsque je m'approche, elle ouvre les bras dans un geste qui, malgré tout ce qui a été dit et fait, reste empreint de tendresse maternelle. Je me laisse prendre dans son étreinte, le contact de ses bras autour de moi étant à la fois familier et distant. Je ne lui rends pas son étreinte, gardant une certaine distance émotionnelle, mais je ne la repousse pas non plus. C'est une sorte de compromis, un espace intermédiaire entre l'affection et la retenue.
- Nina, comment vas-tu, ma fille ? demande-t-elle, sa voix pleine de sollicitude mais teintée d'une inquiétude palpable.
- Papa est mort, répondis-je simplement, mes mots tombant comme des pierres dans l'eau tranquille de la fontaine. La déclaration est faite avec une froideur qui contraste avec la chaleur de l'après-midi, comme si l'annonce elle-même cherchait à déconnecter toute émotion brute.
Elle me regarde avec un étonnement sincère, ses yeux s'élargissant légèrement, trahissant une surprise que je perçois malgré ma réserve. Elle semble chercher à comprendre l'impact de cette nouvelle sur moi, mais je vois aussi une lueur de tristesse et de résignation dans son regard.
Je décide de ne lui dévoiler que ce que j'ai envie de partager. Après tout, dans un monde où la trahison semble être la norme et la loyauté un concept fragile, j'ai appris à me méfier de tout le monde, y compris des personnes les plus proches. Ma vie a été marquée par des mensonges et des manipulations, et chaque information que je transmets est soigneusement pesée et filtrée. Dans ce moment d'intimité fragile, je garde une part de moi-même en retrait, consciente que chaque mot peut ouvrir des portes que je préfère laisser fermer.
Le murmure apaisant de l'eau de la fontaine semble accompagner notre silence, créant une atmosphère presque irréelle où nos interactions se déroulent à la frontière de la vérité et du non-dit.
- Comment ça, papa est mort, Nina ? Comment est-ce possible ? demande-t-elle, sa voix tremblante d'incrédulité et de désespoir. Les mots sortent avec une lenteur pesante, comme si chaque syllabe nécessitait une immense force pour être prononcée.
Je me tourne légèrement pour faire face à elle, le visage impassible malgré la turbulence intérieure que cette confrontation génère. Il est temps pour moi de parler, mais de le faire à ma manière, en contrôlant les informations que je partage.
- Je me suis assurée qu'il ne puisse plus faire de mal à personne, dis-je d'une voix ferme, mais teintée d'une froideur déterminée. Il m'a trahie, il t'a trahie. Il est hors de cause et désormais, il ne fera plus de mal à personne.
Je le dis avec une résolution qui masque les émotions complexes que je ressens. Mon père est devenu une figure de trahison et de souffrance, et j'ai pris les mesures nécessaires pour qu'il ne puisse plus influencer nos vies de manière néfaste.
Les yeux de Valéria se remplissent soudainement de larmes, des gouttes argentées qui glissent lentement sur ses joues. Cette réaction me surprend, et je la scrute avec une confusion mêlée de scepticisme. Comment peut-elle pleurer un homme qui, par ses actes et ses choix, a causé tant de souffrances et de douleurs ?
Sa douleur est palpable, presque incompréhensible pour moi dans le contexte de la trahison et de la cruauté dont il a été l'auteur. Il est difficile de comprendre comment une mère peut éprouver une telle peine pour celui qui, en fin de compte, a brisé notre famille et orchestré des actes de cruauté. Sa tristesse semble presque incongrue par rapport à l'image que j'ai d'un homme dont les actions ont été uniquement destructrices.
Les larmes de Valéria tombent comme des éclats d'un ciel déchiré, chacune portant un poids de souvenirs et de regrets que je ne peux pleinement comprendre. Je me demande si, derrière cette douleur apparente, se cachent des souvenirs heureux ou des regrets personnels qui lient encore son cœur à celui de mon père, malgré les blessures infligées.
Dans ce moment suspendu, où les larmes de ma mère se mêlent au murmure apaisant de la fontaine, je ressens une profonde dissonance entre la tristesse apparente et la réalité dure des actions passées. Ce décalage entre notre douleur et la peine manifestée me laisse avec un sentiment de mélancolie et de confusion, alors que nous nous tenons là, côte à côte, mais émotionnellement distantes.
- Je ne suis pas là pour te voir pleurer un monstre, Valéria. Que sais-tu sur le pacte qui m'unit aux Draks ? ma voix se fait tranchante, empreinte d'une colère froide et contenue. Cette question, posée avec une détermination inflexible, révèle la frustration accumulée par les mois de trahison et de manipulation.
Valéria, le visage encore empreint de larmes, tente de reprendre contenance. Elle respire profondément, comme pour se préparer à la vérité que je suis sur le point de découvrir.
- Pas grand-chose, Nina, répond-elle d'une voix tremblante, mais avec un fond de résignation. Tu avais conclu ce pacte et tu dois le respecter.
Ses mots tombent comme des pierres dans un puits profond, leur écho résonnant avec une amertume que je peine à contenir. La dernière fois qu'elle avait abordé le sujet, elle avait insinué que c'était mon père qui avait conclu ce pacte, me laissant dans une brume de confusion et de méfiance. Mais maintenant, la vérité est implacable. Elle savait, elle savait que c'était moi qui avais pris cette décision, pas lui.
Mes yeux se remplissent de rage, une colère brûlante qui monte en moi comme une vague déferlante. Chaque instant de manipulation, chaque moment où j'ai été trompée par ceux en qui j'avais placé ma confiance, semble condenser dans cette déception cruelle. La révélation que ma propre mère connaissait la vérité, tout en continuant à jouer le jeu de l'innocente, me bouleverse au plus haut point.
Je vois en elle non seulement la figure maternelle que j'ai toujours respectée et dont on m'a privée, mais aussi une complicité silencieuse avec les Draks. Les larmes qu'elle verse sont celles de quelqu'un qui se trahit elle-même, une façade fragile qu'elle maintient en place, alors qu'elle sait parfaitement ce qu'elle cache.
La découverte que Valéria était consciente du véritable auteur du pacte fait éclater ma colère en éclats de verre aiguisés. Chaque mot, chaque geste devient chargé d'une rage contenue, une colère nourrie par les mensonges et les secrets enfouis. Je fais un pas en avant, mon regard dur et perçant, exigeant une vérité qui semble de plus en plus difficile à déterrer dans ce labyrinthe de tromperie.
- Pourquoi m'as-tu menti, Valéria ? murmuré-je, la voix étranglée par une émotion tumultueuse. Pourquoi m'as-tu caché la vérité ?
- Tu as pensé à ce que ton père pouvait me faire, Nina ? me dit-elle, sa voix tremblante d'angoisse et de regret. Je ne pouvais rien te révéler. Il voulait que la vérité éclate de sa bouche, et de celle de personne d'autre. J'avais peur, Nina. Il m'avait déjà vendu et condamnée à mort ; il aurait pu me faire bien pire.
Valéria semble se dérober sous le poids de ses propres révélations, chaque mot qu'elle prononce résonnant comme une confession douloureuse. Ses yeux, encore pleins de larmes, cherchent désespérément à capter ma compréhension, même si elle sait que la confiance est désormais difficile à établir. Sa voix tremble, non seulement de chagrin mais aussi de la peur qu'elle ressentait face à la menace constante que représentait mon père.
- Je comprends que tu aies eu peur, dis-je, mes émotions fluctuantes entre l'empathie et la colère. Mais la vérité aurait pu nous libérer, même si elle aurait été douloureuse. La tromperie et le silence n'ont fait qu'aggraver la situation.
Valéria baisse les yeux, et ses épaules se secouent légèrement, comme si elle était alourdie par le poids des années de peur et de soumission. Les souvenirs de ses propres souffrances et de la manipulation de mon père semblent s'imposer à elle, et je vois une étincelle de résignation et de regret dans ses yeux. Sa peur est palpable, comme un écho du passé qui continue de résonner dans le présent.
- Il m'a toujours manipulée, continue-t-elle, sa voix à peine plus qu'un murmure. J'ai vécu dans la crainte constante de ce qu'il pouvait me faire. Sa colère, ses menaces... Je savais que tout ce qu'il voulait était me voir souffrir encore plus. Il était capable de tout, Nina, et j'étais à sa merci.
Son admission m'atteint profondément, même si je lutte pour rester froide et détachée. La douleur de sa confession est à la fois une explication et une excuse, et je dois faire face à la complexité des émotions qui en résultent. Sa peur était réelle, mais la vérité, bien que douloureuse, aurait pu nous donner une chance de changer le cours des événements.
Le silence entre nous devient lourd, chargé des non-dits et des vérités malheureuses. La fontaine derrière nous continue de murmurer, un bruit apaisant qui contraste avec la tension palpable de notre échange. Je sais que le chemin vers la réconciliation et la vérité est encore long et semé d'embûches, mais il est crucial de le parcourir, pour enfin comprendre et affronter la réalité de ce qui a été caché.
Je me rends compte à travers ses paroles que, malgré son apparente détresse, Valéria reste profondément liée aux Draks. Son statut actuel de dirigeante et sa loyauté envers eux sont clairs, même si elle tente de me convaincre du contraire. Sa peur est palpable, mais la vérité est encore plus révélatrice : elle est restée fidèle à ses propres alliances, les Draks étant désormais au sommet de ses priorités. En d'autres termes, elle suit les mêmes chemins sinueux et manipulatoires que ceux de mon père.
Alors, avec une froide détermination, je décide de jouer la même carte que mon père : je mets en œuvre un plan élaboré pour la déstabiliser et la faire baisser sa garde. Je veux qu'elle croie en la sincérité de mes intentions, même si chaque mot et chaque geste sont calculés pour servir un objectif plus vaste.
- Le pacte sera tenu, Valéria. Ne t'en fais pas pour ça, dis-je d'un ton calme, presque rassurant, en essayant de masquer la froideur et la stratégie derrière mes paroles.
Je m'efforce d'adopter une posture de confiance et de contrôle, feignant une sérénité qui contraste avec la tempête intérieure que je traverse. Mon objectif est de créer une illusion de loyauté pour qu'elle puisse s'abandonner à un sentiment de sécurité trompeuse. Si je réussis à la convaincre que mes intentions sont honorables, elle sera plus vulnérable aux coups que je m'apprête à lui porter.
Valéria, les yeux encore embués de larmes, semble baisser sa garde, sa posture se détendant légèrement. La tension dans ses épaules diminue, et elle accepte mes paroles avec un soupçon de soulagement. Elle semble presque croire que la paix peut encore être atteinte, que la loyauté peut encore être respectée. Cependant, je sais que cette confiance sera le fondement sur lequel je construirai ma propre victoire.
Je la regarde, déterminée à continuer ce jeu de dupes. La réalité de notre situation est telle que, pour avancer, je dois manipuler et contrôler chaque interaction avec une précision froide. Le plan est en marche, et chaque mouvement doit être soigneusement orchestré pour atteindre l'objectif final. La voie est encore semée d'embûches, mais je suis prête à suivre ce chemin jusqu'au bout, pour finalement déjouer les attentes et les manipulations des Draks et de ma propre mère.
Il ne fait aucun doute que Valéria est encore terrifiée par l'ombre de mon père, une peur qui persiste même au-delà de sa mort. Sa crainte semble aussi palpable que si mon père était encore parmi nous, capable de manipuler et d'imposer sa volonté. Les années de soumission et de terreur qu'elle a subies ont laissé des cicatrices profondes, et ses réactions, même face à ma propre présence, révèlent une anxiété omniprésente.
Chaque mot qu'elle prononce, chaque geste, trahit une peur viscérale qui dépasse la simple réaction émotionnelle. On dirait que, malgré sa position actuelle et son statut de cheffe des Draks, la peur de mon père est restée enracinée en elle comme une ombre persistante. Elle est tellement marquée par son influence qu'elle semble incapable de se détacher complètement de la terreur qu'il inspirait. Ses regards furtifs, ses hésitations, et même la tremblante inflexion de sa voix montrent qu'elle vit encore dans l'angoisse des répercussions que pourraient avoir ses actions passées.
Cette peur est comme une chape de plomb qui pèse sur elle, un vestige du pouvoir et du contrôle que mon père exerçait sur elle. C'est une peur irrationnelle et dévorante, un écho du passé qui continue de régir ses actions et ses pensées. Même maintenant, alors que mon père est mort et que la menace directe n'existe plus, les fantômes de ses manipulations continuent de hanter Valéria, comme si son esprit était encore pris au piège dans les rets de son influence malveillante.
Elle semble incapable de se libérer complètement de ce fardeau, ce qui est presque tragique. Ses efforts pour maintenir une façade de contrôle et de pouvoir sont constamment minés par cette peur persistante. Il est clair que, même dans la mort, mon père reste une force redoutable qui continue de modeler les vies autour de lui. Et cette compréhension renforce ma détermination à manipuler la situation à mon avantage, en exploitant la vulnérabilité laissée par l'influence de mon père sur Valéria.
On dit souvent que les actes que nous avons commis nous poursuivent bien au-delà de notre dernière respiration. C'est exactement ce que mon père recherchait : maintenir un contrôle total et implacable, même après sa mort. Il a voulu que sa présence persiste comme une ombre menaçante, et que ses actions continuent de peser sur ceux qu'il a laissés derrière lui. La vérité est que ses crimes et manipulations n'ont pas cessé avec son dernier souffle ; au contraire, ils se sont enracinés dans les vies et les esprits de ceux qui ont connu son pouvoir. Mon père a planifié chaque mouvement avec une précision diabolique, non seulement pour dominer pendant sa vie, mais aussi pour s'assurer que son emprise ne faiblisse jamais. Son désir était de façonner un héritage de peur et de contrôle si profond que, même dans la mort, il pourrait encore tirer les ficelles de nos destinées. C'est ce poison, ce fardeau du passé, qui continue de nous poursuivre, et il est de notre devoir de briser ces chaînes pour enfin nous libérer de son ombre omniprésente.

Fragment de Pouvoir {DARK ROMANCE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant