Chapitre 3 : Les cendres du passé

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Nina
Je dors paisiblement, enveloppée dans le cocon de la soie de mon bandeau, lorsque le calme de la nuit est brusquement interrompu. Un bruit sourd me tire de mon sommeil : une porte qui s'ouvre, des pas qui résonnent dans le silence feutré de la chambre. Mon cœur rate un battement, et une vague d'adrénaline envahit mes veines, me réveillant brusquement.
La peur s'installe rapidement, froide et pressante. Et si c'était les Draks qui venaient pour moi ? Un frisson d'angoisse me parcourt, et je me rends compte avec horreur que je n'ai même pas une arme à portée de main. Une arme... même si j'en avais une, serais-je capable de m'en servir ? La simple pensée de devoir affronter un danger me terrifie. L'idée de me retrouver face à une menace sans pouvoir me défendre est presque insupportable.
Les bruits de pas se rapprochent, et la terreur m'envahit. Je me blottis sous mes couvertures, retenant ma respiration. L'angoisse se mêle à la confusion alors que mon esprit s'emballe, cherchant des réponses à ce qui se passe. Le silence est à présent interrompu par des coups réguliers et insistants à la porte de ma chambre. Chaque coup semble amplifié, résonnant dans l'obscurité, comme une menace imminente. Si quelqu'un avait l'intention de me tuer, ils ne prendraient pas la peine de frapper à la porte, n'est-ce pas ?
Je serre les dents, essayant de calmer mon souffle erratique. L'incertitude est une ennemie aussi redoutable que la peur elle-même. Les coups continuent, et chaque écho dans la pièce semble amplifier ma panique. Le poids de la situation m'écrase, et je me demande si quelqu'un va entrer et si je serai prête à faire face à ce qui m'attend.
Je me demande si mes craintes sont fondées ou si mon imagination exacerbe les bruits nocturnes. Peut-être que je me fais des films, que tout cela n'est qu'une illusion alimentée par ma propre terreur. Mais, alors que les coups résonnent encore, je me rends compte que je suis paralysée par la peur. Que faire ? Rester cachée sous les draps ou tenter de comprendre la source de ce bruit inquiétant ? J'entends quelqu'un entrer dans ma chambre.
- Marco, bordel. On ne t'a pas appris à ne pas déranger une femme qui dort ?
Je réalise alors que je porte une nuisette, très courte, et je me jette sous les draps, tentant de me couvrir. Le rouge me monte aux joues, mélange d'embarras et de colère.
- Non on ne m'a pas appris, ma douce. Je suis au regret de t'informer que les femmes ne dorment pas avec moi, dans un lit, ni tout court d'ailleurs. Et notre réunion matinale ? me dit-il, un ton moqueur dans la voix.
- Il n'est que six heures, soupire-je, essayant de masquer ma confusion sous un air détaché.
- Pas besoin de te cacher, ma douce. J'en ai vu des centaines, et tu ne m'intéresses pas le moins du monde, pas plus qu'hier.
Je sais qu'il ment. Mon dieu, ce qu'il est beau et ce que je ne ferais pas pour qu'il vienne se glisser sous mes draps et enfin le sentir contre moi, après toutes ces années...
- Parce que tu crois que tu mérites qu'une femme comme moi s'intéresse à toi ? J'aime les hommes qui se battent pour ce qu'ils veulent, pas les mauviettes dans ton genre.
Je réalise que mes mots ont été un peu durs. Il s'approche de mon lit, la mâchoire serrée, et s'allonge à mes côtés, plaçant ses bras de chaque côté de ma tête, en bloquant mes poignets. ​Son corps écrase le mien, et son souffle chaud touche mon front. Mon pouls s'accélère, battant à la cadence de son rapprochement. Mon dieu, ce qu'il est beau.
- Qu'est-ce que tu insinues, ma douce ?
Je sais exactement où elle veut en venir. Elle pense qu'à l'époque, j'aurais pu défier la volonté de son père pour elle. Mais je ne pouvais pas. Faire cela aurait mis notre sécurité en danger. J'étais contrainte de protéger le clan, de la protéger, même si cela signifiait rester en retrait.
- Tu... on...
Je n'arrive pas à articuler, déstabilisée par la proximité de ses lèvres. Son regard sombre et intense me captive, m'incitant à me noyer dans ses profondeurs. Je parviens enfin à me reprendre et poursuis, la voix tremblante :
- Je n'étais rien pour toi, Marco ?
- Si, Nina. Tu étais un défi : le défi d'une vie. Une petite princesse à sortir de son innocence. Un interdit que je voulais braver, pour me prouver que je le pouvais. Maintenant, habille-toi, à moins que tu veuilles aller à la réunion avec les fesses à moitié à l'air, remarque, ça ne déplaira pas à Enzo.
La réunion... j'avais presque oublié. J'aurais aimé l'oublier. Les mots de Marco sont comme des lames de rasoir pour moi, coupant à travers mon masque de calme. Il me fait mal. Très mal.
Il le sait.
Il le sent.
Il s'en fout.
« Les sentiments n'ont pas leur place dans ce monde, Nina. »
Les paroles de mon père résonnent avec une vérité glaciale, plus poignante que jamais. Dans ce monde, les monstres n'ont pas la capacité d'aimer. Ils sont incapables de ressentir autre chose que la froideur du pouvoir et du contrôle.
***
Marco
Je suis un monstre. Un vrai monstre. J'ai appris à tuer des gens de sang-froid, à éliminer des innocents sans le moindre remords. Mon lit a été partagé avec un nombre incalculable de femmes, et je n'ai jamais éprouvé la moindre émotion pour elles. Je ne les ai même pas embrassées. Chaque rencontre était une simple transaction, un échange sans importance.
Mais elle, c'est différent. Nina est différente. Depuis le début, j'ai ressenti un désir incommensurable de la protéger, de la chérir, de la faire mienne. C'est un désir qui va au-delà de la simple attirance physique. C'est une aspiration profonde à lui offrir quelque chose de vrai, malgré tout le chaos qui nous entoure. Mais je m'y refuse. Pas dans ces conditions. Pas comme ça, avec tous ces secrets qui pèsent sur nos épaules. Pas avec ce que je dois accomplir, les sacrifices que je dois faire.
Je suis enfermé dans un rôle que je ne peux pas abandonner. Je dois être capable de remplir les attentes qui pèsent sur moi. Je dois être l'homme que je suis censé être pour enfin trouver ma place dans ce monde impitoyable. Tout ce que j'ai fait, tout ce que je suis devenu, c'est pour atteindre cet objectif.
Je la vois descendre les escaliers de sa chambre, sa démarche élégante et déterminée. Elle porte une robe rouge, une couleur qui fait ressortir la beauté de ses lèvres et l'éclat de son regard. Elle est magnifique, putain. Sa beauté me rend fou.
Elle entre dans le bureau, et je la suis du regard, observant chaque mouvement, chaque geste. ​Sa présence est une source de confusion et de désir. Mon cœur se serre à l'idée qu'elle puisse être mienne, mais aussi à celle que je dois la garder à distance. Il y a quelque chose de profondément tragique dans le fait que je la désire autant et que je sois contraint de rester en retrait.
Je sais que mon désir pour elle pourrait me faire perdre tout ce pour quoi j'ai travaillé. Dans ce monde, les sentiments sont une faiblesse, une faille qui peut être exploitée. Et je ne peux pas me permettre de faillir. Je dois rester concentré, faire ce qu'on attend de moi, même si cela signifie ignorer l'attrait qu'elle exerce sur moi.
Elle se tient maintenant devant moi, me regardant avec une intensité que je ne peux ignorer. ​Son regard est un mélange de défi et de vulnérabilité, et je me demande si elle ressent ce que je ressens, si elle perçoit le désir que je tente de cacher. Mais je ne peux pas céder à cette tentation. Pas maintenant, pas avant que tout soit réglé.
Je prends une profonde inspiration, essayant de chasser les pensées troublantes qui envahissent mon esprit. Je dois me rappeler pourquoi je suis ici, quel est mon but. Mais malgré tous mes efforts pour rester stoïque, je sais que chaque instant passé à la regarder, chaque mot échangé, renforce le désir intense que je ressens pour elle. Un désir qui pourrait tout effacer.
***
La réunion commence, et l'atmosphère est déjà électrique. Nina entre dans le bureau, arborant un air de défi. Son retard est une nouvelle provocation pour certains, mais Marco sens une tension plus profonde sous-jacente. Nina leurs balances, d'un air fier :
- Je n'avais pas envie de vous attendre, cette fois. Alors c'est moi qui suis en retard.
Enzo ne peut s'empêcher de lancer une remarque virulente.
- Tu commences à comprendre, quelle garce ! Tu m'impressionnes.
Nina s'avance vers Enzo avec une rapidité qui laisse peu de place à la réflexion. Sa présence est imposante et chargée de menace. Elle se place si près qu'elle peut sentir son souffle, sa voix est un murmure menaçant.
- La prochaine fois, la garce te fera avaler ta langue si tu l'insultes encore une fois, c'est compris ?
Enzo, pris au dépourvu, se fige. Le petit dernier, réagissant aux tensions croissantes, tente de désamorcer la situation avec une remarque légère.
- Belle, bonne, autoritaire et fougueuse. Tout ce qu'on aime.
Mais Marco, déjà irrité par la situation, ne supporte pas que quelqu'un ose toucher à ce qui lui appartient, même par le biais de simples mots. Il s'avance avec une froideur déterminée, son visage se ferme dans une expression sévère.
- Tu aimerais qu'on parle comme ça de ta mère, sale fils de pute ? La prochaine fois que tu lui manques de respect, je te tue. Tu as bien compris ?
Le ton menaçant et la violence sous-jacente de Marco font trembler Enzo mais la réponse de ce dernier révèle une menace encore plus grave, une trahison qui fait frémir le bureau.
- Tu oses la défendre alors que tu as de l'intérêt pour ce qu'elle peut t'apporter ? Et c'est à moi que tu parles de respect ? Nina n'est pas ton objet, Marco. Elle n'est pas un outil à manipuler pour assouvir tes ambitions.
Marco est pris de rage, sa main se tend vers Enzo, prêt à en découdre. Il n'est pas seulement en colère contre Gabriel, mais contre quiconque ose s'attaquer à Nina, qu'il considère comme sa propriété, son obsession secrète.
- Tu veux que je t'arrache la langue, sale merde ?
Le conflit éclate, et Nina, bien que visiblement troublée par l'échange, prend les choses en main.
- Ça suffit, vous deux !
Marco ne supporte pas l'idée que quelqu'un puisse poser ses yeux sur sa promise, et ce mélange de désir et de colère est presque palpable. Il essaie de maîtriser sa frustration, mais chaque insulte, chaque regard porté sur elle, renforce son sentiment possessif et son désir. Il est tiraillé entre l'ardeur qu'il ressent pour elle et la nécessité de préserver son image et son contrôle.
- Nous sommes ici pour élaborer une stratégie pour neutraliser les Draks, pas pour débattre d'avec qui je coucherais en premier ! Nina à une voix désespérée, le poids du pouvoir lui colle à la peau.
- Et te sauver d'une mort certaine, rétorque Giovanni. D'ailleurs, je parie sur Enzo pour la question d'avec qui tu coucheras en premier.
Marco lui lance un regard assassin.
- Merci de me le rappeler, Gio. Je peux t'appeler Gio ? De toute façon, je ne te laisse pas le choix.
Giovanni soupire, conscient que Nina ne lâchera pas prise.
Gabriel, essayant de recentrer la conversation vers notre mission principale, prend la parole :
- Il faut neutraliser leurs chefs avant qu'ils nous trouvent en premier.
- On leur déclarerait la guerre dans ce cas. Lui répondis Vincenzo.
- Si on leur déclare la guerre, on met Nina en danger. Ils la veulent. Ils veulent sa tête, selon les informations qu'on a grâce à Miguel.
Marco se tend davantage à chaque mention du danger que courre Nina. Son désir de la protéger se mélange à sa rage contre quiconque menace sa sécurité. La tension dans la pièce est palpable, et Marco sait qu'il doit agir. Il n'est pas prêt à la laisser, ou quoi que ce soit qu'il considère comme précieux, se faire détruire.
- On les laisse venir à nous. Et quand ils seront là, nous serons préparés. Et nous éliminerons leur chef.
La voix de Nina sonne comme un élan de désespoir, elle veut éviter de se confronter à la guerre trop rapidement.
- On va t'apprendre à te servir d'une arme. Nous n'avons plus de temps à perdre. Allons-y. Déclare Marco, qui peine à garder son calme face à la situation.
Il se dirige vers la sortie, le regard dur et déterminé. Nina le suit, et malgré la froideur de la situation, Marco ne peut détacher son regard d'elle. Chaque mouvement, chaque expression renforce son désir et sa frustration. Il est tiraillé entre la nécessité de la protéger et le désir brûlant qu'il ressent pour elle.
***
Nina
Les autres membres du clan quittent la salle, laissant Marco et moi seuls. Je sens son étreinte, sa main ferme autour de la mienne, me conduisant vers la salle des armes. Chaque pas que nous faisons ensemble fait monter en moi un mélange d'excitation et d'anxiété. Cette proximité avec lui me fait frissonner, me rappelle des souvenirs douloureux et compliqués. Je me maudis pour ce que je ressens. Il agit comme un parfait connard, pourtant je ne peux m'empêcher de penser à l'homme qu'il était autrefois, celui qui désirait être près de moi, celui avec qui j'avais partagé des moments intenses.
Que s'est-il passé pour que tout change ainsi ? Que s'est-il passé entre nous pour que l'homme que je connais maintenant soit si différent de celui que j'ai connu ?
Nous arrivons dans la salle, un lieu sombre et austère, rempli de l'odeur métallique des armes à feu et du cuir. Marco me tend un revolver, ses doigts effleurant les miens brièvement, une touche électrisante qui réveille en moi des souvenirs encore vivaces. Il commence à m'expliquer comment charger les munitions, ses gestes précis et sûrs. Puis il se place derrière moi, ses bras entourant ma taille d'une manière presque intime, presque protectrice.
Je peux sentir la chaleur de son corps contre le mien, un contraste étrange avec la froideur des armes autour de nous. Sa présence, à la fois rassurante et troublante, me fait oublier l'urgence de la situation. Il place ses mains sur les miennes, me guidant avec une précision presque passionnée.
Il est évident qu'il est habile avec ses mains, chaque mouvement est maîtrisé, chaque geste est une danse soigneusement orchestrée. Et dire qu'on ne s'est jamais embrassés. La tension entre nous est toujours aussi palpable, une chaleur inassouvie qui reste suspendue entre nous, non résolue et inexplicable.
Cette tension non consommée, cette attirance inévitable et non explorée, demeure entre nous, toujours aussi brûlante malgré les années. Marco est devenu un symbole de ce désir contrarié, de cette connexion inachevée. Je suis en proie à un tourbillon d'émotions, ne sachant pas si je dois me concentrer sur la formation ou me perdre dans les souvenirs de ce que nous avons été.
- Martins, tu m'écoutes ? me lance Marco, la voix brusque et impatiente.
Je suis tellement perdue dans mes pensées que je ne réagis pas immédiatement. Marco répète, plus autoritaire :
- Vise la cible et... TIRE !
Je prends une profonde inspiration et je vise la cible. Mon cœur bat la chamade, mais je la rate complètement. La balle va se perdre dans le vide. Je tente de nouveau, mais le résultat est le même. Je loupe encore et encore, chaque tir me rapprochant un peu plus du désespoir.
- Tu peux te concentrer ? On ne va pas y passer la journée ! Tu vois que tu n'es qu'une fillette, voilà pourquoi je ne voulais pas de toi comme chef.
Ses mots résonnent dans ma tête comme des coups de feu, me percutant de plein fouet. Je tire une nouvelle fois, mais ses paroles me hantent. Mon tir est maladroit, erroné. J'éprouve un sentiment de révolte et d'impuissance. La pression accumulée depuis une semaine est insupportable. Je suis seule, sans personne sur qui m'appuyer.
La colère monte en moi, grandissant comme une tempête incontrôlable. Je ne peux plus contenir mes émotions. La douleur, la frustration, et le sentiment d'abandon se transforment en une vague d'indignation. Avec une rage désespérée, je tourne mon arme vers lui et lui crie, la voix brisée par la détresse :
- Pourquoi, Marco ? Pourquoi tu agis comme ça ? Tu crois que ce n'est pas assez difficile de prendre les rênes d'un clan quand on n'en a aucune envie ? Quand tout le monde nous méprise ? Quand on n'a personne pour nous épauler, et la seule personne sur qui je voulais me reposer c'était toi, Marco !
Une larme brûlante coule sur ma joue, et je la laisse aller. Je suis ébranlée. Les mots de Marco, ses reproches, tout cela me semble insupportable. Le poids de la responsabilité, l'absence de soutien, l'absence d'un véritable allié — tout cela m'accable. Il est là, face à moi, et il me montre avec une cruauté inouïe à quel point je suis vulnérable et faible à ses yeux.
- Alors laisse-moi tranquille, murmuré-je avec une voix pleine de douleur et de détresse.
Je laisse tomber mon arme au sol avec un bruit sourd. Le métal claque contre le carrelage, le son résonne dans la pièce, comme un écho de ma propre défaite. Puis, dans un élan de désespoir, je me précipite vers ma chambre, je claque la porte derrière moi et je m'enferme à l'intérieur.
Je m'effondre sur le lit, les larmes coulant librement, en un flot continu. Je pleure de toutes mes forces, un chagrin profond qui me semble interminable. Je me laisse emporter par la vague de tristesse, nostalgique de ma vie d'avant, de l'insouciance que j'avais. Je rêve d'une vie normale, où je pourrais aimer et être aimée en retour. Je rêve d'échapper à ce monde de cruauté, sans émotions, sans sentiment.
Mais mon père ne s'en souciait guère. Il n'a jamais pris en compte mes désirs ou mes besoins. ​Il m'a imposé ce fardeau, m'a forcée à accepter sans aucune autre option. Je me revois signant ces papiers, mon cœur brisé par le poids de cette décision.
« Ma fille, il le faut. Il faut que tu reprennes cette entreprise. Ce sera ma plus grande fierté, s'il te plaît, avant que je ne me transforme en poussière. »
Merci pour ce cadeau empoisonné, Père. Et maintenant, me voilà, incapable de maîtriser mes larmes face à un homme qui me méprise et joue avec mes sentiments. Je suis une cruche, incapable de garder mon calme et de rester forte. Mes émotions m'assaillent, et je me sens complètement perdue.
***
Marco
Si cela ne tenait qu'à moi, je courrais la chercher, la prendrais dans mes bras, et la garderais près de moi pour toujours. Mais je ne peux pas. Je ne le dois pas. Mon devoir m'en empêche. ​Je vais devoir la blesser, encore plus profondément que ce que j'ai déjà fait. C'est la seule manière de la protéger, d'assurer que nos chemins se séparent pour de bon. C'est mon devoir, même si cela me déchire le cœur.
Je monte frapper à sa porte, chaque coup résonnant comme un coup de tonnerre dans ma poitrine. La perspective de la voir souffrir est insupportable pour moi. Sa souffrance est la pire chose que je puisse imaginer, mais je suis obligé de la confronter. Je redoute sa réaction plus que tout. Elle ne m'ouvre pas immédiatement, et mon impatience croît.
- Nina, ouvre-moi, sinon je défonce la porte. Je suis un tueur à gage, je te rappelle.
Finalement, elle ouvre. Sa porte en marbre blanc, si précieuse, s'ouvre sur elle, à peine vêtue de ses émotions brisées. Cette tension entre nous est palpable. J'ai envie de l'embrasser, de la serrer contre moi, de lui faire oublier la douleur. Mais je ne le ferai pas.
Je caresse doucement sa joue, tentant de masquer la tourmente qui me déchire de l'intérieur. Je lui mens, enfilant le masque de la distance et du détachement :
- Écoute, Nina. Il est vrai qu'autrefois, nous ressentions quelque chose de particulier. ​Mais cet amour était impossible. J'ai rencontré quelqu'un après toi, Angèle. Elle m'a fait oublier ce que nous avions, m'a aidé à te ranger dans le passé. Je l'aimais, bien plus que ce que nous avions partagé. Je l'aime encore, malgré ce qu'elle pensait de mes activités avec le clan. Elle m'a quitté. Et aujourd'hui, je la veux, plus que tout. Je suis désolé, Nina. Tu dois m'oublier.
Son regard est vide, incapable de traduire la tempête intérieure qu'elle doit vivre en ce moment. Pas de colère, pas de doute, juste un vide déchirant. Je la vois brisée, et je suis celui qui l'a mise dans cet état. Si elle savait vraiment quel homme je suis devenu, ce que j'ai accepté de faire pour remplir mes obligations, elle me haïrait encore plus. Mais je dois croire qu'elle me détestera davantage après tout ce que je lui ai dit.
Je me tourne, la laissant seule avec ses propres démons. Je suis désemparé, j'ai fait un pas pour elle, et pourtant je ne peux pas être à ses côtés. C'est une douleur que je dois supporter, même si elle me consume.
***
Nina
Les mots qu'il a prononcés me font mal, très mal. C'est comme si chaque phrase était une lame aiguisée qui s'enfonçait profondément dans mon cœur. Je comprends qu'il ait eu une vie après moi, qu'il ait trouvé quelqu'un d'autre pour apaiser ses tourments, pour remplir le vide que j'avais laissé. Après toutes ces années, il a réussi à avancer, à se reconstruire. Mais pour moi, c'est comme si le temps s'était arrêté.
Je suis confrontée à ce sentiment d'inachevé, une douleur lancinante qui persiste malgré tout. ​J'aurais aimé croire que notre histoire avait encore des chapitres à écrire, des moments à partager. Mais c'est fini. Je l'aimais. Et je l'aime toujours. Mon cœur est incapable de tourner la page complètement. Chaque souvenir, chaque geste, chaque regard échangé reste gravé en moi, comme une cicatrice que le temps ne parvient pas à effacer.
Je le voudrais encore, plus que tout. Je voudrais qu'il soit à mes côtés, que tout ce qui nous a séparés ne soit qu'un mauvais rêve. Mais lui, il a fait son choix, et ce choix m'éloigne irrémédiablement de lui. C'est une vérité brutale, une réalité que je dois accepter. Il est temps pour moi de me résigner à la vérité : certaines choses n'ont pas de début clair, pas de prolongements possibles. Elles ont juste une fin. Et la fin de ce que nous avions est maintenant inévitable.
Je me retrouve face à cette vérité douloureuse, la réalisation que ce chapitre est clos. Je dois maintenant apprendre à vivre avec cette fin, à accepter que certaines histoires, aussi intenses et profondes qu'elles aient été, n'ont pas le pouvoir de se réécrire. Elles sont simplement là pour nous laisser avec un goût d'inachevé, un souvenir d'amour perdu que nous devons laisser derrière nous.

Fragment de Pouvoir {DARK ROMANCE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant