Chapitre 1: Face à l'empire

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L'odeur de cigare froid et de cuir usé embaumait le bureau de son père. Nina se tenait debout, immobile, face à ce fauteuil imposant, symbole du pouvoir dont elle ne voulait pas, mais qui semblait maintenant inévitable. Le soleil déclinait à l'horizon, projetant des ombres allongées sur les murs de bois sombre. C'était là qu'il avait bâti son empire, là qu'il avait fait régner la peur sur toute une ville, et c'était ici qu'elle allait prendre sa place.
Son père, allongé sur un lit d'hôpital, était trop faible pour se tenir droit. Il n'était plus cet homme redoutable que tout le monde craignait. La maladie l'avait détruit lentement, le laissant à la merci de ses ennemis, et surtout de ses ambitions non réalisées. La relève, elle l'avait toujours évitée. Mais maintenant, elle n'avait plus le choix. Sa famille comptait sur elle, et les adversaires guettaient la moindre faille. Elle avait accepté, à la mémoire de son père mourant, et au détriment de sa propre vie.
Elle prit une profonde inspiration. Comment en était-elle arrivée là ? Elle, qui avait construit son existence loin des affaires sanglantes qui avaient détruit la sienne. Elle n'avait jamais voulu ce trône, mais le destin l'y conduisait de force.
Alors qu'elle tournait le dos à la grande fenêtre pour affronter ce qui l'attendait, un bruit dans l'ombre interrompit ses pensées. Les portes du bureau s'ouvrirent doucement, laissant apparaître une silhouette qu'elle n'avait pas vue depuis des années.
Marco Torres.
Il était de retour.
Le même regard noir intense, le même charisme dangereux qui l'avait autrefois envoûtée. ​Habillé en costard, les bras et les doigts tatoués, il n'avait visiblement pas changé. Mais quelque chose dans son aura s'était assombri, une froideur qu'elle ne reconnaissait pas. Marco, l'homme que son père avait toujours considéré comme son bras droit, celui dont elle avait tenté de fuir l'emprise, était de retour, et ce n'était certainement pas par hasard.
- Nina.

Sa voix grave, à peine un murmure, fit vibrer l'air entre eux.
Elle resta silencieuse, son cœur battant trop fort dans sa poitrine. Elle refusait de lui montrer la moindre faiblesse, pourtant, une chaleur familière s'insinuait en elle, sournoise. Il était là, à nouveau, avec ce regard qui, autrefois, avait fait vaciller toutes ses résolutions. Ce désir refoulé, inavoué, menaçait de refaire surface, mais elle ne céderas pas. Pas cette fois.
- Tu es revenue prendre ta place, ma douce ? demanda-t-il avec une pointe de provocation, un sourire en coin, comme s'il devinait déjà la réponse.
Son regard croisa le sien, et elle s'y accrocha, refusant de dévoiler la moindre émotion.
- Je n'ai pas vraiment eu le choix, répondit-elle, sa voix étrangement calme malgré la tempête intérieure.
Un silence lourd s'installa entre eux. Elle se rappela alors les mots de son père :
"Il est loyal, Nina. Mais ne te laisse jamais séduire par lui. Il a la loyauté d'un homme de pouvoir, pas d'un ami."
Aujourd'hui, elle comprenait mieux que jamais ces paroles. Marco n'était pas là pour renouer les liens du passé. Il était là pour s'assurer qu'elle jouerait selon ses règles. Mais cette fois, c'était à elle de les réécrire.
- Et toi, pourquoi maintenant, Marco ? demanda-t-elle en croisant les bras, tentant de masquer son trouble.
Il s'approcha d'un pas lent et calculé, une assurance écrasante dans chacun de ses mouvements, son regard planté dans le sien avec une intensité qui la déstabilisait. Chaque pas qu'il faisait vers elle rapprochait Nina d'un abîme de désirs inavoués.
- Pour toi.
Ses mots étaient simples, mais chargés de sous-entendus qui firent vibrer quelque chose en elle, quelque chose qu'elle croyait avoir enterré depuis longtemps. Une chaleur sourde commença à monter, envahissant chaque recoin de son être. Elle ne pouvait pas nier l'effet qu'il avait sur elle, cette attraction toxique, presque dangereuse, qui menaçait de tout consumer.
- Le clan a besoin de toi, ma douce. Et que tu le veuilles ou non, tu as besoin de moi.
Son arrogance. Comment osait-il après tout ce temps ? Un rire moqueur s'échappa de ses lèvres, bien qu'un feu brûlait en elle.
- C'est plutôt toi qui as besoin de moi, rétorqua-t-elle, un sourire ironique aux lèvres. Si tu veux conserver ta place dans ce clan, tu devras t'incliner. Cet empire est mien à présent.
Les mots lui échappaient avec une conviction qu'elle ne ressentait pas pleinement. Derrière ses vingt-deux ans à peine, elle se sentait terrifiée par ce monde qu'elle ne connaissait que de loin. Commander des hommes, se faire respecter, décider de vies... C'était vertigineux. Mais face à lui, elle ne pouvait montrer la moindre faille. Pas une seule.
Marco et elle avaient toujours été attirés l'un par l'autre, autrefois. Il était ce danger brûlant qu'elle n'avait jamais osé toucher. Et aujourd'hui encore, ce désir inassouvi refaisait surface, bien plus fort, bien plus tentant. Le souvenir de ses regards insistants, de ses mains tatouées frôlant sa peau, hantait ses pensées. Elle s'était toujours refusée à lui, consciente du chaos qu'il apportait, mais l'idée de céder n'avait jamais vraiment quitté son esprit.
- Tu as pris de l'assurance, fillette, lança-t-il avec un sourire en coin. Tu vas en avoir besoin.
Il s'approcha encore, jusqu'à ce qu'il soit à quelques centimètres d'elle. Son souffle chaud effleura son visage, et son regard sombre descendit sur ses lèvres avant de remonter vers ses yeux. Chaque fibre de son corps était tendue vers lui, une part d'elle-même réclamant ce qu'elle s'était toujours interdite.
- Fais attention à ne pas te brûler les ailes, ma douce, murmura-t-il, ses lèvres presque contre les siennes. Ce monde est dangereux pour une fillette comme toi. Tu prends les rênes d'un empire sans rien y connaître. J'ai hâte d'assister à ta chute. Et crois-moi, je serai là pour t'aider à tomber.
Nina le haïssait pour l'effet qu'il avait sur elle. Ses mots la déchiraient, la rabrouaient, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir ce désir qui la consumait. Marco n'avait jamais cessé de la vouloir, elle le savait. Ses provocations, son arrogance... tout n'était qu'un jeu de pouvoir, un jeu dangereux auquel elle refusait de céder. Pourtant, une part d'elle brûlait de le rejoindre dans cet abîme qu'il lui tendait.
***
Marco
Quand je l'ai vue, mes émotions se sont heurtées comme des vagues contre des rochers. ​Passion, amour, obsession, et haine ont fusionné dans une tornade intérieure qui m'a laissé désemparer. Quatre ans s'étaient écoulés depuis notre dernière rencontre. La dernière fois que je l'avais vue, elle avait dix-huit ans et moi, vingt-six. Aujourd'hui, elle a vingt-deux ans, et elle est devenue une femme d'une beauté envoûtante. Ses cheveux brun foncé tombent en cascade autour de son visage, et ses yeux noirs, profonds comme l'abîme, captivent chaque regard. Elle est la plus belle femme que je n'ai jamais vue, et chaque détail de sa présence ravive un désir que je croyais éteint.
Je suis incapable d'accepter qu'une femme, aussi éclatante soit-elle, qui ne connaît rien à notre monde chaotique puisse prétendre au rôle de leader. Ce monde est bien trop dangereux pour une princesse comme Nina Martins. La protéger, ou même simplement la voir évoluer dans cet univers impitoyable, est au-delà de mes capacités. Si quelque chose lui arrivait, je ne pourrais jamais me le pardonner. Les sentiments que j'ai pour elle ont survécu à la distance et au temps, et leur intensité semble maintenant encore plus brûlante.
J'ai tenté de jouer le jeu, de manipuler les circonstances à mon avantage, mais j'ai fini par me brûler les ailes. C'était elle qui devait m'aimer et non l'inverse. L'idée que je puisse être celui qui la désirait si ardemment est un poison. Le père de Nina, dans son arrogance, ne comprend pas qu'il met en péril son propre empire. Elle pourrait faire chavirer son navire, et nous entraîner tous dans sa chute.
Mais aujourd'hui, je suis lié par un devoir impérieux, une mission qui me contraint à réprimer ce désir brûlant que j'éprouve pour elle. Je veux qu'elle me déteste, qu'elle m'éloigne de ses pensées. Parce que dans ce monde de pouvoir, l'amour est une faiblesse, une distraction fatale. Nous ne pourrons jamais être ensemble, et cette réalité, aussi douloureuse soit-elle, est la seule voie que je dois suivre.
***
Miguel
- Elle ne doit pas savoir, Marco. Pour rien au monde. Je tiens à lui avouer moi-même les vérités qu'elle doit apprendre, quand elle sera prête.
La gravité de ses paroles résonne dans la pièce comme un glas. Sa voix, empreinte d'une autorité glaciale, tranche l'air lourd de secrets et de menaces.
Marco, imperturbable et sûr de lui, me regarde avec une confiance presque insolente.
- Ne t'inquiète pas, je saurai faire ce qu'il faut.
Ses mots sont comme un gage de sa détermination, une promesse silencieuse enveloppée dans une froideur calculée. Sans un regard en arrière, il tourne les talons et quitte la pièce, laissant derrière lui le silence pesant et l'écho de ses pas qui s'éloignent.
Je me retrouve seul dans ce bureau qui semble aussi glaciale et dénuée de chaleur que l'ombre qui m'entoure. Les murs dénudés, le mobilier austère, tout ici semble refléter ma solitude et la froideur des choix qui m'ont conduit à cette impasse. Ce lieu est le miroir de ma propre déchéance, une prison dorée construite sur des ambitions déchues.
Ma fille est désormais confrontée à ses responsabilités, à ses choix et à ceux que j'ai imposés pour elle. Le poids de l'héritage pèse sur ses épaules, et les décisions qu'elle doit prendre seront déterminantes pour son avenir et pour l'avenir de tout ce que j'ai construit.
L'ambulance est sur le point d'arriver pour m'emmener. Je suis désormais enchaîné à cette nécessité d'une assistance médicale constante, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La maladie m'a lentement dévoré, me laissant dans un état où chaque respiration devient une lutte, chaque jour une épreuve. Je ne suis plus que l'ombre de l'homme que j'étais, un roi déchu dont le trône est occupé par une princesse qui doit encore découvrir la dure réalité du pouvoir.
Les derniers instants avant l'arrivée de l'ambulance sont empreints de mélancolie et de regrets. J'observe le bureau une dernière fois, comme si je cherchais à graver dans ma mémoire chaque détail avant de le quitter pour de bon. Puis, je ferme les yeux un instant, me préparant à affronter la réalité, à affronter le fait que le destin de ma fille est désormais entre ses propres mains.

Fragment de Pouvoir {DARK ROMANCE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant