Leone***
Je l'ai vue franchir le seuil du manoir avec la même expression que toutes celles qui viennent à moi pour la première fois : peur et confusion, mêlées à une lueur de défi. Isabelle ne fait pas exception, bien que je puisse déjà sentir en elle une force intérieure différente des autres. Elle croit encore qu'elle peut se sortir de ce piège, qu'elle peut affronter ce monde dont elle ignore tout. Je vois cette illusion dans ses yeux. Mais elle apprendra.
Elles apprennent toujours.
Je l'observe, immobile, alors que mes hommes la guident vers moi. Ses pas sont lents, presque hésitants, mais elle ne s'arrête pas. C'est une proie courageuse, je dois lui reconnaître cela. Une part de moi respecte ce courage, même si je sais que ce sera un plaisir particulier de le briser.
Son regard se pose sur moi, et je sens qu'elle essaie de me jauger, de comprendre qui je suis. C'est amusant. Ces petites tentatives de me cerner, de voir au-delà des cicatrices, de l'aura que je dégage. Elles échouent toutes. Isabelle échouera aussi.
Quand elle est finalement devant moi, je laisse un long silence s'installer. J'aime ces moments où le silence devient plus lourd que les mots. Je la regarde, et je vois son visage se tendre sous la pression invisible. Elle sait qu'elle est ici pour son père, mais ce qu'elle ne sait pas encore, c'est à quel point elle est déjà prise dans ma toile.
— Isabelle, murmuré-je finalement, savourant chaque syllabe de son prénom comme une promesse.
Elle tressaille. Rien d'ostensible, juste une petite tension dans ses épaules, un micro-frémissement. Elle cache bien sa peur, mais je la sens. Elle est là, juste sous la surface, prête à exploser. Mais elle fait un effort pour garder la tête haute.
— Je suis venue comme promis, dit-elle, sa voix légèrement tremblante.
Il y a quelque chose de fascinant dans la façon dont elle se bat pour rester calme. La plupart auraient déjà craqué, auraient supplié pour leur vie ou celle de leurs proches. Pas elle. Non, elle se tient là, droite, malgré la terreur que je lis dans ses yeux.
— Tu es venue, c'est vrai, dis-je, en avançant doucement vers elle.
Je l'effleure légèrement, juste assez pour sentir la tension parcourir son corps. Je pourrais la détruire maintenant, la briser tout de suite, mais où serait le plaisir ? Non, avec elle, cela prendra du temps.
Je sens déjà cette étincelle en elle, cette lumière qui lutte contre l'obscurité que je représente. Et c'est précisément cette lumière qui m'attire. C'est cette résistance, cette flamme vacillante, que je veux écraser de mes propres mains. Ou peut-être... la garder pour moi, l'éteindre puis la rallumer selon mes caprices.
— Qu'est-ce que tu attends de moi ? ose-t-elle demander.
Ah, voilà la question. Toujours la même, sous des formes différentes. Elles veulent toutes savoir ce que je veux d'elles, comme si la réponse pouvait les sauver. Mais cette fois, la réponse est simple.
— Toi, dis-je en la fixant intensément. Je te veux, toi.
Elle semble déstabilisée. Elle ne comprend pas encore la portée de mes mots. Elle pense que je parle d'une simple transaction, d'un échange. Elle pense qu'en me donnant son corps ou en jouant le jeu quelques jours, elle pourra partir. Mais elle ne réalise pas que je parle de quelque chose de bien plus profond.
Je veux tout. Pas seulement sa chair. Je veux son esprit, son âme. Je veux qu'elle me soit entièrement dévouée, qu'elle renonce à tout ce qu'elle croit pour moi.
Elle fronce les sourcils, comme si elle cherchait à interpréter mes paroles. Mais je ne lui laisserai pas le temps de comprendre. Pas encore.
Je me détourne d'elle, marchant lentement dans la pièce, et je sens son regard suivre chacun de mes mouvements. Elle essaie de deviner ce qui va suivre, mais je suis un mystère qu'elle ne pourra jamais complètement résoudre.
— Ton père sera libre, je le libérerai, dis-je avec une nonchalance feinte.
Je laisse planer un moment de silence avant de continuer.
— Mais toi... toi, tu resteras ici. À partir de maintenant, tu es à moi.
C'est une simple déclaration, mais elle tombe sur elle comme une condamnation. Je vois l'effroi passer brièvement sur son visage avant qu'elle ne le dissimule de nouveau derrière cette façade de courage. Admirable.
Je m'approche d'elle à nouveau, cette fois plus près. Nos regards se croisent, et je sens cette tension monter entre nous. Un mélange de peur, de désir, de haine. Tout cela est présent, et c'est précisément ce que je veux.
— Je te briserai, Isabelle, dis-je d'une voix douce, presque caressante. Je te briserai, mais pas tout de suite. Ce serait trop facile.
Elle ne recule pas, ne détourne pas les yeux. Encore une fois, elle essaie de se montrer forte, de ne pas céder à la panique. Mais je vois ses mains trembler légèrement. Elle a peur, et elle le cache à peine.
Je m'éloigne lentement, lui laissant un peu d'espace pour respirer. Elle pense qu'elle a encore une chance. Elle pense qu'elle peut me tenir tête. Mais cette résistance, aussi forte soit-elle, ne durera pas.
Je la regarde une dernière fois avant de quitter la pièce, laissant mes mots en suspens.
— Prépare-toi, Isabelle. La vie que tu connaissais est terminée.
Et alors que je ferme la porte derrière moi, je ne peux m'empêcher de sourire. Cette partie ne fait que commencer, et elle ne sait pas encore qu'elle a déjà perdu.