Chapitre 9

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Les jours continuaient de s'étirer sans fin, chaque seconde marquée par une lourdeur que je n'arrivais plus à supporter. Le manoir était devenu une prison. Une prison dorée, certes, mais une prison quand même. Je savais que je n'étais plus maîtresse de ma vie, enfermée dans cet endroit où chaque détail me rappelait ma captivité.

Leone était partout, même quand il n'était pas là. Sa présence pesait sur moi comme une ombre permanente, froide et oppressante. Il se manifestait rarement, mais chaque fois que je le croisais, chaque rencontre avec lui faisait battre mon cœur plus fort. Pas par désir, ni par peur, mais par une étrange et inexplicable tension que je n'arrivais pas à définir. Sa voix, son regard, même ses silences avaient un effet que je ne voulais pas reconnaître. J'étais là, prisonnière de sa maison et, pire encore, de son emprise.

Les domestiques continuaient de se mouvoir autour de moi, fantomatiques, toujours là mais jamais présents. Ils évitaient de croiser mon regard, murmurant entre eux dans une langue que je ne comprenais pas, mais que je devinais remplie de pitié et d'une forme de résignation. Je ne pouvais pas leur en vouloir. Après tout, ils étaient aussi prisonniers de cet endroit que moi, d'une manière ou d'une autre.

Un matin, après une énième nuit d'insomnie, j'osai enfin aller explorer l'aile nord du manoir. C'était la seule partie où je n'avais encore jamais mis les pieds. Quelque chose dans l'atmosphère de cet endroit m'avait toujours retenue, comme si une force invisible me murmurait de ne pas m'y aventurer. Mais aujourd'hui, la curiosité l'emportait. J'avais besoin de comprendre ce lieu, de comprendre Leone.

Les couloirs de l'aile nord étaient différents du reste de la maison. Plus sombres, plus anciens. Le sol craquait légèrement sous mes pas, et je sentais la poussière accumulée sous mes chaussures. C'était comme si cet endroit avait été oublié, laissé à l'abandon. À chaque porte que je passais, je me demandais ce qu'elles renfermaient, mais je n'osais pas les ouvrir.

Après ce qui me sembla une éternité de marche, j'arrivai enfin devant une double porte imposante, bien plus travaillée que les autres. Il y avait quelque chose de majestueux et de sinistre dans la manière dont elle se dressait devant moi. Mon instinct me soufflait de repartir, mais une force irrésistible me poussa à poser la main sur la poignée froide et métallique.

La porte s'ouvrit dans un léger grincement. L'intérieur de la pièce était plongé dans une pénombre presque totale, mais je distinguais tout de même les formes de meubles imposants, des rideaux lourds et épais recouvrant les fenêtres, et au centre, un immense lit à baldaquin. J'avançai lentement, me demandant où j'étais. Cette chambre semblait différente du reste du manoir, plus personnelle, presque intime.

C'est alors que je vis, sur une commode, un cadre. Curieuse, je m'en approchai et le saisis. Mon cœur s'arrêta une seconde. C'était une photo. Une photo de Leone, plus jeune, mais immédiatement reconnaissable. À ses côtés, une femme, belle, élégante, mais surtout... souriante. Ils avaient l'air si heureux, si complices. Ce Leone-là n'avait rien à voir avec l'homme froid et distant que je connaissais.

La porte derrière moi claqua brusquement, me faisant sursauter et lâcher le cadre qui tomba au sol avec fracas. Je me retournai pour découvrir Leone, debout dans l'encadrement de la porte, ses yeux sombres fixés sur moi avec une intensité dévastatrice. Son visage était fermé, plus impassible que jamais.

— Que fais-tu ici ? demanda-t-il d'une voix basse, glaciale.

Je restai immobile, incapable de répondre immédiatement. Ses yeux glissèrent vers le cadre brisé au sol, et son expression se durcit encore plus. Je savais que je venais de franchir une limite, et que rien ne serait plus pareil après ça.

— Je... Je ne savais pas que c'était ta chambre, balbutiai-je finalement, sentant une vague de panique monter en moi. Je suis désolée.

Leone s'avança lentement vers moi, et je reculai instinctivement, me heurtant au bord du lit derrière moi. Il ne s'arrêta que lorsqu'il fut à quelques centimètres de moi, son regard perçant plongeant dans le mien.

— Il y a des endroits dans cette maison où tu n'es pas la bienvenue, Isabelle, murmura-t-il, sa voix basse mais vibrante de colère contenue. Cette chambre en fait partie.

Je ne savais pas quoi dire. La tension dans l'air était palpable, presque suffocante. Je voulais m'excuser, lui dire que je ne voulais pas fouiner, que j'avais simplement suivi une impulsion. Mais les mots restaient coincés dans ma gorge.

Il se pencha légèrement, réduisant encore la distance entre nous, et je sentis son souffle sur ma peau.

— Tu as brisé quelque chose, Isabelle, continua-t-il, sa voix toujours aussi glaciale. Mais je ne parle pas seulement de cette photo.

Ses paroles me frappèrent comme une gifle. Je savais qu'il ne parlait pas simplement du cadre tombé au sol. Il y avait autre chose, quelque chose de plus profond. J'avais franchi une barrière invisible, une limite que même moi, je ne comprenais pas encore.

Je déglutis difficilement, mon cœur battant à tout rompre.

— Je ne voulais pas... Je ne savais pas, tentai-je de me justifier.

— Non, tu ne savais pas, répéta-t-il doucement, mais avec une pointe de mépris dans la voix. Mais tu aurais dû te douter qu'il y a des secrets que tu n'es pas prête à découvrir.

Il se redressa alors, reculant légèrement, mais je sentais toujours le poids de son regard sur moi. Il tourna les talons et s'apprêta à sortir de la pièce.

— Je te conseille de ne plus jamais revenir ici, Isabelle. Sinon, tu pourrais découvrir des choses que tu regretterais vraiment.

Et sur ces mots, il quitta la pièce, me laissant seule dans le silence assourdissant de cette chambre mystérieuse. Je sentais mon corps trembler légèrement, non pas de peur, mais de l'intensité de l'interaction que je venais de vivre. Qui était cette femme sur la photo ? Quelle part de Leone m'échappait encore ?

Je m'accroupis lentement pour ramasser le cadre brisé. La photo était intacte, et je la regardai de nouveau. Il y avait tant de questions dans ma tête, mais je savais qu'aucune d'entre elles ne trouverait de réponse facilement.

Je retournai dans ma chambre, mon esprit tourmenté. Cette maison, cette vie que Leone m'imposait, tout cela commençait à peser de plus en plus sur moi. Mais en même temps, une part de moi voulait comprendre. Comprendre ce qui l'avait rendu ainsi, ce qui l'avait poussé à devenir cet homme froid et impitoyable.

Cette nuit-là, je ne trouvai pas le sommeil. Je repensais sans cesse à la photo, à l'expression de Leone quand il avait vu le cadre brisé. Il y avait quelque chose derrière cette façade qu'il montrait au monde, quelque chose de brisé, de blessé. Une part de moi voulait découvrir ce qu'il cachait. Une autre part savait que cela ne ferait qu'aggraver ma situation.

Les jours qui suivirent furent marqués par un silence pesant entre Leone et moi. Il m'évitait, tout comme je faisais de mon mieux pour ne pas croiser son chemin. Mais même si je ne le voyais pas, je sentais sa présence partout. Il contrôlait cet endroit, et par extension, il me contrôlait.

Je savais que ma captivité n'était pas seulement physique. Chaque jour, Leone s'insinuait un peu plus dans mon esprit. Et même si je voulais résister, même si je luttais de toutes mes forces contre cette emprise qu'il avait sur moi, je sentais que je perdais du terrain.

Mais je ne pouvais pas me permettre de céder. Parce que si je cédais, je savais que je serais perdue. Et il ne restait plus grand-chose à sauver de moi-même.

la belle et le mafieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant