Chapitre 8

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 ***Leone***

Le manoir était silencieux, comme à son habitude. Un silence lourd, pesant, qui reflétait l'atmosphère constante de mon existence. Les domestiques s'affairaient discrètement, invisibles, tandis que je restais dans mon bureau, les yeux rivés sur les documents éparpillés devant moi. Mais je n'arrivais pas à me concentrer. Chaque ligne que je lisais se brouillait presque immédiatement, mes pensées dérivant inévitablement vers elle.

Isabelle.

Depuis son arrivée, elle hantait mes pensées d'une manière que je n'avais pas prévue. Elle était différente des autres. Je l'avais senti dès notre première rencontre. Il y avait en elle une détermination, une force que je ne voyais jamais chez celles qui passaient par ma vie. J'avais l'habitude de femmes qui se pliaient, qui se soumettaient, soit par peur, soit par avidité. Mais Isabelle... elle me résistait. Et cette résistance avait allumé en moi une obsession que je n'arrivais pas à maîtriser.

Je me levai de mon fauteuil, agacé par ma propre distraction. Le manoir, cet endroit que je contrôlais dans les moindres détails, semblait soudain trop petit, trop étroit. Comme si la simple présence d'Isabelle avait changé quelque chose dans son atmosphère. Je la sentais même quand elle n'était pas là, et cela me rendait furieux.

Je descendis dans les couloirs, mes pas résonnant sur le sol de marbre. L'endroit était vide, éclairé par la lueur froide des chandeliers, mais je savais où elle se trouvait. Je l'avais fait surveiller, bien sûr. Elle se promenait souvent dans le jardin la nuit, probablement pour échapper à l'impression d'étouffement qui devait peser sur elle ici. Elle pensait peut-être pouvoir se soustraire à moi, mais je la voyais, toujours. Rien ne m'échappait.

Je sortis par la grande porte qui donnait sur les jardins. Le froid mordant de la nuit m'accueillit, mais je ne le sentais pas. Ma concentration était ailleurs, entièrement focalisée sur elle. Je la vis enfin, sa silhouette fine se découpant dans l'obscurité, les bras croisés contre la fraîcheur nocturne. Elle regardait le ciel, perdue dans ses pensées, comme si elle cherchait une échappatoire, une solution que je ne lui permettrai jamais de trouver.

Elle ne m'entendit pas approcher. J'aimais cette sensation de contrôle, de pouvoir la surprendre à tout moment. Elle était ma captive, et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de ressentir quelque chose de plus. Un lien inexplicable que je n'arrivais pas à briser, ni à ignorer.

— Tu cherches toujours une porte de sortie ? lançai-je, ma voix brisant le silence.

Elle sursauta légèrement avant de se retourner. Ses yeux se posèrent sur moi, et je vis cette lueur familière de défi dans son regard. Même maintenant, elle refusait de céder. Cela me fascinait, autant que cela m'exaspérait.

— Il n'y en a pas, ajoutai-je en me rapprochant, ma voix basse mais ferme.

— Je le sais déjà, répondit-elle doucement, mais avec une froideur qui ne me plaisait pas.

Elle détourna le regard, comme si elle ne voulait pas que je lise dans ses pensées. C'était un jeu que nous jouions tous les deux, mais un jeu dont je détenais les règles. Ou du moins, c'était ce que je croyais. Mais chaque jour passé avec elle, je sentais ces règles glisser, se déformer sous mes doigts. Elle changeait quelque chose en moi, et je détestais cette sensation.

Je fis un pas de plus vers elle, fermant presque la distance qui nous séparait. Elle ne bougea pas, son regard fixé droit devant elle. Sa résistance silencieuse m'irritait et me captivait en même temps. Je voulais la briser, la voir s'effondrer sous le poids de sa captivité. Mais je savais que si elle se brisait, elle ne serait plus Isabelle. Et cette pensée m'était insupportable.

— Tu pourrais rendre les choses plus faciles pour toi, murmurai-je en approchant encore, ma voix plus douce, presque un murmure. Il te suffirait de céder. De me laisser entrer.

Elle tourna enfin la tête vers moi, ses yeux rencontrant les miens avec une intensité qui fit monter la tension entre nous.

— Et devenir comme les autres ? C'est ça que tu veux ? Que je te donne ce pouvoir sur moi ? demanda-t-elle, sa voix pleine de défi.

Je sentis une vague de colère monter en moi, mais ce n'était pas seulement de la colère. C'était autre chose. Un besoin, une frustration que je n'arrivais pas à exprimer. Elle se tenait là, juste devant moi, à portée de main, et pourtant elle me glissait entre les doigts.

— Je veux ce qui m'appartient, Isabelle, dis-je finalement, ma voix plus dure, plus tranchante. Et toi, tu es à moi.

Elle secoua la tête, un sourire amer étirant ses lèvres.

— Peut-être que je suis ici physiquement, Leone, mais je ne serai jamais vraiment à toi. Tu peux me garder enfermée, mais tu ne peux pas me posséder.

Ses mots résonnèrent en moi, plus profondément que je ne l'aurais cru. Il y avait une vérité dans ce qu'elle disait. Une vérité que je refusais de voir. Mais je ne pouvais pas me permettre de faillir, pas ici, pas avec elle. Pas après tout ce que j'avais sacrifié.

Je me penchai légèrement vers elle, mes yeux plongeant dans les siens.

— On verra, soufflai-je, une promesse cachée derrière ces deux mots.

Puis, sans un mot de plus, je me retournai et quittai les jardins, la laissant seule dans la nuit, avec ses pensées.

En rentrant dans le manoir, une certitude grandissait en moi. Isabelle avait raison sur un point : je ne pouvais pas simplement la posséder. Elle n'était pas comme les autres. Et c'était précisément ce qui me rendait fou. Parce que pour la première fois, je ne savais pas si j'étais en train de la dominer... ou si c'était elle qui, doucement, prenait le dessus sur moi.

la belle et le mafieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant