Chapitre 44

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« La colère est nécessaire ; on ne triomphe de rien sans elle [...] », Aristote

LOUIS XIV

— Sire, vous ne pouvez prendre de décision irréfléchie ! me réprimande presque mon Garde des Sceaux.

Cela fait deux jours que La Reynie et ses hommes ont retrouvé l'homme qui a osé s'en prendre à ma fille. Jules Brumont, comédien et, visiblement, traître à la Couronne à ses heures perdues. J'ai donné carte blanche à mon lieutenant pour lui faire cracher des aveux, ce qui ne semble pas vouloir faire pour le moment, d'après son dernier rapport. Une fois qu'il aura avoué — ce qu'il fera, je n'en ai aucun doute — il me sera présenté. En attendant, réfléchir à un châtiment est plus que nécessaire.
J'arque un sourcil devant l'audace de Louis Boucherat, Comte de Compans, qui ose discuter ma décision.

— C'est pourtant un traître à la France, il a abusé de la confiance que lui accordait la Comtesse pour s'en prendre à elle et la violer.

Comme toujours, devant mes ministres, je reste impassible, faisant fit de ma colère que je garde enfouie. Pour le moment.

— Et j'en suis tout à fait conscient, Sire, mais je crains que vous ne preniez cette décision uniquement parce qu'il s'en est pris à votre fille.
— Sa Majesté veut traiter le suspect comme n'importe qu'elle traître, intervient mon valet, fidèle à lui-même.
— Le dernier traître, vous l'aviez condamné à la décapitation, si je ne m'abuse, avant qu'il ne s'échappe. Et il était coupable d'espionnage.
— Où voulez-vous en venir ? s'intéresse le Surintendant des Finances.

Le Garde des Sceaux me jette un regard avant de s'adresser au Surintendant :

— Je pense simplement que... condamné Jules Brumont a...
— D'après vous, est-ce une peine trop lourde ? Trop cruelle ? l'interrompé-je d'un calme olympien, mais ce n'est qu'en surface.
— Je... pense simplement que votre cruauté dépasse l'entendement, Sire, que... vous faites cela uniquement parce qu'il s'agit de votre fille, comme je vous l'ai dit.
— Ne pensez-vous pas que j'aurais appliqué la même peine si la victime était une tout autre personne ?

Un silence lourd s'abat sur mon Cabinet du Conseil et tous les autres ministres présents plantent leur regard dans celui du Comte de Compans, attendant sa réponse avec impatience. Comme je le fais moi-même.

— Non, en effet, je ne le pense pas, Sire, avoue-t-il.

Des chuchotements naissent. Je me rapproche du ministre, menaçant, je pourrais presque entendre son coeur battre à une vitesse folle dans sa poitrine.

— De plus, c'est... c'est peut-être votre fille, Sire, mais... mais la Comtesse n'est qu'une bâtarde, j'ai... je crains que le peuple et même les nobles ne comprennent pas cette condamnation pour une fille qui... n'est pas officiellement la vôtre.

Les chuchotements se font moins discrets et mon corps, lui, est tendu. Trop. J'offre un regard mauvais et dédaigneux au Comte, qui ose prononcer de telles paroles devant moi.

— Ce dont le peuple pense ne m'intéresse guère, cet homme a séquestré ma fille et en a abusé, tout cela en la parfaite connaissance de l'usurpateur qui a profité d'avoir Sophie prisonnière pour tenter de me faire plier sur l'issue de la guerre. Je veux que chaque homme et chaque femme voit ce qui les attendent s'ils trahissent le royaume en s'alliant à l'ennemi.

Je me rapproche un peu plus de lui, le dominant de ma hauteur.
Tout le monde sait que lorsque le Roi ne laisse pas éclater sa colère, mais continue à parler calmement, cela s'avère encore plus dangereux que lorsqu'il exprime ses émotions, et cela, le Comte le sait pertinemment. D'ailleurs, il n'adopte plus la même posture assurée qu'il y a encore quelques secondes. Désormais, son regard est apeuré et sa déglutition est difficile.

Vices à Versailles - Pour arriver à moi Spin-offOù les histoires vivent. Découvrez maintenant