❄ CHAPITRE 2

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Roméo

Quand nous sommes arrivés au chalet, je savais que Jade m'en ferait voir de toutes les couleurs. Le trajet l'a énervée, elle n'aime pas rester trop longtemps sans bouger, et autant dire qu'avec l'heure et demie de route que nous venons de nous coltiner, j'ai épuisé son capital patience. Mes parents voulaient passer Noël en famille, avec les Dubois, comme nous ne l'avions pas fait depuis tant d'années. Jade rêvait de découvrir davantage de neige, alors j'ai cédé. Je ferais n'importe quoi pour son sourire, lui faire plaisir. Quelle connerie j'ai faite !

En attendant, ce n'est ni ma mère, ni mon père qui doit lui courir après sur un parquet ciré tandis qu'elle s'enfuit à moitié nue dans le couloir. Elle m'a eu en traite, cette chipie ! Je préparais l'eau du bain et elle m'a fait la moue parce qu'il n'y avait pas de jouets dedans. J'ai détourné les yeux, une demi-seconde, tout au plus. Bien suffisant pour une petite coquine de trois ans. J'ai failli me manger l'encadrement de la porte de la salle de bains, en souhaitant la rattraper. Mes chaussettes ont glissé, et ce ne fut pas mieux dans le couloir, mais la peur qu'elle ne veuille dévaler les escaliers m'a poussé à me précipiter davantage, quitte à me vautrer à plat ventre devant une Juliette bien plus adulte, et une fillette riant à gorge déployée.

Je me redresse, en me raclant la gorge, les joues en feu, je le sens.

— Salut, Juliette, marmonné-je, en saisissant le petit Gremlin avant qu'il ne s'enfuie à nouveau.

Ma fille se débat entre mes bras, je lui promets à l'oreille que si elle se montre coopérative, je lui préparerais un chocolat chaud avec des guimauves à la place de son dîner. Foutu pour foutu, autant que j'y trouve un semblant de répit ! Ma mère sera sûrement contre, mais je m'en moque. Je suis son père, je suis responsable d'elle, et par conséquent, je suis à même de décider de ce qui est bon ou non pour elle. Qu'est-ce que je risque au fond ? Une heure de plus à lui lire une histoire pour l'endormir ? Qu'importe ! J'adore ces moments.

Si on m'avait dit un tel truc il y a cinq ans, j'aurais ri comme une baleine, tant cela m'aurait semblé délirant, et pourtant... Quand son petit corps tout chaud est blotti au creux de mes bras, que je tourne les pages de son livre imagé préféré, j'ai le sentiment d'emplir son cœur de joie. Son regard qui s'illumine me donne des papillons dans l'estomac, alors je ferais absolument tout pour rendre ma fille heureuse. Vraiment tout !

Jade capitule, les pupilles de Juliette vont et viennent de ma fille à moi-même, l'air estomaqué. J'en conclus qu'elle ignorait que je serais ici, tout comme la présence de Jade. Toute la hargne qu'elle semblait vouloir décharger en un chapelet d'insultes reste bloquée au sein de sa gorge. Qu'une enfant soit là l'aide à canaliser les gros mots qui lui démangent. La revoir après toutes ces années est étrange. En bien. J'ai l'impression que toute une vie s'est écoulée depuis la dernière fois où j'ai aperçu Juliette.

Je me souviens l'avoir un jour croisée sur Strasbourg, il y a plus ou moins quatre ans, quand je suis revenu dans la région. Elle se trouvait sur le trottoir devant une pâtisserie, les bras chargés de paquets, et s'est précipitée dans la boutique pour m'éviter. Ce qu'elle s'est évertuée à faire depuis près d'une décennie, pour une raison qui m'échappe. Il faut croire qu'à présent, l'heure des hostilités est en partie résolue. Pour combien de temps ? Je l'ignore.

Juliette fait partie d'un passé que je n'ai jamais renié, elle est comme un membre de ma famille, nous avons grandi ensemble. J'ai veillé sur elle durant toute notre scolarité ou presque. J'ai menacé de refaire le portrait à un ou deux mecs qui la regardaient de trop près au secondaire, parce qu'ils détenaient des propos dégueulasses au sujet de ses seins plus développés que la moyenne pour son âge.

POUR NOËL... Tout sauf cet enfoiré de Roméo ! ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant