❄ CHAPITRE 3

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Juliette

La fille de Roméo me suit comme mon ombre depuis tout à l'heure. Suzanne l'a coiffée, puis quand elle a vu que je dégustais un café, elle a désiré que je lui prépare une boisson chaude. Et bien entendu, elle l'a fait en me fixant droit dans les yeux avec ses petites billes du bleu identique que son papa, et cette même frimousse mignonne. J'ai regardé sa grand-mère qui a accepté que je le fasse. Que suis-je censée savoir sur ce que les enfants peuvent ingurgiter après une certaine heure ? Le sucre n'est-il pas déconseillé parce qu'il les excite trop avant de dormir ? Détourner le visage était une façon d'échapper à ce contact visuel qui m'a plus qu'ébranlé.

Jade a ensuite regardé son père en train de couper du bois dehors et je n'arrêtais pas de me demander pourquoi elle me collait comme ça. Elle est mignonne, je ne prétends pas le contraire, mais j'en suis encore à digérer la présence de ce... connard. Je n'arrive pas à croire que mon père et ma sœur ne m'aient rien dit. D'accord, j'ai été dure, en leur disant que je ne voulais plus entendre parler de lui, mais tout de même... Il a un enfant ! Ce n'est pas un foutu hamster ou un poisson rouge, non, c'est un évènement important dans la vie d'une personne, et je n'en savais rien.

Ce qui me turlupine depuis tout à l'heure, c'est aussi le fait qu'aucune nana ne s'est pointée, et ça fait près de soixante minutes que je suis là. Où peut bien être la mère de cette gamine ? Noël sans sa maman, j'ai du mal à y croire tant ça me paraît surréaliste, même s'ils étaient séparés et faisaient une garde alternée. Je crains de dire une ânerie, alors depuis que j'ai mis les pieds ici, je suis murée dans le silence, je cogite dans mon coin avec une petite fille sur mes traces.

Je ne prononce pas un mot lors du dîner. La famille Leroy au complet papote avec mon père et ma sœur. Suzanne essaie même de me faire la conversation, cependant, je me sens complètement rincée par le trajet, ces révélations plutôt surprenantes. La curiosité me dévore et je ne peux pas l'étancher, parce que d'un : nous ne sommes plus amis, lui et moi, et deux : ça ne me concerne pas.

Je débarrasse la table, toujours en silence. Roméo et la petite s'éclipsent au premier. Il doit la coucher. J'ai la sensation d'enfin pouvoir respirer, de regarder droit devant moi tandis que pendant le repas, je n'avais le nez dirigé que dans mon assiette pour ne pas avoir à le fixer. Je ne m'étais pas préparé à ça. Adolescente, bien qu'il fût un tantinet couillon avec moi, je passais mon temps à l'observer parce que j'étais secrètement folle de lui. Oui, ce n'est pas très original ! Vous pouvez me croire, mon père va s'en prendre plein les oreilles. Il a été fourbe sur ce coup-ci, je ne sais pas ce qui lui a pris pour ne pas me dire que les Leroy seraient au chalet avec nous pour ce séjour. La cocotte est sur le point d'exploser tant je me contiens.

— Je suis contente de te voir après tout ce temps, ma chérie ! clame Suzanne, une fois que nous sommes au calme.

J'affiche un petit sourire équivoque. Elle pose affectueusement sa main sur mon épaule qu'elle presse gentiment. Nous avons toujours eu une bonne relation. Quand je ne pouvais pas parler avec maman, car ça me mettait mal à l'aise, il m'arrivait de le faire avec elle. D'ailleurs, je me souviens d'une fois où ça a même donné une occasion de plus à Roméo pour se moquer de moi. Comme toujours.

— Bah alors, Ju' ! On ne sait pas si on plaît à un garçon ? raille-t-il.

J'ai treize ans, et ce petit con, quinze ans. Sous prétexte que Roméo a deux ans de plus que moi, il se croit maître en la matière des relations avec les filles. Ben oui, monsieur sait comment les harponner, paraît-il ! Il a un sacré avantage. Il a l'expérience que je n'ai pas, et surtout, cette assurance qui le définit. Il ne se passe pas une semaine au collège sans que je n'entende de la bouche d'une camarade : « Tu ne saurais pas, à tout hasard, si Roméo a une petite amie ? ». Toutes mes copines sans exception en sont folles. Pire ! Je crois que moi aussi. Depuis quelque temps, je me sens bizarre en sa présence. J'ai des trucs qui gargouillent dans mon ventre et j'ai l'impression que mon cœur va exploser. Mais je le hais aussi tellement parfois, comme à cet instant où il se moque de moi et mon « innocence ».

POUR NOËL... Tout sauf cet enfoiré de Roméo ! ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant