L'accident

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La pluie battait violemment contre le pare-brise, créant un voile flou sur la route sinueuse. Les essuie-glaces allaient et venaient en cadence rapide, mais malgré leurs efforts, il devenait de plus en plus difficile de voir à plus de quelques mètres devant eux. Hugo conduisait, les mains crispées sur le volant, son regard fixé sur la route. À côté de lui, Léna, fatiguée après une longue soirée passée ensemble, regardait distraitement le paysage nocturne défilant sous la pluie.

Ils avaient passé la soirée dans un petit restaurant à quelques kilomètres de la ville, un endroit qu'ils avaient découvert ensemble, perdu au milieu de la campagne. C'était censé être une soirée tranquille, un moment pour se reconnecter après les tensions récentes. La nourriture avait été délicieuse, les conversations plus légères qu'elles ne l'avaient été depuis des jours, et tout semblait aller mieux entre eux. Ils avaient même ri, comme avant.

Mais maintenant, dans l'obscurité humide de la nuit, une étrange tension s'était installée dans la voiture. Hugo paraissait concentré, trop concentré. Léna jeta un coup d'œil vers lui, mais il ne la regarda pas. Elle sentit une boule d'inquiétude se former dans son ventre.

— Ça va ? demanda-t-elle, la voix hésitante.

— Oui, oui, ça va, répondit Hugo, sans quitter la route des yeux. La pluie est juste un peu plus forte que je ne pensais.

Il essayait de la rassurer, mais Léna sentait qu'il y avait autre chose. Il semblait préoccupé, comme s'il était ailleurs, perdu dans ses pensées. Peut-être que les tensions entre eux n'étaient pas totalement apaisées, malgré leurs efforts pour les mettre de côté ce soir-là.

La pluie redoublait d'intensité, transformant la route en un ruban de goudron luisant et glissant. Hugo ralentit légèrement, mais pas assez pour dissiper l'angoisse qui grandissait en Léna. Elle ouvrit la bouche pour lui demander de ralentir davantage, mais à cet instant, tout bascula.

Un bruit sourd déchira la nuit.

Léna n'eut pas le temps de comprendre ce qui se passait. Le monde autour d'elle se mit soudain à tourbillonner, la voiture quittant la route dans une spirale vertigineuse. Elle entendit Hugo crier son nom, mais sa voix semblait lointaine, comme étouffée par le chaos qui les entourait. Les lumières de la voiture dansaient follement sur les parois de la route avant que tout ne devienne noir.

Le choc fut brutal. Un bruit de métal déchiré, de verre éclaté, et la voiture s'écrasa contre un obstacle invisible. Le monde sembla se figer un instant, suspendu dans un silence oppressant, avant que la douleur n'envahisse chaque fibre de son corps. Léna sentit son souffle se couper, sa poitrine compressée sous le poids des débris. L'odeur âcre d'essence et de brûlé flottait dans l'air, mêlée à celle de la pluie qui s'infiltrait par les fenêtres brisées.

Tout autour d'elle était confus, flou. Elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé, quelques secondes ou des heures, mais lorsqu'elle tenta de bouger, une douleur fulgurante lui arracha un cri. Son corps tout entier lui semblait brisé. Le moindre mouvement la plongeait dans une souffrance insoutenable.

— Hugo ? murmura-t-elle faiblement, la gorge serrée.

Aucune réponse.

Elle tourna la tête, luttant contre la douleur, et aperçut Hugo à côté d'elle. Il était affalé contre le volant, immobile. Du sang coulait doucement de son front, se mêlant à la pluie qui pénétrait dans la voiture. Une angoisse terrible saisit Léna, plus forte que toutes les douleurs qu'elle pouvait ressentir.

— Hugo... ? répéta-t-elle, plus fort cette fois, la voix brisée par la peur.

Toujours aucun signe de vie. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, résonnant dans ses oreilles, mais Hugo ne bougeait pas. Elle essaya de tendre la main vers lui, mais sa vision se brouilla sous l'effet de la panique et de la douleur. Elle ne pouvait pas le perdre, pas comme ça. Pas maintenant.

Elle entendit vaguement le bruit lointain d'une voiture qui arrivait, les pneus crissant sur la route mouillée. Des voix. Des pas précipités. Les sirènes, d'abord à peine audibles, se rapprochèrent rapidement, perçant le silence de la nuit. Mais Léna ne distinguait plus que le visage de Hugo, inerte, à quelques centimètres d'elle. Le temps s'était arrêté.

Quand les secours arrivèrent enfin, ils se précipitèrent vers la voiture accidentée. Les pompiers brisèrent les vitres restantes et s'empressèrent de dégager les deux corps piégés à l'intérieur. Léna, à moitié consciente, sentit des mains la tirer doucement. Tout était flou. Elle ne pouvait plus bouger, son corps refusait d'obéir. Mais elle entendait, faiblement, des fragments de phrases échappant aux secouristes.

— Il n'y a rien à faire pour lui... dit une voix grave, pleine de tristesse.

Léna tenta de protester, de crier que ce n'était pas possible, que Hugo ne pouvait pas être parti, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Ses yeux se fermèrent alors qu'elle sombrait dans l'inconscience, emportée par la douleur et le choc.

Le lendemain, la lumière du jour perça à travers les rideaux de l'hôpital. Léna ouvrit difficilement les yeux, éblouie par la clarté. Sa tête la lançait, et son corps tout entier était comme engourdi. Elle tenta de bouger, mais la douleur l'en empêcha. Elle ne comprit pas immédiatement où elle était, ni pourquoi. Tout semblait flou, irréel, comme si elle était coincée dans un cauchemar.

Puis, les souvenirs de l'accident revinrent brusquement.

— Hugo...

Sa voix n'était qu'un murmure faible, mais le simple fait de prononcer son nom lui fit monter les larmes aux yeux. Elle tourna la tête, cherchant désespérément quelqu'un pour lui dire que tout allait bien. Mais elle était seule dans la chambre.

Une infirmière entra doucement, un sourire compatissant sur le visage. Léna la regarda, l'espoir brûlant dans ses yeux.

— Où est Hugo ? demanda-t-elle d'une voix tremblante.

Le sourire de l'infirmière s'évanouit. Elle hésita, baissant légèrement les yeux avant de s'approcher du lit de Léna.

— Je suis désolée, mademoiselle, dit-elle doucement. Votre ami... il n'a pas survécu à l'accident.

Le monde de Léna s'effondra à cet instant précis. Tout bruit, toute lumière, toute sensation s'évanouirent autour d'elle, ne laissant que le vide. Un vide immense, douloureux, qui engloutissait tout. Hugo, son Hugo, était parti. Elle était là, seule, blessée, mais en vie. Tandis que lui... Il ne reviendrait jamais.

Les larmes roulèrent sur ses joues sans qu'elle ne puisse les arrêter. La douleur physique s'effaça devant celle, bien plus profonde, qui venait de déchirer son cœur. Leur histoire, leurs rêves, tout venait de s'éteindre en une nuit pluvieuse, dans un éclat de métal et de verre brisé.

Échos d'un amour perdu Où les histoires vivent. Découvrez maintenant