Nous n’avons pas dormi. Aiko a passé la nuit assise à même le sol, son téléphone entre ses mains, fixant le message comme s’il détenait une clé qu’elle n’arrivait pas à tourner. De mon côté, je feuilletais les documents de la boîte, essayant de trouver un indice, une piste, quelque chose.
— Ils savent tout, murmure Aiko soudainement, brisant le silence.
Je relève la tête.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Ils savent pour Emi, pour moi, pour nous, Suki. Ce n’est pas un jeu, ces gens ont des moyens qu’on ne peut même pas imaginer.
Je m’approche, m’asseyant à côté d’elle.
— Justement, c’est pour ça qu’on doit agir. Si on ne fait rien, ils gagneront.
Ses yeux gris se fixent sur moi, emplis d’une fatigue qui va bien au-delà du manque de sommeil.
— Mais si on agit, ils pourraient nous détruire.
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La journée passe dans une torpeur étrange. Nous avons décidé de retourner au lycée, espérant que la routine puisse nous donner un semblant de normalité. Mais chaque regard, chaque mouvement nous semble suspect.
Pendant la pause déjeuner, Hana nous rejoint. Son expression est plus grave qu’à l’accoutumée.
— Vous allez bien ? demande-t-elle en s’asseyant à côté de moi.
Aiko et moi échangeons un regard.
— Oui, répond Aiko après une hésitation. Juste fatiguées.
Hana plisse les yeux, clairement peu convaincue.
— Vous savez que vous pouvez tout me dire, hein ?
Je hoche la tête, mais je sens Aiko se raidir à côté de moi. Elle n’a jamais vraiment pardonné à Hana de nous avoir exposées il y a quelques mois.
Quand Hana s’éloigne, Aiko murmure :
— On ne peut faire confiance à personne.
Je déglutis.
— Même pas à moi ?
Elle me regarde, et je vois une lueur d’excuse dans son regard.
— Toi, tu es la seule à qui je fais confiance, dit-elle doucement.
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En fin de journée, alors que tout le monde quitte les lieux, un mot glissé dans mon casier attire mon attention. Je l’ouvre avec précaution :
« Toi et Aiko êtes surveillées. Ne faites pas confiance aux autres. Restez discrètes. RDV au parc central, 20h. Venez seules. »
Mon cœur s’emballe.
— C’est une blague ? dis-je à voix haute.
Aiko se penche pour lire le mot, et je vois son visage se fermer.
— Ils nous manipulent, dit-elle.
— Mais... et si c’était quelqu’un qui voulait nous aider ?
Elle hésite, puis arrache le mot de mes mains.
— On ira. Mais si c’est un piège, on se défend.
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Le parc est désert quand nous arrivons, l’air glacé mordant nos joues. Une silhouette encapuchonnée nous attend près d’un banc.
— Vous êtes là, murmure une voix masculine lorsque nous approchons.
Aiko se place instinctivement devant moi, une main sur mon bras.
— Qui êtes-vous ? demande-t-elle froidement.
L’homme retire sa capuche, révélant un visage jeune mais marqué par des cicatrices.
— Je m’appelle Kaito, dit-il. Je travaillais pour eux.
Mon souffle se coupe.
— "Eux" ?
Il hoche la tête.
— L’organisation. Celle qui a enlevé Emi.
Aiko fronce les sourcils, ses poings serrés.
— Pourquoi on devrait te croire ?
Kaito sort un badge qu’il nous tend.
— J’étais un des leurs. Mais quand j’ai vu ce qu’ils faisaient... j’ai décidé de fuir.
Aiko reste méfiante, mais je sens une pointe de curiosité dans sa voix lorsqu’elle demande :
— Et pourquoi nous aider ?
— Parce que votre sœur, dit-il en regardant Aiko, est la clé pour les détruire.
Un silence tombe, lourd et oppressant.
— Explique-toi, ordonne Aiko.
Kaito soupire.
— Emi travaillait pour eux comme chercheuse. Mais elle a découvert un projet qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Une technologie capable de contrôler l’esprit humain à grande échelle.
Je sens mon cœur s’emballer.
— Contrôler... l’esprit ?
Kaito hoche la tête.
— Elle a pris des preuves et les a cachées. Mais ils l’ont retrouvée avant qu’elle ne puisse tout révéler. Maintenant, ils veulent récupérer ce qu’elle a volé.
Aiko se mord la lèvre, visiblement déchirée entre la colère et la peur.
— Et qu’est-ce qu’on est censées faire ?
Kaito nous fixe, ses yeux sombres brillant d’une intensité dérangeante.
— Vous devez trouver où elle a caché ces preuves. Avant eux.
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Sur le chemin du retour, Aiko reste silencieuse, perdue dans ses pensées. Moi, je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’on vient d’apprendre.
— Tu penses qu’il dit la vérité ? demande-t-elle finalement.
Je prends une profonde inspiration.
— Je ne sais pas. Mais s’il y a une chance de sauver Emi... on doit la saisir.
Elle hoche la tête, ses yeux fixant le sol.
— Alors, on trouvera ces preuves.
Un frisson me parcourt, mais cette fois, ce n’est pas la peur. C’est la certitude que notre vie vient de basculer une fois de plus.
À suivre...
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Ombres du passé
RomanceSuki, récemment sortie d'une relation brisée, lutte avec son manque de confiance et se dévalorise constamment. Lors d'un atelier de théâtre, elle rencontre une jeune femme pétillante et franche qui attire son attention, mais qui cache aussi un passé...