Vadim
- Faites attention ! pesté-je.
S'il y a bien une chose que je déteste par-dessus tout, c'est bien le chahut. Ça crie de partout, ça s'envoie des objets dans la figure, ça s'insulte, et ça fait un bruit insupportable. Alors oui, j'adore Claire, mais sérieusement, j'ai envie de la tuer à chaque fois qu'elle est en retard. Parce que les élèves en profitent pour mettre le boxon. Résultat, ça prend dix minutes pour ravoir le silence. Non pas que j'aime particulièrement suivre les cours. Ne vous méprenez pas.
Je crois que l'école n'a jamais été pour moi, même si je me débrouille plutôt bien. Je me fais chier en classe. Je ne suis pas vraiment fait pour rester assis et écouter des adultes pas du tout pédagogues, nous enseigner des trucs débiles dont la moitié ne me serviront jamais. C'est pour cette raison que l'une des seules choses que j'aime bien avec la nouvelle réforme du Bac, c'est la douzaine d'heures de spécialité à laquelle on assiste toutes les semaines. Douze heures où l'on étudie quelque chose qui nous plait. Et dont six avec Claire, à en apprendre plus sur les sciences économiques et sociales.
Ça peut paraitre un peu étrange d'entendre un élève appeler sa prof par son prénom, mais Claire a été la seule à m'aider quand tous les autres m'ont laissé tomber. Elle m'a aidé à me reprendre en main, après l'épisode de l'année dernière. Un épisode qui me reste encore en travers de la gorge.
Elle me manque encore.
Claire et moi, on s'est beaucoup rapprochés. Elle s'est occupée de moi, a pris du temps pour moi, et m'a soutenu quand je croyais que rien ne s'arrangerait. Je lui dois beaucoup. Et dans la logique des choses, notre relation a évolué. Je crois que je la considère un peu comme une grande sœur.
Je sais, c'est bizarre.
Assis sur une chaise au fond de la classe – toujours – j'attends impatiemment que Claire daigne se pointer. Je rumine parce que j'en ai marre de toute cette cohue. Et alors que je reçois une énième boulette de papier sur la tête, mon regard s'arrête sur elle.
La première fois que je l'ai vue, c'était au discours de Mr. Jafar, ce matin. Je m'ennuyais, et Thomas pianotait sur son téléphone. C'est en faisant le tour de la cour des yeux que je suis tombé sur elle. Je l'ai tout de suite trouvée belle, avec ses cheveux roux coupés en un carré parfait, ses deux billes vertes, et sa peau blanche, presque diaphane.
J'avoue avoir beugué sur elle. Elle me faisait penser à Alison. Elle aussi était rousse, la chevelure aussi longue que la crinière d'un cheval. Elle avait les yeux aussi bleus qu'un saphir. Et ses petites taches de rousseur la rendaient vraiment mignonne.
Malheureusement, j'ai appris, et à mes dépends, qu'elles ne se ressemblent que dans le physique. Alison, elle, était gentille. Un peu timide, mais pas trop. Sa seule faiblesse était d'avoir un cœur trop grand.
Faut que j'arrête de penser à elle.
Anna, elle, ne supporte pas la critique. Elle se traine un air hautain que ne lui scie pas du tout. On dirait une enfant pourrie gâtée. Et après une petite recherche, parce que son nom me disait quelque chose, c'est affirmatif : c'est une petite fille à papa qui refuse qu'on lui tienne tête. Elle me l'a très bien démontré, tout à l'heure. Et c'est vraiment dommage, parce qu'elle m'a touchée, quand elle m'est rentrée dedans. A cet instant, elle m'avait paru un peu perdue et j'avais eu envie de l'aider. Mais ça, c'était avant de la connaitre. Elle m'a saoulé.
Pourtant, je crois que je vais devoir me farcir sa tête en cours de SES[1]. Mais temps qu'elle ne se met pas à côté de moi, ça me va. Ce qui ne risque pas d'arriver puisque je la vois s'asseoir au premier rang, avec sa sœur.
VOUS LISEZ
Jusque dans l'au-delà... et plus loin encore
RomanceAnna a tout pour être heureuse. A 17 ans, elle possède la réussite, la famille et la fortune. Mais tout bascule le jour où elle apprend qu'elle déménage pour que son père, PDG d'une entreprise dans l'immobilier, puisse ouvrir une filiale à Paris. Co...