Les habitudes

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L'appartement était encore plongé dans l'obscurité lorsque le réveil d'Éléonore se mit à sonner doucement. Elle grogna, tendant la main pour l'éteindre, mais avant même d'atteindre l'appareil, un éclat de rire retentit depuis la cuisine.

« Debout, princesse ! La journée commence ! »

Éléonore sourit malgré elle, même si elle aurait préféré rester sous sa couette un peu plus longtemps. Ellie Williams, sa colocataire, meilleure amie et éternelle pile électrique, s'affairait déjà à préparer le petit-déjeuner. L'odeur familière du café fraîchement moulu embaumait l'air, et les éclats de voix joyeux d'Ellie résonnaient dans l'appartement.

Ellie était l'opposé complet d'Éléonore. Grande, athlétique et un brin masculine, elle dégageait une énergie brute et une confiance naturelle. Toujours vêtue de ses joggings d'entraînement, elle ne prêtait guère attention à son apparence, préférant le confort à la mode. Ses cheveux bruns étaient souvent en bataille, coincés sous une casquette ou laissés en désordre après un entraînement. Ellie aimait plaisanter, taquiner, et vivait chaque instant avec intensité. En revanche, Éléonore, avec son style soigné et ses manières réservées, apportait une touche de calme et de réflexion à leur duo. C'était cette différence qui les rendait si complémentaires, et c'est ce qui avait nourri leur amitié au fil des années.

« Allez, bouge-toi ! On a un entraînement ce matin, et tu sais que t'es la seule à me supporter quand je suis en mode compétitif, » lança Ellie en s'appuyant contre l'encadrement de la porte, un sourire espiègle sur les lèvres.

Éléonore se redressa lentement, les cheveux encore éparpillés autour de son visage, et jeta un coup d'œil à Ellie, déjà prête, sa casquette à l'envers et un sourire taquin accroché à ses lèvres.

« Je ne sais pas comment tu fais pour être aussi en forme à cette heure-là, » marmonna Éléonore en s'étirant.

« C'est simple, chérie. Je suis une machine ! » répondit Ellie en flexant ses bras musclés d'un air exagéré.

Éléonore éclata de rire. C'était impossible de ne pas sourire en présence d'Ellie. Malgré leur rythme de vie parfois épuisant, Ellie parvenait toujours à insuffler de la joie et de la bonne humeur dans chaque moment. Et même si elle ne l'admettait jamais, Éléonore adorait ces instants de légèreté.

Après une douche rapide et un café avalé à la hâte, Éléonore enfila sa tenue du jour — un jean ajusté et un pull sobre — puis attrapa son sac contenant son carnet de notes et son ordinateur portable. Elle était journaliste sportive, et couvrir les matchs et entraînements d'Arsenal était devenu sa spécialité. Accompagner Ellie, qui était l'une des meilleures attaquantes de l'équipe, rendait ce travail à la fois plus facile et plus complexe. Facile, car elle connaissait intimement le sujet de ses articles. Complexe, car l'amitié profonde qui les liait pouvait brouiller les frontières entre le travail et la vie personnelle.

« T'as encore prévu de m'interviewer aujourd'hui, ou tu vas juste me regarder briller ? » demanda Ellie en lui lançant un clin d'œil tandis qu'elles quittaient l'appartement.

« Te regarder briller, c'est ce que je fais de mieux, non ? » répondit Éléonore avec un sourire en coin, refermant la porte derrière elles.

Le trajet jusqu'au terrain d'entraînement d'Arsenal était rapide, à peine dix minutes en voiture. Les rues de Londres étaient encore calmes à cette heure-ci, et un silence complice s'installa entre elles, interrompu seulement par les commentaires occasionnels d'Ellie sur la météo ou le match à venir.

Lorsqu'elles arrivèrent enfin au centre d'entraînement, Éléonore s'installa sur le banc habituel, son carnet prêt, tandis qu'Ellie rejoignait ses coéquipières sur le terrain. Malgré ses airs de clown, Ellie devenait une véritable machine de concentration dès qu'elle touchait le ballon. Ses mouvements étaient rapides, précis, et elle n'avait besoin que de quelques secondes pour anticiper les actions de ses coéquipières, déjouer les défenseures et marquer des buts impressionnants.

Éléonore l'observa, comme à chaque fois, fascinée par cette capacité qu'avait Ellie à passer d'un état de décontraction totale à celui d'une compétitrice impitoyable. Même si elle avait déjà écrit des dizaines d'articles sur elle, elle ne se lassait jamais de la voir jouer. Il y avait quelque chose de magnétique dans sa façon d'évoluer sur le terrain, un mélange de puissance et de grâce brute qui captait l'attention de tous.

Ellie s'élança vers le but avec le ballon, dribla deux défenseures, puis décocha une frappe imparable qui fila droit dans le filet. Un sourire éclatant illumina son visage tandis que ses coéquipières venaient la féliciter.

Après l'entraînement, alors qu'Ellie s'essuyait le visage avec sa serviette, elle rejoignit Éléonore sur le banc. Son visage était encore rougi par l'effort, mais elle avait toujours cette lueur espiègle dans les yeux.

« Alors, qu'est-ce que t'as pensé de ça ? Impressionnée, hein ? » dit-elle en se penchant vers elle, assez près pour que la journaliste sente l'odeur de la sueur mêlée à celle de l'herbe fraîchement coupée.

« Tu sais bien que je suis toujours impressionnée, » répondit Éléonore en levant les yeux au ciel, amusée.

Ellie éclata de rire et passa un bras autour des épaules d'Éléonore, la rapprochant d'elle de façon exagérément affectueuse. « Allez, fais pas ta timide. Je sais que tu rêves d'écrire un livre sur moi. La vie d'une légende du foot : Ellie Williams, ça sonne bien, non ? »

Éléonore haussa un sourcil. « Si je devais écrire un livre sur toi, il faudrait que je mentionne tes blagues nulles et ton obsession pour les tacos. Pas sûre que ça tienne en un seul tome. »

Ellie éclata de rire encore plus fort, secouant légèrement Éléonore avec son étreinte amicale. C'était toujours comme ça entre elles. Taquineries, blagues, et cette complicité qui rendait leur amitié si unique. Pourtant, dans ces moments de rires et de légèreté, Éléonore sentait parfois quelque chose d'autre. Une tension imperceptible, un sentiment qu'elle n'osait pas nommer. Ellie, avec son caractère joueur et charmeur, avait une façon d'effacer les barrières que la journaliste se fixait naturellement.

Mais Éléonore n'avait pas le temps de réfléchir davantage à ces émotions floues. Ellie lui tapa doucement sur la tête, comme elle le faisait souvent, avec une tendresse qui contrastait avec son attitude souvent brusque.

« Allez, faut qu'on rentre. Et ce soir, c'est moi qui choisis le film, » déclara Ellie en se relevant, attrapant son sac d'entraînement.

Éléonore secoua la tête avec un sourire. « Pas encore un de tes films d'action, j'espère... »

« Tu rigoles ? Ce soir, c'est marathon Fast & Furious ! » lança Ellie en courant vers la sortie, ses éclats de rire résonnant dans l'air frais de l'après-midi.

Éléonore resta un moment immobile, souriant malgré elle. Elle connaissait Ellie par cœur, et pourtant, elle ne cessait de la surprendre, de la faire rire, de l'intriguer. Leur quotidien était un savant mélange de taquineries, de moments de partage et de cette douceur inattendue que la jeune footballeuse savait distiller à sa manière.

« Attends-moi, Ellie ! » cria finalement Éléonore en se levant pour la rejoindre. Et comme toujours, elle suivit le rythme de son amie, un peu plus vite que le sien, mais juste assez pour être à ses côtés.

My SecretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant