𝐓𝐨𝐤𝐲𝐨

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Enfin arrivée après plus de treize heures de vol direct. Je ne sens plus mes jambes et le décalage horaire m'a complètement assommée. Logiquement, il devrait être 19 heures à New York, mais ici, il est à peine 8 heures du matin.

Je récupère ma petite valise et sors de l'aéroport pour chercher un taxi. Ne parlant pas un mot de japonais, je vais devoir utiliser des applications de traduction pour me faire comprendre. À la zone de débarquement, un taxi m'aperçoit rapidement et me propose de me conduire.

Je dépose ma valise dans son coffre et m'installe à l'arrière. Le chauffeur est très amical et maîtrise quelques mots d'anglais, ce qui rend la conversation plus simple.

Je n'ai pas l'intention de faire du tourisme. Je veux juste trouver une chambre d'hôtel, poser mes affaires, aller au point de rendez-vous inscrit sur la lettre, et rentrer aux États-Unis. Je consulte rapidement mon téléphone pour trouver un endroit où passer la nuit. Bingo ! Il y en a un juste à côté du casino : "Starlit Haven Hotel". Ça sonne plutôt bien.

Quoi ?! 22 400 yens pour une seule nuit ? Ça fait presque 150 dollars... Je vais dormir dans un palace ou quoi. En plus, je suis toute seule. Je vais devoir me contenter de céréales à l'eau en rentrant.

Je pose ma tête contre la fenêtre et observe la ville défiler. Il n'est que 8 heures, mais Tokyo est déjà bien réveillée. Les rues sont animées mais restent ordonnées, les gens sont élégants et la diversité des styles est frappante. Le taxi se faufile entre des avenues bordées de gratte-ciels modernes, entrecoupées de temples traditionnels et de petits sanctuaires qui apportent une touche de sérénité. Les enseignes lumineuses sont éteintes, mais je devine que la ville sera encore plus belle ce soir. Nous nous arrêtons à un feu rouge pour laisser passer des piétons pressés : plusieurs groupes d'étudiants en uniforme traversent en remerciant poliment le chauffeur. C'est magnifique ici.

Nous serpentons à travers des rues bordées de cafés et de boutiques prêtes à ouvrir leurs portes pour la journée. À cet instant, je regrette Lauren. Elle aurait adoré être ici. Peut-être qu'un jour, nous reviendrons ensemble. Dans de meilleures circonstances.

Le chauffeur descend ma valise, je lui tends l'argent et il me remercie une bonne dizaine de fois. Si seulement les gens étaient aussi aimables aux États-Unis...

J'entre dans le hall du Starlit Haven Hotel et me dirige vers le comptoir.

— Une chambre pour une nuit, s'il vous plaît.

L'hôtesse m'adresse un sourire, mais elle ne semble pas comprendre.

— Attendez, dis-je en sortant mon téléphone et en tapant sur le clavier.

— Écoutez... Je lui tends le téléphone, le traducteur automatique se déclenche et cette fois, elle comprend. Elle tape rapidement sur son clavier et, après quelques instants, se lève pour me faire signe de la suivre. J'obéis et nous entrons dans un ascenseur.

Je me retourne et, surprise, découvre que la vitre de l'ascenseur est transparente. À mesure que nous montons, Tokyo s'étale sous mes yeux.

— C'est magnifique, murmuré-je, le nez collé à la vitre.

Le "ding" de l'arrivée me sort de ma contemplation, et je remarque que l'hôtesse est déjà sortie. Je me précipite pour la suivre dans un couloir recouvert d'un tapis rouge flamboyant.

Elle s'arrête devant une porte et passe une carte magnétique sur la serrure. Elle me désigne la pièce, et je comprends que c'est ma chambre.

— Arigatou, dis-je en m'inclinant.

Elle me retourne mon salut avec un sourire professionnel et repart en silence. J'entre dans la chambre et mon cœur rate un battement.

— Putain de merde...

Je comprends pourquoi je vais devoir me contenter de pâtes à l'eau en rentrant. C'est une suite de star. Je retire mes baskets, pose mon gilet sur la valise et saute sur le lit immense. La suite est lumineuse, avec une baie vitrée qui inonde chaque recoin de lumière.

— Je suis dans un king size ou un God size ? dis-je en caressant les draps d'une douceur soyeuse.

Curieuse, je me dirige vers la salle de bain.

— Oh non... !

Une immense baignoire, probablement équipée de fonctions jacuzzi, trône là, entourée de marbre poli et de vasques dorées. Un meuble en bois précieux regorge de serviettes estampillées du logo de l'hôtel.

— Et si je prenais un bain ? Il me reste un peu de temps avant ce soir, non ?

Ni une ni deux, je me retrouve dans la grande baignoire, couverte de mousse parfumée, un verre de jus de mangue à la main. Le paradis. Je ferme les yeux, prête à me détendre. Mais il faut que je reste lucide pour ce soir.

Après une demi-heure de bain, j'enfile un peignoir de l'hôtel (je compte bien l'emporter à New York, celui-là) et mon ventre crie famine.

...

— Allô ? Vous parlez anglais ? Parfait ! Alors je voudrais...

Je paie cet hôtel une fortune, autant profiter du room service.

Quelques minutes plus tard, un serveur m'apporte un plateau de sushis variés, un bol de ramen au bœuf, des brochettes de poulet grillées et des okonomiyaki, une sorte de crêpe japonaise.

— J'aime le Japon, et encore plus la bouffe, m'exclamé-je en dévorant ces plats délicieux.

La fin de journée approche rapidement. La lettre ne mentionne pas d'heure précise pour le rendez-vous, alors j'imagine que je dois y être ce soir. Pas de précision sur le lieu non plus : dois-je entrer dans le casino ou attendre devant ? Et qui suis-je censée rencontrer ? Est-ce qu'il me connaît ? Bien sûr que oui.

Je me dirige vers ma valise et en sors une robe en satin rouge cerise. C'était un cadeau de Lauren. Je n'ai jamais eu l'occasion de la porter.

— C'est ton heure de gloire, ma belle... dis-je en la contemplant.

Je sors également une paire d'escarpins noirs.

Il y a du boulot.

Après une heure dans la salle de bain, je ressemble enfin à quelque chose. Je ressemble à une femme allant passer une soirée au casino.
La robe est courte, mais elle me va bien. Je me sens belle, et ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ça. J'ai laissé mes cheveux détachés pour contraster avec le rouge de la robe. Mon maquillage est sobre, mais avec un rouge à lèvres intense, ça devient plus sophistiqué.

Je suis prête. Il est 21 heures. Avant de partir, je prends un sac où je glisse la lettre, un sachet contenant du GHB et un pic à cheveux – au cas où ça pourrait servir pendant la soirée.

J'enfile mes talons, me jette un dernier regard dans le miroir, et sors de la chambre.

J'appelle un taxi et lui indique ma destination. Une dizaine de minutes plus tard, j'arrive enfin.

À nous deux, cher Casino de la Lumière.

UNTRUTHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant