𝐋𝐚 𝐥𝐨𝐢 𝐝𝐮 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐟𝐨𝐫𝐭

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Ce monde dans lequel je suis tombée est encore plus violent que ce que j'avais imaginé.

Je repense aux mots de Shade : "On est une famille."
Une famille ? Peut-être. Mais une famille qui bouffe tout sur son passage. Si on m'avait laissé un peu plus de temps avec Judy, j'aurais peut-être compris ce que ça veut dire, la famille.

Sniper s'approche de moi. Il s'est changé. T-shirt noir, bandeau sur le front, il se fond dans la masse comme un loup parmi les siens. On ne croirait pas qu'il sort de l'arène.
Charismatique, assez beau, sûr de lui... dans un autre contexte , je l'aurais peut-être maté.
Lui et d'autres...

— T'es pas faite pour ça, balance-t-il, comme s'il lisait dans mes pensées.

— Et toi, tu l'es ? je réplique, en désignant l'arène d'un coup de tête.

Il me sourit, un sourire qui en dit long.

— C'est mon monde, pas le tien.

Je l'ignore, je scrute la foule. Ils sont encore tous en feu, comme s'ils attendaient la prochaine explosion. Telle une orde d'animaux sauvages.

— Évite de te coller trop à Shade. Je vous ai vus, tout à l'heure, continue-t-il.

— Shade ? Rien à foutre de lui. C'est juste un "coach" temporaire. Il y a rien entre nous.

— Je te parle pas de ça.

Il s'arrête, hésite, comme s'il avait déjà trop parlé. Je le fixe, prête à lui arracher ce qu'il garde pour lui, mais il reprend avant que je n'aie le temps.

— Rentre chez toi.

— Non, je veux voir le combat.

Il rigole, incrédule.

— Le « combat » ? C'est pas juste un combat. C'est pour montrer qui a les couilles ici, et pour Shade, c'est sa loyauté envers Kuruta.

— Kuruta, Kuruta... leurs conneries d'honneur, ça me fatigue.

Il me dévisage.

— Ils risquent leur peau, pour de l'argent et leur ego.

— Et toi, ça te fait pas rire, ce cirque ? Ou alors tu préfères finir ta vie dans une arène pourrie ? je lance, méprisante.

— Chacun ses petits plaisirs, chérie.

Je ricane. Sniper, lui, au moins, a le mérite d'être honnête avec moi. Je le regarde un instant, puis j'attrape son bras.

— Emmène-moi voir ça. Le Ryūshin.

Il arque un sourcil, surpris.

— T'es folle ou quoi ? Shade va me démolir si je t'embarque.

— Je t'ai dit, Shade, j'en ai rien à foutre. Je veux voir ce que c'est, ce « monde sans pitié ».

Sniper hésite, pèse le pour et le contre, puis lâche un soupir.

— Ok, mais tu restes derrière moi et tu la boucles. Ici, les étrangers, c'est pas bienvenu.

Je mime un zip sur mes lèvres. La nuit promet d'être plus intéressante que prévu.

On sort du hangar. Il me fait monter sur une moto garée à l'arrière d'un vieux bâtiment. Je m'accroche à lui alors qu'il fonce dans la campagne, le vent cinglant mon visage. À l'horizon, des phares tracent un cercle lumineux autour d'une piste de fortune. La musique vibre jusque dans mes os, des voitures sont alignées, moteurs grondants, et une foule plus dense encore que celle du hangar.

Deux voitures sortent du lot, prêtes à bouffer la route : l'une noire, l'autre rouge, ornée de motifs japonais. Prêtes pour la guerre.

Le Ryūshin, c'est pas juste un combat. C'est une course.

...

On descend de la moto. Autour de nous, les gens parient, passent des liasses de billets, impatients. Lorenzo est là, dans sa voiture noire, prêt à en découdre. À côté, dans la rouge, je reconnais Shade, concentré, les mains crispées sur le volant. Sous les phares, il a l'air plus dangereux que jamais, et franchement... il est canon.

Sniper se penche vers moi.

— C'est maintenant ou jamais. On peut encore partir. Tu veux vraiment voir ça ?

Je hoche la tête. Mon cœur cogne, mais je suis prête. Prête à voir ce monde de fous.

Une jolie fille blonde en tenue trop moulante s'avance entre les voitures, lève un bras. Un coup de feu explose, et les deux voitures s'élancent, laissant un nuage de poussière. Shade est devant, son bolide zigzague, évite les obstacles comme si c'était facile. Lorenzo colle à ses basques, déterminé à lui arracher la première place. Deux bêtes en chasse, prêtes à tout pour dominer.

D'un coup, Shade dévie brutalement et force Lorenzo à s'écarter. La foule hurle, en transe devant ce spectacle. Lorenzo perd brièvement le contrôle, dérape, frôle un rocher, mais se remet sur les rails, les yeux fixés sur Shade, prêt à tout.

— Ils rouleront jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un, murmure Sniper.

Je reste figée, scotchée. C'est pas une course, c'est une guerre.
Ici, c'est la loi du plus fort.

Devant, les phares éclairent une falaise. Tout le monde sait que la fin approche. C'est clair, ça va se jouer sur un seul acte de pure folie. Personne ne dit rien, mais on comprend la règle : voir qui aura les tripes de s'arrêter le dernier.

Sniper serre les poings, le regard dur. L'adrénaline pulse autour de nous, mes mains tremblent. Shade et Lorenzo foncent vers le précipice, refusant de lâcher. À quelques mètres du vide, Lorenzo hésite, ses phares vacillent. Il freine, la voiture dérape, s'arrête juste avant le bord, mais son regard est enragé.

Mais Shade, lui, ne lâche pas. À la dernière seconde, il freine, ses roues hurlent sur le sol. Il s'arrête juste au bord, capot suspendu au-dessus du vide.
Le silence tombe, puis la foule explose. Shade sort de sa voiture, son regard triomphant, sa gueule de prédateur. Il savoure, comme gladiateur dans l'arène .

Son regard trouve le mien, et il sourit, un sourire de tueur. Il s'approche, lentement, chaque pas affirmant qui commande ici.

— Alors, Akira, murmure-t-il en me fixant, Ça t'a plu ? Maintenant tu comprends pourquoi je gagne toujours. Je vais là où personne d'autre n'a les couilles d'aller.

Mon cœur s'emballe, son regard me brûle. Il vient de me montrer une facette de lui, folle, dangereuse,
et je suis fascinée.

Sans attendre ma réaction, il se tourne vers la foule qui scande son nom.
Lorenzo s'éloigne, furieux, la défaite lui collant à la peau.

Ce monde-là, Shade le domine.

UNTRUTHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant