Le Survivant

Jour 31 : La côte Sud.

La journée suivante fut moins riche en émotion que la précédente, heureusement. Nathan découvrit durant cette expédition qu'une grande partie de la côte Sud-Est était dépourvu de jungle. Il parcourut près de sept kilomètres en direction du levant en suivant les courbes de l'île et avec la compagnie de Crau. Il passa de longues heures durant ces pérégrinations à admirer les incroyables paysages qu'offraient l'île, les côtes sauvages battues par les vents et les vagues. Il espérait sans cesse trouver des traces de vie, un indice sur la survie des passagers, mais rien. Il s'arrêta une longue heure pour dessiner le mot « HELP » à l'aide de pierre et de bois, assez grand pour être visible du ciel. Avec un peu de chance, quelqu'un le verrait, ou des passagers le trouveraient et saurait qu'il y a d'autres survivants.

« Qui suis-je, si je suis seul ? Qui suis-je, sans le regard des autres ? Un vestige condamné à une existence vide de sens. Nous n'existons que par le regard des gens, sans cela, je ne suis qu'un spectre qui erre sans but dans un monde vide. Une chaise n'est une chaise que sous mon regard, car je l'ai fait devenir un objet sur lequel s'asseoir. Mais pour un autre, elle ne pourrait être qu'un morceau de bois sophistiqué à jeter au feu. Je me sens seul, fatalement seul. »

La tristesse s'empara de lui, il s'arrêta un instant pour caresser Crau alors que les larmes lui montaient aux yeux. Et comme si ce dernier sentait sa détresse, il se frotta sur son visage au point de le faire rouler à terre. Les deux s'affrontèrent gentiment, Nathan n'hésitant pas à rabrouer le tigre dès que ce dernier mordait trop fort ou ne rétractait pas ses griffes. La bataille terminée, ils restèrent là un long moment, allongés dans l'herbe, Nathan admirant le lent voyage des nuages dans le ciel, Crau grignotant une branche de bois.

Le périple reprit, il dût à un moment traverser un morceau de jungle qui se refermait sur le littoral. Il perçut le passage bruyant d'un groupe de singes et se décida à les suivre pour observer leur comportement et surtout, de quoi ils se nourrissaient. Si les fruits qu'ils consommaient n'étaient pas dangereux pour eux, il ne devrait pas l'être pour lui. Il nota dans son carnet tout ce qu'il voyait et dessina un croquis approximatif des fruits pour les reconnaître plus tard lorsqu'il se déplacerait en forêt. Il repéra et marqua de nombreux autres points d'intérêts sur sa carte : des zones favorables à la chasse où il repéra traces d'animaux, des lieux où pécher, proche des rochers.

Il rentra à la tombée de la nuit. La lune se levait déjà, large et pleine, diffusant sa lumière blanche sur toute l'île tel un phare céleste. Il ne tardait jamais autant à rentrer habituellement, mais il se sentait de plus en plus à l'aise et surtout, sa route jusqu'au Pic était presque complètement dégagée. Il était presque arrivé à sa grotte quand il entendit les Autres. Il se cacha aussitôt derrière des rocher et accroupis, il approcha pour mieux voir. Ils s'étaient rassemblés à l'orée de la forêt. Il les apercevait pour la première fois, enfin, et il pouvait maintenant affirmer avec certitude qu'il ne s'agissait pas des passagers de l'avion.

Les Autres étaient également différents de la fille qu'il avait vue au bord de l'eau. Leur peau était d'une extrême pâleur, presque grise. Leurs vêtements étaient réduits au strict minimum, de simples morceaux de tissus usés qui cachaient les parties intimes. Mêmes leurs pieds étaient nus alors qu'ils couraient à travers la jungle. « C'est probablement donc leurs traces de pas que j'ai suivies à travers la forêt le treizième jour... » Et ils n'avaient pas l'air amical du tout.

Celui qui semblait être le chef portait un étrange étendard dans le dos, avec au bout ce qui semblait être un crâne humain. Un frisson parcourut Nathan. Ils échangeaient en grognant et criant, et même si Nathan ne comprenait rien, il n'était pas difficile de deviner leurs intentions : ils cherchaient quelque chose. Le chef désigna des zones du doigt et ses quatre compagnons partirent dans les directions indiquées. Nathan dégaina son arme par précaution, mais resta caché dans l'ombre. Par chance, aucune des créatures ne s'approcha de sa cachette et ils finirent par repartir vers le Nord-Est.

Il resta aux aguets encore une heure, pour être sûr de ne pas voir leurs torches approcher. Il avait eu raison de se cacher et de rester discret dès le premier jour de son arrivée sur l'île car il était désormais certain d'une chose : ces créatures, quelle qu'elle soit, n'étaient pas des alliées.