Jour 5 : La jungle.

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Dès qu'il fit assez jour pour se déplacer sans risque, Nathan partit vers le nord-est pour rejoindre l'ouverture dans la jungle qu'il avait découvert deux jours plus tôt et retrouver la côte et l'intérieur de la baie.

Mais il ne pouvait pas éternellement éviter la jungle. La boussole lassée à son poignet gauche et son couteau dans une main, la lance dans l'autre. Il prit son courage à deux mains, il entra dans cet enfer vert en direction de l'est. Ce qui le frappa d'abord, ce fut les bruits. Pénétrer dans la jungle le coupa de tous les sons extérieurs, le vent et le fracas lointain des vagues disparurent. Les premiers mètres, il n'y eut que le silence total. Mais plus ses pas le guidaient vers le cœur de la forêt, plus cette dernière se réveillait. Comme si elle s'habituait petit à petit à sa présence. Les arbres devenaient plus imposants au fur et à mesure qu'il s'y enfonçait. Des sons qu'il n'avait encore jamais entendus jaillissait de la cime des arbres, des cris et des chants qu'il ne pouvait identifiait avec certitude. Ils pouvaient être ceux d'oiseaux comme de singes ou de d'autres animaux exotiques. Nathan entendait des dizaines d'animaux fuir à sa venue, sans jamais les voir. Et à dire vrai, son attention était surtout fixée sur le sol qui se faisait de plus en plus pentu, autant pour ne pas se prendre les pieds dans les innombrables racines et feuillages par terre, que pour ne pas marcher sur un serpent qui répliquerait avec une morsure mortelle.

Au fil des minutes qui se transformaient en heures de marche, sous une chaleur de plus en plus étouffante, l'œil de Nathan se faisait plus précis. Il commençait à repérer les scolopendres qui se camouflaient le long des troncs et leurs centaines de pattes qui transportaient leur carapace. Des cris qu'ils croyaient venir d'oiseaux s'échappaient en réalité de la bouche de petite grenouilles dangereusement multicolores. Les araignées grande comme sa paume patientant sur leurs toiles gigantesques qui s'étendaient entre les arbres comme des voiles à des mats. Des serpents que l'on confondait avec des racines, des branches ou du feuillage. Les oiseaux au sommet des géants verts qui accompagnaient sa marche de leurs chants si surprenants.

Il progressait lentement et il en avait conscience. Le dénivelé était épuisant, surtout mêlé à cette chaleur humide et à la difficulté du terrain. Il pourrait marcher des heures durant dans cette jungle sans jamais voir la moindre source d'eau, y passer à quelques mètres sans en apercevoir une goutte ou en entendre le ruissellement. Et cela sapait sa motivation. « Si ça se trouve, je suis le cours d'une rivière depuis le début. »

Il atteignit le sommet de cette colline infinie à l'heure du repas, la jungle se dégagea sur une ouverture et Nathan s'y arrêta pour se reposer et se nourrir. Il devait déjà commencer à penser au trajet du retour. Chaque mètre fait dans une direction et chaque effort consommant son énergie, devrait être réitérer dans l'autre sens. Il pensait à cela quand son regard se porta sur un tronc à l'orée de la jungle et que son cœur se figea. Sa gorge se serra et il retira la barre de céréale de sa bouche. Il empoigna sa lance et approcha des marques sur le tronc. Des traces nettes de griffures, au nombre de quatre, avaient lacérées l'écorce a de multiples reprises. Et à en juger par la taille des marques, il ne s'agissait pas d'un petit chat sauvage, mais d'une bête bien plus imposante. Un jaguar ou une panthère ?

Nathan courut jusqu'à son sac et termina d'une bouchée son repas. Il avala une gorgée d'eau pour faire passer le tout et rebroussa chemin sans attendre son reste. Il prit tout de suite la direction du nord, espérant retrouver la baie. La descente était abrupte, difficile pour les cuisses, les mollets et les rotules qui encaissaient les chocs et le rythme bien plus soutenu que l'aller. L'adrénaline, la peur, le stress portaient Nathan loin de ce qu'il venait de voir. Il était plus entraîné que n'importe quel humain normal, plus rapide, plus agile et plus fort. Mais là, on parlait d'un félin dont les griffes pouvaient le défigurer d'un seul coup de patte. Un animal chaque partie de son anatomie avait été sculptée pour traquer et tuer.

- Chasse cette idée de ta tête, triple andouille, murmura-t-il pour lui-même. Concentre-toi sur où tu mets les pieds avant de te briser la nuque.

Et comme si le destin lui-même lui envoyait un message, Nathan trébucha et se rattrapa de justesse contre un tronc. Son épaule s'écrasa contre le bois et son regard s'arrêta sur la branche un mètre plus loin où les yeux fendus d'un reptile le scrutaient froidement comme pour jauger s'il méritait d'être attaqué ou non. Et le jeune homme ne resta pas pour connaître la réponse, il fit volte-face et repartit dans la descente. Il jeta un œil rapide sur sa boussole, remarquant qu'il dérivait vers le sud. Il corrigea vers l'opposé.

Au bout d'une heure, son rythme cardiaque s'était calmé. Mais il était hagard, il sursautait dès qu'il entendait le plus subtil craquement. Son visage se tournait dès que sa vision périphérique captait le plus petit mouvement dans les feuillages, et il levait sa lance prête à frapper. Le stress ajouté à la chaleur et la fatigue pesait autant sur son esprit que sur son corps. Il trébuchait de plus en plus souvent, commettait de plus en plus d'erreurs. « Tu dois reprendre ton calme. Tu dois te reconcentrer. La peur ne va te servir à rien à part te tuer Nathan. » Mais malgré ces mots, il n'arrivait pas à chasser le danger qui pesait maintenant sur lui. Et si l'amulette l'avait dissuadé de faire un feu justement pour éviter qu'un prédateur ne soit attiré par la nourriture qui aurait pu y cuire ? Non, ça n'avait pas de sens, le feu lui permettrait justement de repousser une telle créature. « Mais c'est peut-être pour ça que les passagers ont fui sans attendre leur reste. » La bête les a peut-être attaqués, obligeant les survivants à quitter son territoire et laisser les corps de ceux qui n'avait pas survécu. Il y avait quelque chose de rassurant dans cette théorie. Au moins, cela donner une explication à leur étrange disparition.

Il atteignit une avancée rocheuse qui surplombait la baie. Il s'avança au milieu des pierres à la recherche d'un passage qui lui permettrait de contourner et d'éviter la forêt. Mais il s'agissait plus d'escalade que de marche, et le moindre faux pas lui assurerait de sévères blessures, voire une chute mortelle. A contre cœur, il retourna donc dans la jungle, suivant la côte de la baie autant qu'il le pouvait. Par chance, quelques minutes plus tard, la jungle s'ouvrit sur un territoire qu'il commençait à connaître, la plaine aux herbes hautes, là où il avait trouvé les bananiers.

La lance toujours à la main, il trottina droit vers l'ouest, jetant des regards tout autour de lui, s'attendant à chaque seconde à voir une bête jaillir des fourrés pour lui sauter dessus. Il traversa la barrière de forêt qui entourait l'avion, dans lequel il alla se terrer sans attendre.

Il s'affala sur un fauteuil pour reprendre sa respiration. Il se débarrassa de ses chaussures, de son sac et de sa lance, mais en la gardant à portée de main. Il contrôla sa respiration, essayant de faire sortir la pression et le stress qui agrippaient son ventre et son cœur. Il resta de longues minutes ainsi, la main refermée sur l'amulette sans même s'en rendre compte.

Le calme revînt doucement et son esprit commença à divaguer aux frontières oniriques.

Il s'extirpa de sa somnolence pour se rendre sur la plage et se laver dans l'océan. Alors qu'il remontait de sa baignade, il remarqua une chose au loin qui rampait dans le sable. Il s'approcha de la forme ovale en récupérant au passage sa lance plantée juste à côté de lui. C'était une tortue marine, qui quittait le haut de la plage pour repartir vers la mer. Il se posta à un mètre d'elle, son arme en main. Un coup sec derrière la tête dans l'interstice de la carapace suffirait certainement à la tuer. Avec sa viande, il pourrait se nourrir plusieurs jours. Avec sa carapace, se fabriquer une protection ou de quoi faire un réservoir d'eau de pluie. Il empoigna fermement sa lance. En suivant du regard le tracé du reptile, il remarqua que la terre avait été retournée. Elle venait de pondre. Il soupira. Elle progressait, insouciante de la menace qui pesait sur elle ou bien l'ignorait-t-elle simplement, consciente que rien de ce qu'elle pourrait faire ne changerai son funeste destin.

-Nathan Dante, incapable de tuer une tortue de mer, se moqua-t-il. Puis de toute manière je n'ai pas de feu pour faire faire rôtir, alors...

Il abaissa son arme et s'éloigna de la tortue pour ne pas la déranger plus longtemps. Il se posa dans le sable et resta là à guetter son départ. Comme pour veiller sur elle. « Si je ne peux pas te manger, hors de question que tu serves de repas à un autre animal. » Elle s'enfonça bientôt dans l'eau, alors que le soleil faisait rougeoyer une dernière fois le ciel. La tortue nagea vers le grand large, sa tête jaillissant par instant pour reprendre de l'air. Puis elle disparut. Nathan retourna dans l'avion. 

Le SurvivantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant