CHAPITRE 1

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Mère Térésa, à toujours dit "La vie est un défi, relève-là". Raison même de pourquoi il y a un portrait d'elle au milieu de mes cartons. Il appartenait à ma mère, chrétienne praticante, et elle me l'a offert.
Les cartons sont partout, éparpillés dans tous les coins de mon nouveau salon. Certains sont fermés, d’autres à moitié ouverts, débordant de vêtements mal pliés, de livres poussiéreux et d’objets dont je ne comprends même pas pourquoi j’ai pris la peine d’emballer. Je m’arrête un instant en voyant le chaos qui me fait face. Au milieu du salon, Sofia, les mains sur les hanches, me regarde avec un sourire amusé sur les lèvres.

— Tu sais, tu aurais pu trier un peu avant de déménager, Lily, lâche-t-elle en sortant de l’un des cartons une vieille peluche qui a vu de meilleurs jours. C’est quoi ce truc ? On dirait que tu as volé un doudou dans une décharge.

Je prends une grande inspiration, luttant pour ne pas rougir.

— Déjà, non, je n’ai pas pillé une décharge, merci. Et ensuite, ce n’est pas « ce truc ». Il s’appelle Momo. C’est sentimental.

Elle lève un sourcil, feignant l’incrédulité.

— Sentimental ? Ce… machin ? Tu n’as pas peur qu’il te refourgue le tétanos rien qu’en le touchant ?

Je prends une expression exagérément outrée.

— Dis donc, respecte un peu, c’est peut-être pas grand-chose pour toi, mais Momo et moi, on a une vraie connexion. Ça ne s'explique pas !

Sofia éclate de rire. Elle sait trop de choses sur moi pour pouvoir quitter ma vie aussi facilement. Nous nous sommes rencontrées au collège, en sixième, puis avons dû être séparées au lycée car nous n'étions pas dans le même. Depuis qu’on se connaît, elle a été témoin de mes hauts, de mes bas, et surtout de mes folies. Son regard se pose sur moi, légèrement attendri malgré ses répliques sarcastiques.

— Allez, sans blague, reprend-elle en adoptant un ton plus doux. Tu te sens comment, là ? Genre… t’es prête pour cette nouvelle vie ?

Je hausse les épaules, hésitante. Mon regard balaye l’appartement. Les murs blancs, les étagères encore vides, et une douce odeur de peinture fraîche qui me rappelle que ce lieu est, pour l’instant, un livre vierge. Ici, je vais pouvoir écrire mon propre chapitre, loin de toutes les galères d’avant. Ou pas...

— Je pense, oui, murmure-je, même si j’ai l’impression de me jeter dans le vide. Ce que je veux, c’est recommencer à zéro, loin de… tout le reste.

À peine ma phrase est-elle terminée que Sofia éclate de rire. Elle attrape un carton et commence à en sortir mes affaires sans gêne, comme si elle était chez elle. Parfois, je me demande pourquoi je la supporte encore. Mais c’est Sofia. Elle peut me faire rire, m’énerver et me réconforter en l’espace de cinq minutes, un super-pouvoir dont elle est extrêmement fière.

Elle sort une photo de famille, légèrement froissée, où je pose en uniforme scolaire, mes cheveux bruns attachés en une queue de cheval haute. Sofia prend un air solennel, comme si elle avait entre les mains un artefact rare.

— Ah, regardez-moi cette jeune fille modèle, dit-elle en faisant mine d'essuyer une larme. Tellement innocente, et aujourd’hui, on se retrouve là, toi et moi, deux vieilles filles vivant leur rêve dans un appartement miteux en centre-ville.

Je lève les yeux au ciel.

— Merci, Sofia. Toujours là pour remonter le moral, toi.

— Oh, je sais, lance-t-elle en souriant fièrement. Et sérieusement, imagine que ton voisin soit un dieu grec incarné, le gars parfait, drôle, beau, attentionné… Tu ferais quoi ?

Je ris, presque malgré moi.

— Je m’enfuirais en courant. Et puis, si ça se trouve, c’est une vieille dame qui vit avec son chat. Et je suis allergique au chat !

Elle prend un air faussement exaspéré.

— Lily, il serait peut-être temps que tu arrêtes de fuir ! Un prince charmant pourrait passer par ici et toi, tu le pousserais hors de l’appartement à coups de peluche Momo.

Je lève les bras en signe de défense.

— Hé ! Premièrement, la solitude me va très bien, merci beaucoup. Et deuxièmement, Momo EST mon amoureux.

Elle roule des yeux, et pendant quelques instants, nous continuons à déballer des cartons, jusqu’à ce que Sofia se fige en trouvant un carton marqué « fragile ». Elle l’ouvre avec des précautions exagérées, comme si elle craignait qu’il explose.

— C’est quoi encore, ça ? lance-t-elle en extirpant un vase en mauvais état.

Je hausse les épaules.

— Un cadeau de ma tante, elle pensait que ça irait bien avec mon… enfin, mon décor.

Elle me lance un regard sceptique, comme si elle avait du mal à imaginer que le style « ancien et presque brisé » puisse être une tendance.

— Ouais, enfin, si ton style c’est le « Musée des horreurs », là oui, ça passe.

Les heures passent entre rires et taquineries, Sofia me lance des piques sur chaque objet bizarre qui sort des cartons. Finalement, elle vérifie sa montre et pousse un soupir théâtral.

— Bon, miss Indépendante, je dois y aller, moi, dit-elle en jetant un dernier regard au désordre environnant. Tu es sûre que tu vas survivre toute seule ici ?

Je hoche la tête, souriant.

— Merci d’être venue, Sof. Sans toi, je serais encore en train de déballer d’ici demain matin.

Elle me serre dans ses bras, son sourire adoucissant la fatigue de la journée.

— Rappelle-toi, ma porte est toujours ouverte… même si tu arrives avec Momo en main et une valise pleine de bizarreries.

Je pouffe de rire, la poussant gentiment vers la porte.

— Allez, file avant que je change d’avis et que je te force à rester pour ranger !

Elle quitte l’appartement avec un dernier clin d’œil, me laissant seule au milieu des cartons. Un long soupir s’échappe de mes lèvres. C’est mon premier vrai chez-moi. Mon espace, mon sanctuaire. Je m’assieds un instant sur le canapé, savourant le silence qui vient de retomber dans l’appartement. C’est presque apaisant.

Mais cette paix est de courte durée. À peine installée, une musique jaillit de l’appartement d’à côté. C’est un morceau de hard rock, le genre de musique qui fait vibrer les murs et détonne dans les oreilles. Je jette un coup d’œil à mon mur avec une moue exaspérée.

— Sérieusement ? marmonne-je, à moitié tentée de prendre Momo et de taper contre le mur pour que ça s’arrête.

Au lieu de ça, je prends mon téléphone, enroulée dans une couverture, essayant de me concentrer sur autre chose que mon voisin au goût musical… douteux. Peut-être que c’est juste pour la soirée ? Peut-être que lui aussi, déballait des cartons. Sauf que lui, apparemment, a décidé de mettre de l’ambiance.

Je tente de lire un message de Sofia, mais chaque note de sa foutue musique me déconcentre. Un soupir d’agacement m’échappe. Alors, c’est ça, la vie de célibataire indépendante ? Des voisins bruyants, des cartons empilés, et une peluche vintage qui me regarde avec des yeux presque accusateurs.

Je me redresse et prends une inspiration déterminée. J’ignore quel genre de voisin m’attend derrière ce mur, mais j’espère que ce ne soit pas le cliché du gars parfait que Sofia m’a dépeint. Parce que le seul détail parfait de cette soirée serait de pouvoir dormir sans que mes murs vibrent.

Mon beau voisin, Roi des connards Où les histoires vivent. Découvrez maintenant