Chapitre 10

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Aujourd'hui, je quitte la maternité pour rejoindre le centre pour mères adolescentes. Un nouveau départ, et oui encore un en si peu de temps...
Arrivées dans cette pièce sobre qui n'a strictement aucune âme, je suis refroidi par l'atmosphère qu'elle dégage, mais bon ce n'est qu'un détail au fond, à quoi bon s'attarder sur celui-ci ? Ma chambre est absolument tout équipée de tout le matériel qu'il faut pour que je puisse élever mon bébé et cela me ravie beaucoup. Il ne me reste plus qu'à prendre mes marques et à personnaliser ma chambre. Le gros point positif, c'est que je suis seule dans ma chambre, enfin avec mon bébé bien sûr, mais je veux dire par là que d'autres mères adolescentes sont deux voir trois par chambre alors je savoure mon privilège. 


Je ne connais personne ici mis à part la psychologue qui est venue m'apporter son soutien psychologique lors de mon séjour à la maternité. Je ne sais pas encore si je vais faire de belles rencontres, mais l'heure est au rangement pour moi.


Une fois que tout est en ordre, je me laisse tomber sur mon lit, et je me pose une question, c'est vrai après tout comment est ce possible que je n'ai pas grossi pendant ma grossesse ? Même si je n'en connaissais pas l'existence, mon ventre aurait quand même dû s'arrondir... J'aimerais bien parlé de ce sujet avec la psychologue car c'est un phénomène tellement étrange. Mais pourra t-elle vraiment me comprendre sans avoir vécu cette grossesse, j'en doute très fortement... Le centre dispose d'une garderie, pour celles qui désirent s'accorder un moment de détente sans leurs enfants ou simplement retrouver sa liberté ne serait ce qu'une seule heure voir plus.
Alors que je vais remplir mon formulaire d'intégration au centre, une jeune fille décide de venir me parler.


-Bonjour, bienvenue à toi ! Moi c'est Zoé et je te présente mon fils Enzo.
-Bonjour Zoé, je m'appelle Camille et ma fille se prénomme Ninon.
- Si tu veux discuter, j'occupe la chambre juste à côté de la tienne, du côté droit.
-Merci, c'est avec plaisir que je te rejoindrai juste après avoir rempli mes papiers.
-A tout à l'heure alors !
-Oui


J'ai enfin complété et signé tous ces documents, je vais donc aller dans la chambre de ma voisine pour discuter un peu. Une fois repartie de sa chambre, je repense à la réaction que Zoé a eu lors d'une de nos nombreuses discussions, concrètement sur le sujet de mon viol... Elle s'est mise à pleurer sur mon épaule, émue par mon histoire. Elle est pleine de compassion pour moi, je suis la seule dans ce centre où la grossesse est issue d'un viol alors la réaction est le choc immédiat. Je décide de me coucher, je suis tellement fatiguée et perturbée avec tous ces changements. 


Le lendemain matin, je descends avec Ninon au réfectoire où ont lieux les petits déjeuners, mais je sens une atmosphère pesante, angoissante. Je me rends très vite compte que tous les regards sont sur moi et comme pour attirer encore plus les regards sur moi, ma fille se met à pleurer pour une raison que j'ignore complètement, je ne parviens pas à la calmer et je suis prise de panique et de honte en grande partie. Je baisse les yeux, j'essaie par tous les moyens de calmer ma fille, mais elle ne veux visiblement rien savoir. Par chance, une puéricultrice vient à mon secours et me calme ma fille. Elle m'accompagne jusqu'au comptoir et me laisse par la suite m'installer à une table. J'essaie de chercher Zoé, mais j'ai du mal à la trouver, heureusement elle me fait signe de la rejoindre. Je suis la cible de tous les sujets de discussions, j'entends parler de tous les côtés de mon viol. Les plus franches viennent m'en parler directement, elles compatissent toutes avec moi. OUF ! Beaucoup d'entre elles me font part de leur soutien, qui me fait chaud au cœur d'ailleurs. Mais le fait que tout le monde parle de moi, c'est quelque chose qui me gène. Je suis une fille plutôt timide et réservée, j'ai tendance à fuir ces situations, en tout cas habituellement. Mais aujourd'hui, j'ai décidé de mettre les choses au clair une fois pour toutes, pour leur faire comprendre que je suis à la fois honorée de leur soutien qu'elles m'accordent mais aussi que je suis un peu vexée du fait que je sens que là dedans il y a beaucoup de pitié... Même si le fond n'est vraiment pas négatif, je veux aller de l'avant et ce n'est pas en me disant que je suis là plus malheureuse du monde que tout ira mieux, bien au contraire de une je ne suis pas la plus malheureuse dans ce monde, mais de deux cela me rabaisse et me ralenti plus qu'autre chose. Alors je vais essayer sans pour autant être méchante ou désagréable de leur faire comprendre mon point de vue.


-Excusez moi, depuis que je suis rentrée dans cette pièce j'ai senti que je dégageais une atmosphère triste et pesante, cependant je me sens très mal à l'aise par rapport à celui-ci. J'apprécie pleinement le fait que vous m'apportez votre soutien alors qu'on ne se connaît pas, cela me va droit au cœur, très sincèrement ! Mais voilà, la plupart d'entre vous ressentez de la pitié pour moi, et cela m'affecte... Vous savez, je ne suis pas la plus malheureuse dans ce monde, chaque jour des milliers de personnes meurent, vivent des atrocités bien pire que ce qui m'est arrivé. Et puis sachez que j'en ai aucun souvenirs, aucune image qui me hante, sans ce bébé, jamais je n'aurai su que j'avais été violée. Alors certes ce n'est pas facile à accepter, mais pour pouvoir aller de l'avant la pitié sera mon pire ennemi, je me sens rabaissée face à celle-ci. Je ne veux pas passer ma vie à pleurer sur mon propre sort. Alors s'il-vous-plaît, ne faîtes aucune différence entre moi et vous toutes car vous savez, peut-être qu'ici une d'entre nous a vécue un enfer, bien pire que ce qui m'est arrivé et pourtant cette personne reste dans le silence d'une atroce souffrance.  Sur ce je suis heureuse de vous rencontrer, je me ferai une joie de toutes vous connaitre.

Déni de grossesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant