Violon (2)

7 3 2
                                    

Jouer du violon avec en guise d'archet un couteau et pour seules cordes mes veines.  Les notes de sang qui coulent de moi ne sont que les nobles descendantes des mélodies de ma douleur. 

Doucement le temps passe et me lasse. Plus rien ne va, je me fane petit à petit et me noie sous la redoutable houle de mes pensées.

Je me saisis du mince filet de peine qui m'entoure, m'enveloppe et n'emprisonne. Avec toute la délicatesse dont on fait preuve envers un être cher que l'on a peur de briser, je le manipule, le détisse, le retisse, le tend et constelle mon ciel de cette douce toile de douleur. 

Alors, libérée de ces fils prison, je regarde mon monde non plus au travers du voile de mes larmes mais éclairé par ces dernières. Ce monde-ci est froid, terne et revêt les milles couleurs de chacun de mes tourments. 

Tout va bien, je suis de retour à la maison. Tout ira bien, arrive le vent de l'oubli. Doucement, je m'y abandonne et transforme chacun de mes mots en une note, chacune de mes phrases en un accord. 

D'abord lentement puis sur un rythme de plus en plus enjoué, je laisse naître de mon instrument la mélodie de ma tristesse, je laisse couler la musique qui parcourt mon corps et me fait vivre. 

Partout dans le ciel fleurissent des milliers de tâches rouges comme autant de roses de sang. Et moi, ivre de joie, je contemple mon œuvre en m'éteignant.

C'est fini, tout est fini. Toutes mes notes sont maintenant dans la voûte céleste aux côtés de mes larmes. Dans le vent subsistent les échos de ma mélodie.

Échos de discorde qui dansent entre les lambeaux de mon âme. 

Constats d'une passagèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant