cœur gris #2

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i used to float,
now i just fall down
i used to know but
i'm not sure now
(Billie Eilish)









Les jours sont gris. Je crois que je
déteste la couleur violette. La pluie aime bien prendre cette couleur en particulier dans le reflet de ses flaques mêlée aux esquisses de la lumière. Mais peut-être que je l'imagine. Je ne fais plus confiance à ma conscience.

Je vis dans mes cauchemars. Je ne rêve plus de champs de fleurs depuis la dernière nuit.

Et je vis avec une étrangère. Ma mère. Nos conversations se limitent à ses consignes. Elle préfère parler de moi aux autres. Elle projette ses fausses inquiétudes sur des témoins que je croise parfois.

La classe se remplit, mes pensées se vident. J'ai pris une place au fond, pour ne rien changer. J'ai foiré mon oral d'anglais, depuis je me fonds dans la honte de mes échecs. S'il y a bien une seule professeure que je ne souhaite pas décevoir, c'est celle de l'anglais. Elle ressemble à ma mère, en plus stricte. J'aime bien. Je l'aime bien.

— Je peux m'asseoir là ?

Je lève la tête. Une fille aux longs cheveux blonds pointe la chaise à côté de la mienne. Je ne la reconnais pas. Elle se penche pour reculer la chaise, son geste me renvoie quelques effluves de cannelle.

— Bien sûr, me contenté-je de répondre.

Mes yeux se détournent sans tarder. Je croise le regard d'Idir, il semble agacé par ma nouvelle voisine de place. Je ne comprends pas pourquoi, après tout il préfère s'asseoir seul, ou avec ses amis. Les miens ne sont plus au lycée. Ça craint. Ils se comptent sur les doigts d'une main, ça craint encore plus.

Je ne me focalise pas sur lui. Idir est souvent agacé. En colère. Je suppose que que je le suis aussi. Il n'arrive juste pas à le cacher. Il ne veut peut-être pas.

— C'est ton mec ?

Il me faut quelques secondes avant de me rendre compte que la fille s'adresse à moi. Elle semble désigner Idir avec son menton. J'écarquille les yeux. Je remarque d'ailleurs que les siens sont bleus. Ses iris paraissent révéler une sorte d'océan troublé. J'ai peur de perdre pieds si je reste trop longtemps à l'intérieur. Nara ne sent pas la mer, mais elle me donne envie d'apprendre à nager.

— Nan, on vit juste dans le même immeuble, pourquoi ? je me sens obligée de le préciser, comme pour faire la conversation.

Elle hausse les épaules.

— Je sais pas, on dirait qu'il voulait être à côté de toi.

Je suis fatiguée. Pourtant, je lui offre un petit sourire crispé.

— T'occupe.

— Ouais, d'ailleurs, moi c'est Enara, mais appelle-moi juste Nara. Et toi ?

— Juste Asra.

C'est à son tour de sourire, mes lèvres se figent. Elle a l'air soulagée sans que je ne sache vraiment pourquoi. Elle avait peut-être peur de se prendre un vent. Je ne m'interroge pas plus là-dessus, croise les bras sur ma table et pose ma tête dans le creux.

Je suis fatiguée. Je ferme les yeux. J'ai peur de retourner sur le toit. À chaque tentative, mes mains se mettent à trembler avant même de se poser sur la poignée de la porte métallique. J'ai essayé tous les jours pendant une semaine. Et si j'étais somnambule ? Encore une trahison de la part de ma conscience.

— Ouvrez vos manuels à la page 24, aujourd'hui nous allons étudier la poésie gothique.

Le professeur de philosophie. Il n'en fait toujours qu'à sa tête sur le programme. Personne ne sait d'où il sort son manuel. Dans une autre vie, il serait en Angleterre pour enseigner la littérature.

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⏰ Dernière mise à jour : 13 hours ago ⏰

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