Quel bonheur d'être un pirate

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Il faisait chaud au Pays Imaginaire, anormalement chaud. D'habitude, les températures étaient plutôt idéales, proches du printemps. Mais aujourd'hui, un soleil de plomb s'abattait sur l'île.

James Crochet avait fait ancrer son navire prêt de L'île au Crâne et avait libéré ses pirates de leurs obligations. Ils étaient tous descendus à terre, certains avec l'attention d'aller voir les sirènes.

Comme si elles étaient intéressées en quoi que ce soit par une bande de pirates rustres, comme s'ils pouvaient avoir le dessus sur ces monstresses, songea le capitaine en s'éventant avec son grand chapeau.

En vérité, s'il avait autorisé ses hommes à débarquer pour la journée, c'était aussi pour pouvoir vaquer à ses propres occupations. Crochet avait ordonné à Mouche de lui installer un hamac à l'ombre des palmiers, avant de le chasser et de l'envoyer voir ailleurs.

- Mais Capitaine... Qu'est-ce que je suis censé faire ? C'est-à-dire que...

- Grands dieux, Mouche, soupira Crochet en installant des coussins dans son hamac, si je te donne une journée de congé, c'est pour m'épargner la peine de m'occuper de toi. Va-t'en maintenant...

Crochet attendit que le second s'en aille en traînant les pieds. Quand Mouche fut hors de vue, il ôta sa veste rouge et la posa délicatement sur un rocher avant de s'installer confortablement dans son hamac.

Il n'avait pas vraiment l'intention de faire quelque chose de sa journée, il avait juste besoin d'être seul avec ses pensées. Depuis quelques temps déjà, Crochet s'ennuyait et il songeait de plus en plus à quitter le Pays Imaginaire pour reprendre une vraie vie de pirate. Aborder, piller et voler les richesses des navires marchands sur les sept mers avec son fidèle équipage avant que celui-ci ne finisse par se mutiner pour de bon.

Il n'avait plus rien à faire ici, après tout. Peter Pan avait disparu depuis des lustres, il avait fini par tuer ce maudit crocodile et plus aucun tic-tac ne venait le perturber. Il n'y avait plus de trésor à piller, plus d'ennemis à affronter. Oui, c'était décidé, demain le Jolly Roger mettrait les voiles loin de ce pays maudit, avec ses affreuses sirènes, ses insupportables fées et ses Indiens.

Crochet posa son chapeau sur son visage pour protéger sa peau du soleil - malgré ce que Pan s'entêtait à répéter, il n'était pas si vieux, il entamait à peine sa quarantaine - et ferma les yeux. Il s'endormit, bercé par le vent chaud et le bruit des vagues au loin, en songeant à tous les futurs trésors qu'il allait rafler et aux jolies et jeunes filles de marchands qu'il pourrait dévierger au passage. Il faudrait tout même qu'il aille faire un dernier tour à la cachette de cet insupportable garnement, au cas où il serait là. L'éventrer avec son crochet avant de partir offrirait une belle conclusion...

Lorsqu'il se réveilla quelques heures plus tard, l'après-midi était bien entamé. La chaleur devenait vraiment étouffante, même à l'ombre. Crochet s'éventa une fois de plus avec son chapeau. Il songea à aller se rafraîchir dans une cascade bien fraîche à proximité et il allait se lever quand il entendit un craquement. Le capitaine se redressa lentement dans son hamac et posa la main sur un des pistolets accrochés à sa ceinture.

- Qui est là ? demanda-t-il en armant son pistolet.

Du coin de l'œil, il vit un mouvement furtif à sa droite. Il y avait de nombreux animaux dans la jungle mais James Crochet était persuadé d'avoir vu une ombre humaine. Il pointa son arme dans la direction en lançant :

- Montre-toi ou je tire !

Des mains écartèrent les feuilles des hautes plantes exotiques et un jeune homme aux cheveux blond vénitien en sortit. Il devait avoir environ vingt ans, il était sale et ses vêtements verts, cousus de feuilles, semblaient trop petits pour lui depuis un moment déjà. Il était assez grand et il avait une corpulence fine et svelte.

Quel bonheur d'être un pirateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant