Love takes time [DARK ROMANCE]

Au revoir rancœur

Les dents de Rose s'enfoncèrent dans l'abdomen croustillant de l'araignée grillée, une texture dure et juteuse cédant sous sa mâchoire. Un jus chaud se répandit dans sa bouche, son goût terreux et amer lui rappelant à la fois la survie et un instinct brut, une expérience intense et viscérale qui semblait lui parler d'une part d'elle-même qu'elle avait longtemps ignorée. En ce lieu sauvage et isolé, entourée de vieilles pierres khmères, sous un tonnerre lointain et avec cet homme dangereux à ses côtés, elle se sentait étrangement... vivante. Un trésor enfoui sous ses pieds, un homme au passé sombre devant elle, et cette sensation de ne devoir rien à personne ; cela l'électrisait.

Elle se surprit à se sentir vraiment elle-même, à éprouver cette liberté et cette authenticité qu'elle avait cherchées toute sa vie. Ce temple caché semblait libérer des choses enfouies, des sentiments qu'elle avait si souvent réprimés. Dans sa vie ordinaire, on lui avait toujours appris à retenir ses émotions, à enfouir sa rage, son désir, ses élans de passion – autant de parties d'elle-même qu'elle n'avait jamais osé explorer.

Un frisson lui parcourut l'échine alors que ses yeux se posèrent sur l'homme à ses côtés, son visage éclairé par la lueur chaude et mouvante du feu. La musculature de ses bras, le torse puissant, et ce regard dur... tout en lui évoquait cette part d'ombre qu'elle avait toujours fui et qui, ici, dans cet endroit primitif, semblait l'attirer irrésistiblement. Il était l'image de ses fantasmes les plus secrets, tout ce qu'elle avait rêvé en silence, enfermée dans le quotidien, retenue par les conventions et les attentes.

Elle croqua de nouveau dans l'araignée, le jus envahissant sa bouche, tandis que ses pensées s'égaraient. Elle n'arrivait pas à oublier cette autre saveur, bien plus amère, le souvenir des moments de soumission qu'il lui avait imposés – son propre sacrifice pour tenter de sauver ceux qu'elle aimait. Le goût, le dégoût persistant, tout cela la hantait encore, et pourtant... malgré elle, ici, avec cet homme, elle découvrait une part plus sauvage d'elle-même.

— Vous avez découvert quelque chose ? demanda-t-il soudain, brisant le silence.

Elle releva la tête, presque surprise qu'il prenne la peine de lui poser la question. Personne dans sa vie n'avait jamais vraiment montré d'intérêt pour ses passions, ni pour son travail d'écriture, ni pour ses rêves de découverte.

— Oui, une relique khmère, répondit-elle, tentant de cacher l'émotion dans sa voix. Je vais essayer de la dégager.

Il l'observa attentivement, les yeux rivés sur elle.

— Vous voulez que je vous aide ? proposa-t-il.

Elle hésita, méfiante, scrutant son visage à la recherche d'une raison pour laquelle il voudrait l'aider. Un picotement d'ironie dans la voix, elle répliqua :

— Pourquoi feriez-vous ça ?

Un éclat presque triste passa dans son regard, et il murmura, comme un aveu :

— Je voulais être archéologue plus jeune.

Elle le dévisagea, suspendue à cette confession inattendue.

— Avant de devenir... terroriste ? répondit-elle, sa voix chargée d'amertume.

— Oui, avant cela, dit-il, et dans son ton, elle perçut une gravité, une forme de regret à peine voilée.

Elle laissa ses yeux se perdre dans les flammes, consciente que la rancœur qu'elle ressentait ne la mènerait nulle part. Elle ferma les yeux un instant, inspirant profondément. Peut-être était-il temps de laisser aller cette colère, de la remplacer par quelque chose de plus fort, quelque chose de vrai.

— D'accord, murmura-t-elle enfin. Vous pouvez m'aider.

Le feu continuait de crépiter doucement entre eux, un point d'ancrage dans la nuit.