Alors que son corps s'engourdissait sous l'effet de la fatigue, Rose sentit une main ferme et posée se poser sur son épaule. Elle se retourna pour voir l'homme qui, malgré ses traits tirés et la douleur évidente qui l'affaiblissait, la regardait avec une étrange douceur.
— Viens dormir, murmura-t-il. Je veillerai sur le feu... et sur toi, cette nuit.
Elle sentit d'abord un élan de méfiance, un instinct de recul face à lui. Ses premiers réflexes lui dictaient de se dégager, de ne pas accepter cette offre. Mais, après une hésitation, elle céda finalement. Après tout, que pourrait-il bien lui faire de pire que ce qu'elle avait déjà traversé ? Elle acquiesça, décidant de lui rendre au moins une part de cette attention.
— Je vais nettoyer ton bandage avant, dit-elle en cherchant la trousse de secours qu'elle avait récupérée dans le poste de pilotage.
Il ne répondit pas, gardant un silence presque grave. Elle s'installa près de lui, se concentrant sur sa blessure, consciente de l'état dans lequel il se trouvait. Malgré sa posture droite, elle percevait combien il était affaibli, et il ne faisait aucun effort pour dissimuler la gravité de sa condition. Elle n'avait jamais imaginé devoir soigner quelqu'un dans une situation aussi brutale ; elle qui avait toujours fermé les yeux face aux films gores se retrouvait plongée au cœur d'une réalité bien plus crue.
Avec des gestes précis et mesurés, elle commença à retirer le pansement. Elle fit de son mieux pour être douce, mais lorsqu'elle aperçut l'étendue de la blessure et la trace de ses propres dents sur la peau, un frisson de malaise la traversa. Il avait réussi à cautériser, mais la chair, marquée, portait encore les signes de cet acte violent. Elle sentit qu'il luttait pour ne pas montrer sa douleur devant elle ; chaque muscle de son corps se tendait sous ses doigts, son visage restant figé dans un silence obstiné. Il ne voulait pas flancher.
Elle poursuivit son travail, appliquant l'antiseptique avec un maximum de délicatesse. Elle sentit son corps entier se raidir sous l'effet de la douleur, ses traits se crispant malgré lui. Il était au bord de l'évanouissement, et elle accéléra autant qu'elle put sans compromettre le soin. Lorsqu'elle eut terminé, elle remit doucement un pansement propre sur la plaie, posant enfin une pommade analgésique sur ses côtes meurtries, ainsi que sur la blessure elle-même.
Le silence retomba alors qu'elle terminait, ses doigts encore marqués par le contact avec la peau blessée. Elle ne disait rien, mais dans cet échange silencieux, un étrange sentiment de proximité émergea, aussi fragile qu'inattendu.
Pourquoi avait-il choisi cette voie ? se demanda-t-elle, alors qu'elle finissait de replacer le pansement avec soin. Il aurait pu être quelqu'un d'autre. Un archéologue, un explorateur, quelqu'un qui aurait été un allié plutôt qu'un ennemi. La pensée s'immisça dans son esprit, éveillant une curieuse compassion mêlée de tristesse.
Puis, presque instinctivement, elle repensa à sa propre vie. Elle aussi avait emprunté une voie qui, finalement, ne lui correspondait peut-être pas. Ses jours passés en tant que comptable, enfermée dans la routine, la stabilité rassurante, mais sans éclat, sans cette passion qu'elle sentait aujourd'hui, ici, au cœur de la jungle. Elle comprenait, peut-être mieux qu'elle ne voulait l'admettre, ce que cela signifiait de se retrouver dans une autre vie, sur un autre chemin que celui tracé par notre cœur.
Qui était-elle pour juger des chemins que chacun empruntait, souvent malgré soi, guidé par des forces obscures ou des attentes écrasantes ?
Aurait-elle pu devenir ce qu'il était ? Non, jamais. La noirceur et l'intensité qui semblaient le guider lui paraissaient si étrangères, si loin de ce qu'elle aurait pu accepter. Mais en y réfléchissant, elle sentit aussi qu'il n'aurait jamais pu se contenter de la vie qu'elle menait, une vie où elle se conformait bien trop souvent aux attentes des autres, où chaque sentiment devait être dissimulé, où les apparences prenaient trop souvent le pas sur ce qu'elle ressentait vraiment.
Elle-même s'y perdait parfois, noyée sous des sourires convenus et des paroles retenues, avec pour seule soupape son écriture, ces moments où elle pouvait se libérer et explorer ses pensées sans contrainte. Était-ce cela, alors, qui l'attendait à son retour ? Une vie en équilibre fragile entre ses obligations et ses désirs cachés ?
Le grondement sourd de la tempête au-dehors interrompit ses pensées, comme un écho lointain de ses propres incertitudes. Elle inspira profondément, comme pour chasser cette sensation de vide. Mais bientôt, ses pensées retournèrent vers ce qui, dans cet instant suspendu, la fascinait plus que tout : ce mystérieux artefact en or, encore à moitié enfoui dans la terre.
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Love takes time [DARK ROMANCE]
RomansRose ne croyait pas aux rencontres prédestinées. Pour elle, les voyages étaient des moments de calme, de déconnexion, des parenthèses où l'altitude lui inspirait ses meilleurs chapitres. Mais lors de ce vol de nuit vers l'Asie, son monde bascule lor...