Episode 49 : qui suis-je réellement ?

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   Je fixe la porte d'entrée du restaurant de Phoenix sans faire attention à ce qui m'entoure et soudain mon visage s'illumine. Je suis revenue une nouvelle fois dans cette ville qui à la fois me tourmente et me libère.

Une silhouette se lève alors que j'avance d'un pas déterminé vers elle. La dame ouvre les bras vers moi puis hésite et reste immobile. Elle ressent directement ma retenue. Certes, j'ai envie de la serrer contre moi comme pour retrouver les bribes de mon passé, mais je me retiens comme toujours. Je n'arrive pas à me lâcher et à savourer l'instant présent.

Je la fixe avec un sourire timide :

-Désolée pour ma conduite de la fois passée.

June me sourit également, son regard tendre m'englobe tout en s'installant face à moi, à une table. Elle me fixe sans dire un mot, scrutant mon visage avec nostalgie.

-Tu es pardonnée Leonora.

-Racontez-moi tout !

-Non, ce n'est pas une bonne idée.

-Mais pourquoi ?

-Ce serait un choc pour toi. On va y aller petit à petit. Tout d'abord, je voulais te dire que je n'en suis pas revenue lorsqu'Adrian m'a téléphoné pour fixer un nouveau rendez-vous avec toi.

-Tant mieux

Je suis malgré tout surprise que June ne veuille pas tout m'expliquer ce soir. Je me contiens pour ne pas me fâcher à nouveau. Je ne me suis pas déplacée pour un concours de devinettes ni pour rentrer bredouille, mais peu importe, je me suis promis de rester calme, de ne pas m'énerver à la moindre contrariété. Ma respiration saccadée se calme peu à peu à force de respirer profondément.

Cette fois, la colère ne prendra pas le dessus. Je ne veux pas devenir une fille impulsive et colérique. Qui aime ce genre de personnes ? Pas grand monde.

-Je veux tout savoir... C'est pour cela que je suis revenue.

-Je sais que tu veux tout comprendre, mais on va procéder autrement, veux-tu ? Je répondrai aux questions que tu me poses, uniquement à celles que tu me poses et petit à petit, tu feras le recoupement par toi-même.

-D'accord, je finis par dire à contrecœur.

June me contemple, elle attend patiemment ma première question. Quelle étrange situation.

-Suis-je américaine ?

-Non, tu es belge.

-Belge ? Je suis vraiment européenne ?

-Oui, tu as vécu, avant l'accident, dans la région du brabant wallon. Cela te dit quelque chose ?

-Non, pas du tout.

-Ta famille est enterrée là-bas, dans un cimetière perdu au milieu des champs.

-C'est étrange de ne me rappeler de rien. J'imagine que je savais parler le français ou flamand ?

-Oui tu parlais français, mais tu as très vite intégré l'anglais.

-Comment avez-vous eu cette gourmette ? Celle que vous m'avez remise l'autre fois ?

June sourit imperceptiblement en découvrant le bijou à mon poignet.

-Tu l'avais dans tes affaires en arrivant à l'orphelinat. Je me suis promis de le garder précieusement jusqu'à ce que tu sois adoptée. J'avais si peur que tu perdes ce précieux bijou, trop grand pour ton petit bras de l'époque.

-C'est gentil d'y avoir pensé... je dois dire que cela me touche beaucoup de le porter... c'est enfin avoir l'impression d'appartenir à une famille...de ne pas venir de nulle part.

-Je m'en suis doutée.

-J'ai une autre question à vous poser.

-Vas-y ! N'oublie pas : tu poses les questions et moi, j'y réponds.

Rassurée, je regarde autour de moi, hésite encore puis, j'ose enfin me lancer.

-Est-ce que je m'appelle réellement Leonora Spencer ?

-Je me doutais que tu me poserais cette question. Lorsque tu es arrivée à l'orphelinat, tu t'appelais Clara. Ils avaient pour principe de changer le nom de tous les orphelins dans le but de se protéger, d'effacer leur passé.

Clara.

Ce prénom fibre en moi avec justesse, avec amour.

-Clara ? Je m'appelle vraiment Clara ?

Mon visage livide traduit l'émotion qui m'envahit d'un seul coup. Mes lèvres tremblent, mes yeux humides fixent la table. Gaia avait raison.

-June, c'est déjà trop pour moi ... je ... je crois que je vais rentrer à l'hôtel.

-Je comprends. Je me doutais que ce serait pénible pour toi... voici le numéro de téléphone où tu peux me joindre. Dis, tu le feras ? Tu m'appelleras ?

-Oui, je te le promets. Mais là, je dois rentrer. Je me sens mal.

Je me lève lentement, maitrisant un vertige, lessivée par cet échange bouleversant.

À cet instant, je ne suis plus que l'ombre de moi-même. C'est comme si on venait de me priver de mon identité. Leonora n'a jamais existé, au fond. Leonora n'est que le pâle reflet de ce que j'étais avant.

Je m'appelle Clara.

Je m'appelle Clara.

Vidée, je progresse vers la sortie du restaurant, une seule et unique question s'imposant à moi :

Mais qui suis-je réellement ?

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⏰ Dernière mise à jour : 2 days ago ⏰

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